La fête est finie. Une semaine après la publication des audiences record, Laurence Bloch, la directrice d'Inter, a rangé sa bombe rouge et ses cotillons. L'heure est grave. Frédéric Schlesinger, directeur des antennes du groupe, s'apprête à quitter le navire pour aller diriger une radio concurrente, Europe 1. "C'est un peu la panique, les réunions s'enchaînent", témoigne un journaliste de la station. "Laurence le vit comme une trahison", raconte un autre. Partir avec les secrets de fabrication d'une antenne qui ne s'est jamais aussi bien portée deux mois avant la fin de la saison, personne n'osait y croire.
Et il ne devrait pas y aller tout seul. Dans ses bagages, son compagnon de route, Emmanuel Perreau, actuel directeur des programmes. Les deux hommes se suivent depuis plusieurs années et s'apprécient beaucoup. A France Inter déjà, quand Schlesinger dirigeait la radio de 2006 à 2009, Perreau s'occupait de la communication. Il avait toujours un avis affûté sur les émissions à l'antenne. Après un passage chez Europe 1 à la com', il se fait la main à la direction des programmes aux côtés de Bruno Gaston. Mais Perreau reprend vite le chemin de la Maison Ronde, en 2014, rappelé par... Schlesinger. Avec Laurence Bloch ils mettent en place un plan stratégique pour Inter, renouvellent la plupart des cases, lancent de nouveaux talents.
Avant cela, écarté par Jean-Luc Hees, Schlesinger avait fait une parenthèse à l'INA. C'est là-bas qu'il a rencontré Mathieu Gallet, futur président de Radio France. Il a largement contribué à l'écriture de son projet destiné au CSA pour concourir à la présidence du groupe public. A lui les programmes, à Gallet la stratégie. "Schels', c'était la grosse boîte à idées au début. Mais depuis deux ans, le vrai duo d'Inter, c'est Bloch et Perreau", tempère un journaliste. Il ne devrait d'ailleurs pas être remplacé.
A 64 ans, ce grand amoureux de la radio se lance donc l'ultime défi de sa carrière : redonner ses lettres de noblesse à une station à bout de souffle. Tout est à rebâtir chez Europe 1, de la matinale - carrefour stratégique - aux après-midis, plombées depuis le départ de Laurent Ruquier. Un profond renouvellement va s'opérer. "Ce sera 'on efface tout et on recommence'" prédit un animateur de la rue François Ier. "Mais les journalistes sont rassurés que cela soit un professionnel de la radio qui soit nommé, on s'attendait au pire après les errements de ces derniers mois. Emmanuel Perreau a lui aussi laissé une très bonne impression ici", poursuit un journaliste.
Premier chantier du nouveau management, la matinale. Avec peut-être Patrick Cohen, sept ans de 7/9 au compteur de la radio publique. Le journaliste hésite encore. Il a rencontré Laurence Bloch, qui tente de le retenir après n'avoir rien vu venir. Il réserve encore sa réponse qu'il devrait donner vendredi. "On n'imagine pas qu'il puisse arriver à Europe 1 pour autre chose que la matinale. Ce n'est pas un manager, un meneur d'hommes, mais un excellent anchorman et intervieweur", confie un autre. Cohen sur Europe 1 peut-il emporter avec lui une partie de ses près de 2 millions fidèles ? Rien n'est moins sûr, les auditeurs d'Inter sont allergiques à la publicité, très présente sur une radio commerciale comme Europe 1. "Venir piquer les talents de a concurrence, c'est la règle du marché, commente une grande voix de la radio publique. Mais Inter restera toujours Inter ! Notre grille est très solide, les auditeurs y sont très attachés".
France Inter ne veut pas se laisser déstabiliser par ce mercato surprise. La réorganisation devrait aller vite. Laurence Bloch a ouvert sa "panic room", reçoit les talents pour les sécuriser la saison prochaine. Charline Vanhoenacker lui a déjà assuré qu'elle resterait, quoi qu'il arrive. Il faut dire qu'il existe un lien affectif très fort entre Laurence Bloch et les journalistes et animateurs qu'elle a souvent sorti de l'anonymat en les mettant à l'antenne. Elle doit d'abord veiller à protéger sa matinale. Appellera-t-elle une grande voix de l'extérieur si Cohen quitte la maison ? Le vivier interne n'en manque pas, comme Marc Fauvelle, son joker et homme le plus écouté de France. Le mercato radio, qui vient de démarrer, nous réserve sans doute encore beaucoup de surprises.