2018, annus horribilis pour Facebook ? L'agence de marketing Crowd Siren vient de porter plainte contre le réseau social de Mark Zuckerberg, accusé d'avoir trompé les annonceurs sur le temps réel passé par ses utilisateurs à regarder des vidéos. Facebook ne comptabilisait ainsi pas les vidéos si elles avaient été vues moins de 3 secondes, mais les intégraient au temps total de visionnage. Le dossier trouve en fait ses origines en 2016. À cette époque, Facebook avait déjà été accusé d'avoir sciemment manipulé les audiences des publicités vidéos sur sa plateforme. Le réseau social s'était défendu en invoquant une "erreur de calcul", assurant que le prétendu bug avait été corrigé peu après sa découverte.
Dans la plainte déposée cette semaine, à laquelle "Wall Street Journal" a eu accès, les annonceurs qui attaquent le réseau social estiment que ce dernier a pris connaissance, dès 2015, des irrégularités dans ses statistiques. Selon eux, Facebook aurait donc sciemment menti pendant un an. Le réseau social aurait pourtant été averti par des annonceurs, dès juillet 2015, d'une potentielle erreur dans les statistiques. Documents internes de Facebook à l'appui, les plaignants soutiennent que l'affaire a bien été évoquée en haut lieu, où consigne aurait été donnée de ne pas ébruiter l'affaire.
Selon les annonceurs, les chiffres d'audience auraient été gonflés de 150% à 900%, soit bien plus que ce que Facebook avait reconnu, évoquant à l'époque un taux d'erreur de +60% à +80%. Par ailleurs, en 2016, le vice-président de Facebook avait expliqué que l'erreur n'aurait "pas d'incidence sur la facturation". Pour les annonceurs, qui s'estiment floués, le réseau social a "incité" ses clients à acheter ses espaces publicitaires sur la base de ces faux chiffres.
Dans un communiqué, Facebook balaie la plainte d'un revers de main, évoquant une "action sans fondement" et assure avoir déposé "une requête en rejet des accusations de fraude". "Les suggestions selon lesquelles nous aurions tenté de cacher le problème à nos partenaires sont fausses. Nous avons parlé à nos clients de l'erreur quand nous l'avons découverte – et mis à jour notre aide en ligne pour expliquer ce problème", se défend le réseau social. L'enjeu n'est pas mince pour le réseau social de Mark Zuckerbeg qui, comme le note "Bloomberg", doit convaincre les annonceurs que ses internautes consomment davantage de contenus vidéos pour dégager de la croissance et rester dans la course avec YouTube.
Cette plainte, et sa médiatisation, interviennent dans un contexte compliqué pour Facebook. Le réseau social au plus de 2 milliards d'abonnés a été fortement ébranlé par le scandale Cambridge Analytica au printemps dernier. Le réseau social a aussi essuyé les départs de nombreux hauts dirigeants, dont ceux des fondateurs de WhatsApp et Instagram. Régulièrement pointé du doigt sur l'exploitation des données privées de ses utilisateurs, Facebook est aussi concerné par les problèmes de piratage. Vendredi, le réseau social a ainsi révélé qu'en raison d'une faille de sécurité, 50 millions de comptes avaient été piratés. En attentant la fin de cette difficile année, le réseau social tente actuellement de montrer patte blanche face à la prolifération des infox et aux soupçons d'ingérence russe à l'approche des midterms, les élections américaines de mi-mandat.