Dimanche en fin d'après-midi, "66 Minutes" sur M6 a diffusé un document exceptionnel, au plus près de l'horreur avec des pompiers quelques minutes après l'attaque du restaurant "La Belle Equipe", rue de Charonne à Paris. Trop près ? Selon nos confrères de Tele7.fr, le ministère de l'Intérieur avait demandé à la chaîne de renoncer à cette séquence de 13 minutes.
Car les images, dures et inédites, montraient le carnage : des corps sans vie, des blessés à l'agonie, la panique dans ce quartier du 11e arrondissement. Contactée par puremedias.com, M6 dément une interdiction a priori du ministère et avance une raison purement administrative. "La convention de tournage était signée avec W9 pour une autre émission, on nous a donc demandé de diffuser le sujet sur cette chaîne. Il n'y a eu aucune demande sur le fond, notamment l'éventuelle compromission de l'enquête", se défend Xavier de Moulins.
Autre son de cloche place Beauvau. W9 avait effectivement obtenu une autorisation de tournage dans la caserne de Chaligny (Paris 12e), à quelques centaines de mètres du restaurant "La Belle Equipe". Les caméras tournaient donc par hasard ce soir-là, avant d'être embarquées sur le terrain. "La convention prévoit un visionnage technique avant la diffusion, nous explique un porte-parole du ministère de l'Intérieur, permettant notamment de vérifier que tous les visages ont été floutés". Il n'a pas eu lieu cette fois.
"Mais au-delà de cet aspect, nous avons demandé à M6, au nom de la dignité humaine, de renoncer à ce sujet pour protéger les victimes et respecter les familles. Les conditions étaient exceptionnelles, l'émotion considérable. Ce n'était pas opportun, il y avait encore des victimes non identifiées, détaille à puremedias.com le porte-parole. Nous n'étions absolument pas opposés à une diffusion ultérieure, dans une ou deux semaines. Mais pas seulement 48 heures après les attentats ! M6 a écouté les consignes puis est passée outre, avançant le caractère exceptionnel du document qu'ils avaient entre les mains. Ce n'est pas acceptable".
"Vendredi, nous étions avec les pompiers quand ils ont été les premiers à découvrir la terrible scène au restaurant 'La Belle Equipe', rue de Charonne, dans le 11e arrondissement", avait pour sa part expliqué Xavier de Moulins à l'antenne dimanche soir en direct, mettant en garde les téléspectateurs sur la dureté des images. Le document était déconseillé aux moins de 10 ans. La caméra arrive alors sur les lieux du drame juste après la fusillade, mais avant la police. Des corps jonchent le sol, on entend des cris de victimes blessées. C'est l'effroi. Les pompiers séparent les blessés des personnes déjà décédées, toujours devant la caméra de W9/M6, aussi témoin du sang-froid incroyable de l'équipe d'intervention. "C'est ma soeur, tu attends qu'elle décède ? Est-ce qu'il y a de l'espoir ?" lance ainsi un survivant à un des membres de l'équipe sur place. "Je pense qu'il n'y a pas d'espoir", lui répond le pompier.
"M6 avance l'argument du sang-froid et de l'héroïsme des pompiers, qu'ils voulaient montrer aux téléspectateurs. Mais qui en doute, franchement ?, s'interroge le porte-parole du ministère. Ca pouvait attendre plusieurs semaines, leur document aurait eu bien plus de force". Ce reportage a suscité de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux, certains téléspectateurs reprochant à M6 son voyeurisme, seulement 48 heures après la tragédie. Les pompiers ont l'habitude d'être suivis par des caméras de télévision, mais rarement dans des circonstances aussi exceptionnelles.
M6 n'est pas la seule chaîne à être passée outre les recommandations du ministère de l'Intérieur. TF1 tournait le même soir dans une autre caserne parisienne (notre vidéo), à Château-Landon, elle aussi à quelques centaines de mètres d'un autre point d'attaque. Là aussi, c'est TMC, une filiale de TF1, qui était ce soir-là par hasard avec les pompiers. La Une a récupéré les images "exclusives" pour les diffuser dans son 13 Heures, dimanche. "Là aussi, la convention de tournage n'a pas été respectée, et aucun visionnage technique n'a pu être fait", déplore-t-on place Beauvau. Il y aura des suites, peut-être juridiques. Le lien de confiance est rompue". Ce lundi, à 16h, le documentaire de "66 minutes" n'était toujours pas disponible sur le site de replay de la chaîne.