Nouveau téléfilm évènement sur TF1. La chaîne diffuse ce soir en prime-time "Après moi le bonheur", une fiction unitaire adaptée du livre "Le courage d'une mère", publié en 2009 chez Oh Editions, et inspirée de l'histoire vraie de Marie-Laure Picat. Ce téléfilm inédit est emmené par Alexandra Lamy, qui interprète une mère de famille de quatre enfants condamnée par un cancer. Sachant qu'il ne lui reste que très peu de temps à vivre, elle va se battre pour avoir le droit de choisir la famille d'accueil de ses enfants.
A l'occasion de la diffusion de ce nouvel unitaire, puremedias.com a rencontré la comédienne. Lors de cet entretien, Alexandra Lamy a évoqué la complexité du personnage qu'elle incarne, mais aussi la stature de "mère courage" de Marie-Laure Picat. L'actrice est aussi revenue sur son succès dans la série "Une chance de trop" sur TF1 et ses futurs projets, dont un avec sa soeur, Audrey Lamy.
Propos recueillis par Florian Guadalupe.
puremedias.com : Dans le téléfilm, vous interprétez Marie-Laure Picat, une "mère courage" qui cherche une famille d'accueil pour ses enfants, alors qu'elle se sait condamnée. Qu'est-ce qui vous a poussé à accepter le rôle ?
Alexandra Lamy : On m'a proposé ce scénario il y a quelques années. Quand on m'a raconté l'histoire au départ, j'ai eu un peu peur. Mais en fait, l'écriture de Claire Le Maréchal, la scénariste, je l'ai trouvée extrêmement bien. Elle a une justesse incroyable, sans tomber dans le pathos. Effectivement, dans le film, c'est une femme qui se bat contre la maladie, mais qui se bat surtout pour ses enfants. Elle a envie de partir en se disant qu'elle va pouvoir mettre ses enfants là où elle veut et de façon paisible. Après, le film est triste, on parle quand même d'un cancer, d'une maladie. Mais ce que je trouve magnifique, c'est qu'elle a une deadline. Elle sait que dans quelques mois, elle va mourir. Une fois qu'elle a accepté ça, elle profite au maximum de sa vie. Parfois, la vie peut vous faucher... Moi j'ai perdu des amis très proches à 30 ans, et, comme ça, la vie vous fauche, par un accident de voiture. On se dit : "Merde, je n'ai pas eu le temps de lui dire au revoir, il n'a pas eu le temps de profiter." Je ne dis pas que c'est mieux. Je dis que cette deadline laisse du temps.
Jouer le rôle d'une femme qui connait la date de sa mort, c'est plus difficile pour une actrice ?
Ouais, ça nous rentre dans la tête. On se demande comment on joue la maladie, comment on joue la douleur, comment on l'appréhende, comment je le vis avec ma fille. Dans la vie, je sais que je parle extrêmement vite, mais d'un coup, j'ai vu qu'il fallait que je change mon rythme. Forcément, elle va parler un peu plus dans le souffle. C'est étrange d'avoir ralenti mon rythme, mon corps a pris ce rythme-là. Je me suis dit : "Oulala, ça ne devient pas psychologique ?" On va aller chercher sur Internet quelles sont les douleurs, qu'est-ce que c'est exactement comme maladie. Puis, on se dit : "Moi aussi, j'ai un peu mal au dos en ce moment, tiens faudrait aller chez le médecin". C'est quelque chose qui forcément nous rentre dans la tête. En revanche, ce que j'ai gardé de positif, c'est cette envie de vivre, ce côté de profiter de la vie - même si à chaque fois qu'on le dit, ça fait un peu couillon, de se dire qu'il faut relativiser.
Comment vous êtes-vous emparée du personnage ?
Quand on m'a proposé le rôle de Marie-Laure, j'avais un devoir de justesse par rapport à cette femme, par rapport à ses enfants, par rapport à sa famille. Je n'ai pas voulu lire son livre, parce que finalement, ce n'était pas ça qui m'importait. Tout était déjà dans le scénario. Et Claire Le Maréchal avait fait un travail énorme, elle l'avait rencontrée. Moi je m'étais intéressée à la voir elle, comment elle parlait, comment elle était. Je me suis dit que ça ne servait à rien d'essayer de lui ressembler. Je ne vais pas commencer à prendre 25 kilos, me mettre brune, faire une performance physique. Ce qui m'intéressait surtout chez elle, c'est ce qu'elle apportait de son caractère, sa force, son humour, sa façon de parler et de prendre les choses. J'ai pris tout ça d'elle, je l'amène à moi. J'étais contente parce que les enfants ont vu le film et ils ont dit qu'ils voyaient leur maman en moi. C'est la plus belle critique qu'on pouvait me faire.
Ce qui est marquant dans le film, c'est aussi l'humour de votre personnage par rapport au cancer, notamment cette scène du choix du cercueil...
Effectivement, l'humour est important et ça permet d'avoir des moments où on souffle. Si c'est pour voir une comédienne chialer pendant une heure et demie, je ne pleure plus à la fin. Elle m'énerve, j'ai envie de la gifler. Ce qui est important, c'est qu'elle soit au plus juste. Oui, on rit, on pleure. Même en temps de guerre, les gens avaient aussi de l'humour, sinon ça serait invivable, sinon on étouffe. C'est pour ça que j'ai trouvé intéressant de mettre de l'humour là où, forcément, on ne l'attend pas.
C'est plus dur de travailler lorsque le scénario est tiré d'une histoire vraie ?
Forcément, parce qu'on a tellement peur de trahir. Quand c'est un personnage qui est complétement fictif, ce n'est pas grave, ça ne concerne que moi. Mais là, je me dis, merde, je n'aimerais pas qu'elle me voit là-haut et qu'elle se dise : "Dis donc, ils auraient pu prendre une autre actrice". On a un devoir d'assurer.
Pensez-vous qu'un débat de société pourrait être relancé sur le fonctionnement de l'administration concernant les familles d'accueil ?
Je pense que maintenant, on pourrait faire du cas par cas, pour des exceptions lorsque la mère sait qu'elle va mourir et qu'elle est toujours en vie. Les choses doivent changer. Après, il faut être sûr que ça a vraiment évolué. Et aussi, le pouvoir des médias ! Même si on l'a énormément critiquée de les avoir contactés, elle savait le danger de la médiatisation, mais elle s'en foutait, elle n'avait plus rien à perdre. De toute façon, qu'est-ce qui pouvait lui arriver de pire ? Elle allait mourir. L'administration s'est dit d'un coup : "Ah merde, c'est un sujet qui va peut-être devenir difficile". Ce n'est pas possible de se dire : "Vous allez mourir et après on gérera vos enfants".
On sent dans le téléfilm une grande complicité entre les enfants et vous. Comment s'est passé le tournage avec eux ?
Super ! C'est toujours plus difficile avec la toute petite, parce que c'est un bébé. En revanche, avec les trois, c'était un bonheur. La petite qui joue ma fille est extraordinaire. Elle nous a scotchés quand il y a cette scène où je leur explique que je vais partir. Elle nous a sciés. On a tous eu les larmes. C'était bien fait, parce qu'en plus c'est de la télé et qu'on va vite. Ils n'ont pas trop eu le temps de s'installer dans un truc super glauque. On a que 21 jours, ça va vite. Du coup, on parlait de la scène en riant, en se marrant. On jouait ensemble. Ils ont pris la thématique de la mort comme des acteurs. Ils ont compris qu'il fallait faire semblant, qu'il faut être le plus crédible possible.
Vous aviez déjà joué ce rôle de "mère courage" sur TF1, avec la série "Une chance de trop". C'est le type de rôle qui vous plaît le plus ?
Carrément ! Quand on a l'âge que j'ai, c'est-à-dire la quarantaine, qui est un âge extraordinaire pour une femme, j'aimerais bien rester là, c'est vrai que ça nous permet d'avoir des rôles plus intéressants. On a passé l'âge de jeune première à 20 ans, même si j'avais la voix un peu grave. La femme de comédie romantique de 30 ans, qui cherche son mec, ça y est je l'ai fait, au bout d'un moment, je n'en peux plus. Donc, je trouve qu'à 40 ans, on a des rôles de femmes qui sont extrêmement intéressants. On a des enfants, une maturité. On se débarrasse de tous les trucs qui nous ont emmerdés pendant 20 ans, des gens qui vous ont collée et qui finalement vous ont tirée vers le bas.
C'est le personnage que vous aviez trouvé dans la série ?
Oui et non. Dans "Une chance de trop", je jouais quelqu'un comme tout le monde. On kidnapperait votre enfant, on ferait tous pareil. Par rapport à "Une chance de trop", qui était normalement pour un homme, on l'a trouvé plus intéressant pour une femme. Parce qu'un homme, on sait qu'il sait se battre, on sait qu'il sait se servir d'une arme. Alors qu'une femme doit faire de ses propres moyens, ses propres armes à elle. Elle ne fait pas de karaté en général le samedi soir. C'est rare qu'elle sache se servir d'une arme. On me mettrait une arme devant moi, je serais incapable de l'utiliser !
Vous vous attendiez à un tel carton ?
Non, on a toujours peur. C'est pire que lorsqu'on sort un film. J'avais peur que les gens n'aient pas du tout envie de me voir. Ca stresse. Evidemment, j'étais la première à appeler le matin à 9h : "Et alors, comment ça s'est passé ?" On était tellement heureux du succès.
Vous avez aussi reçu des prix par la suite...
Interprétation féminine, meilleure série. C'est bien, parce qu'on a toujours un snobisme en France par rapport à la télé. Mais finalement, c'est très hypocrite. Parce que le cinéma a besoin de la télé pour monter des films. Tout le monde commence à ouvrir des départements de télé... Nous, on avait un retard énorme sur les Anglo-saxons. Ils passent de la télé, de la série, des films de comédie, d'auteur. Nous, on a toujours besoin de mettre les gens dans des cases. Eux, ça ne les empêche pas d'avoir tous des Oscars. Jean (Dujardin), quand on a fait la série ("Un gars, une fille"), il a eu un Oscar après.
Pensez-vous que votre nouveau téléfilm aurait pu sortir au cinéma ?
Non. Quand il y a quelques années, on m'a proposé "Après moi le bonheur", on m'avait demandé si je voulais qu'on le monte au cinéma. Je leur ai dit que ça ne marcherait pas, parce que les films comme ça, ça fait 200.000 entrées. Je vais me faire 45 tournées province, les gens ils sont blasés, parce que deux fois par semaine, ils ont des équipes de films qui viennent. Il faut que j'aille montrer ma culotte dans des émissions pour essayer de faire venir un maximum de monde, pour dire : "Je vous assure, ce n'est pas si triste que ça, y'a quand même de l'espoir là-dedans. Y'a l'espoir de se dire...qu'on peut mourir bien". Ca ne marche pas au cinéma. Les gens ne vont pas payer pour aller voir ça. C'est trop dur. A la télé, ils l'acceptent. Moi je fais ça pour les gens. Je suis une actrice populaire, et je veux rester une actrice populaire. Je n'en ai rien foutre de la petite intelligentsia. Si on avait écouté tout le monde, on se serait complètement planté.
Vous vous plaisez plus au cinéma ou à la télévision ?
J'aime partout. Télé, cinéma, théâtre, pour moi, c'est raconter des histoires, c'est du jeu. Je ne vais pas moins bien jouer à la télé, parce que c'est de la télé. Non, la télé est une très bonne école. On fait un téléfilm en 21 jours, on fait un film au cinéma en deux mois. Ce n'est pas la même chose, on a plus de confort. Là, il faut aller vite, on fait deux, trois prises, il faut faire le mieux possible en un temps très court. Pour un comédien, pour la technique, c'est une école extraordinaire.
Vous seriez intéressée de revenir à la télévision dans une série comique, comme au temps d'"Un gars, une fille" ?
Bien sûr ! Amenez-moi un scénario avec une histoire que j'ai envie de raconter. Tout ce qu'il faut, c'est savoir ce qu'on va apporter. Je viens de la télé, ça ne m'empêche pas de faire neuf films en un an et demi. On ne peut pas dire que ce soit la télévision qui m'ait bloquée.
Sur les unitaires de TF1, que pensez-vous de la stratégie de la chaîne de s'axer sur des faits divers, comme le téléfilm "L'emprise" l'année dernière avec Odile Vuillemin et Fred Testot ?
C'est génial ! Fred Testot sait très bien qu'au cinéma, ce serait plus difficile d'aller faire un film comme ça. Encore une fois, "L'emprise" serait sorti au cinéma, il n'aurait pas marché. C'est sûr. C'est pour ça qu'il ne faut pas cracher sur la télévision. Moi, le lendemain des chiffres de la série, les premiers textos que j'ai reçus, c'est des distributeurs de cinéma. C'est quand même drôle.
Ce succès à la télévision, c'est aussi une bouffée d'air dans votre carrière...
Oui, une vraie bouffée. "Une chance de trop" m'a permis de m'affiner aussi dans mon jeu, de travailler en tant qu'actrice. En France, on n'a pas du tout l'habitude d'aller dans des cours de théâtre, alors que les Anglais le font. Mais en tant qu'acteur connu, on ne s'exerce pas dans des cours de théâtre, alors que c'est un peu comme les sportifs. Plus on bosse, plus on s'affine. "Après moi le bonheur", c'est très bien qu'il soit tombé là. Je pense que finalement, je l'aurais fait il y a quelques années, peut-être que j'aurais été moins bien. Tout mon passif pendant ces années de travail de comédienne m'a permis de faire ce rôle là. C'est pour ça que refaire une série avec TF1, si ça me plaît, on repartira. C'est génial dans la rue quand il y a plus de huit millions de personnes qui vous ont vue et qui vous disent : "C'est chouette de vous voir là-dedans, la prochaine fois, j'irai voir votre film". C'est des gens qui n'ont pas l'habitude de me voir là-dedans.
Mais vous n'avez pas peur d'être ensuite cataloguée dans un type de personnage ?
Je vais vous dire ce que je fais. Je viens de faire la série d'Harlan Coben. Je viens de faire "Après moi le bonheur". Là, maintenant je vais faire un film d'auteur avec l'acteur suédois Michael Nyqvist, ça se passe au Maroc et c'est l'histoire de ces femmes qui essayent de passer de l'autre côté de la frontière. Je vais faire un film qui s'appelle "Le facteur cheval" avec Nils Tavernier, qui se passe sur 30 ans, avec Jacques Gamblin. Je fais une comédie réalisée par Eric Lavaine, qui va sortir le 1er juin avec Josiane Balasko. Ensuite, je vais refaire un film avec Eric Lavaine. Après, je fais un film sur la Résistance, puis encore un film d'auteur avec Isabelle Carré. Je fais enfin une pièce. Alors là, si je ne suis pas dans un registre large, franchement. Plus personne ne peut me cantonner à quoi que ce soit. Sinon on ne s'emmerderait pas à me proposer six films qui n'ont rien à voir.
Et le cinéma à l'étranger pourrait vous tenter ?
En Angleterre, on m'avait proposé une série dans un premier rôle, je leur ai dit : "Je vais voir, j'attends". En fait, je n'ai pas le rêve américain. Si un jour, on me propose un truc extraordinaire, je ne vais pas dire non, je serais stupide. En même temps, il y a Harlan Coben qui est en train de nous développer un film, mais qui restera quand même en France. Et puis, moi je ne veux pas quitter la France ! Il faut le défendre notre cinéma, sinon tout le monde se barre aux Etats-Unis et on n'a plus personne ici !
Vous avez une soeur, Audrey Lamy, qui fait aussi une carrière d'actrice de son côté. Ca vous plairait de jouer avec elle ?
Grave, on y pense à fond. Ca va arriver. On n'a pas encore l'idée complète mais, c'est sûr que ça se fera. Il faut quand même qu'on le fasse. Ce sera au cinéma, je pense.
Et jouer avec votre fille ?
Evidemment. Mais ce serait un film séparé, pas forcément familial avec ma soeur. Peut-être deux films complétement différents. Mais d'abord, il faut qu'elle travaille, elle prend des cours, elle bosse. Quand on sentira qu'elle peut jouer et qu'elle sera pour moi une comédienne, oui, on le fera.
puremedias.com vous propose de découvrir la bande-annonce d'"Après moi le bonheur".