"Le Figaro" a trouvé un moyen simple de remplir ses colonnes : faire la promotion de ses propres journalistes. Cette semaine, le supplément week-end du célèbre quotidien a ainsi décidé de consacrer pas moins de 11 pages à un joli scoop : la participation au marathon de New York d'un de ses rédacteurs en chef, Guillaume Tabard.
A son corps défendant, le lecteur est ainsi plongé dans un récit haletant et à la première personne de cet "évènement" majeur. Pour faire vivre au plus près l'Epreuve de Guillaume Tabard, le dossier spécial du "Figaro" est abondamment illustré. Le lecteur peut ainsi contempler pas moins de sept photos du journaliste dont deux belles doubles pages. Sur ces clichés offrant au passage une belle visibilité à une célèbre marque de baskets, le "Rastignac version running" n'hésite pas à prendre la pose, regardant souvent les gratte-ciel de New York d'un air pénétré.
Mais ce dossier spécial vaut surtout le détour pour le témoignage palpitant livré par le journaliste. Le "héros Tabard" fait ainsi découvrir aux lecteurs les coulisses du monde ultra-secret des coureurs de marathon où "les plans d'entraînement sont transmis comme le secret nucléaire de vétérans en prétendants". A l'approche du grand saut dans le vide, l'éditorialiste se souvient avec gravité de ses séances d'entraînement dans les forêts d'Evreux et du parc de Saint-Cloud. L'occasion de se remémorer les questions existentielles qu'elles ont suscitées chez lui : "Quand caser les séances ?".
Sans répondre à cette interrogation fondamentale, Guillaume Tabard enchaîne avec la description de ses derniers moments avant la course, entre balades dans New York, sortie pour voir la comédie musicale "Chicago", et dégustation du dernier repas : un plat de pâtes, "en raison de sa richesse en sucres lents". Après une photo "un tantinet cabotine" prise avec son numéro de dossard brandi, vient enfin le moment du récit épique de la course. Le rédacteur en chef du "Figaro" décrit ses différents états physiques et mentaux durant ces 42 kilomètres, songeant successivement à Woody Allen, Dvořák mais aussi à ses baskets. "Combien d'heures passées avec elles ?", s'interroge-t-il pertinemment. Arrive finalement, après 4h30 d'effort, la délivrance tant attendue par Guillaume Tabard mais aussi par ses lecteurs.
Pourtant sympathique, ce témoignage n'a visiblement été que moyennement apprécié par la SDJ du Figaro. Dans un message interne que puremedias.com s'est procuré, la société des journalistes souligne ainsi que le dossier Tabard suit de peu la publication mi-octobre d'une couverture du "Fig Mag" sur "le supposé 'Phénomène Natacha Polony'", une autre collaboratrice du "Figaro".
Dans son message, la SDJ appelle donc la direction à "plus de mesure dans la mise en avant de tel ou tel collaborateur" et regrette la légère distorsion de la hiérarchie de l'information qu'implique ce genre de reportages. Dans le numéro de cette semaine, le témoignage de Guillaume Tabard devance l'ensemble des autres sujets, dont le celui affiché en Une sur "les nouveaux RG".
La SDJ préfère finalement ironiser : "Il nous reste à souhaiter qu'Alexis Brezet (directeur de la rédaction du Figaro, ndlr) n'honorera pas de sa vigoureuse foulée, l'été prochain, les sentiers du GR 20, que Paul-Henri du Limbert (directeur délégué du journal) ne partira pas à l'assaut du Mont Ventoux au guidon de sa bicyclette, ou qu'Anne-Florence Schmitt (directrice de la rédaction du 'Figaro Madame', ndlr) ne fera pas le tour de Noirmoutier en kayak de mer, sans quoi des numéros spéciaux sont à redouter".
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