En cassant la décision du CSA, le Conseil d'Etat renvoie la balle dans le camp de l'institution dirigée par Olivier Schrameck. Elle devra se prononcer à nouveau, dans les six mois, sur le passage de LCI et Paris Première sur la TNT gratuite. Mais les arguments avancés il y a un an par le gendarme du PAF pour motiver ses décisions sont-ils encore valables aujourd'hui ? Non, pour les groupes TF1 et M6, qui estimaient déjà à l'époque que les conditions du marché avaient été mal analysées. Inévitablement, les études d'impact du CSA réalisées il y a un an devront être revues et corrigées pour justifier sa nouvelle décision. Analyse.
HIER. A l'époque, le CSA notait que le marché pub était en baisse et relevait "qu'aucune reprise significative" n'était prévue "à brève échéance". Les Sages de l'audiovisuel avaient alors estimé que "l'arrivée d'une ou plusieurs chaînes gratuites supplémentaires ne pourrait pas être portée par une croissance du marché publicitaire".
AUJOURD'HUI. En 2014, le marché publicitaire était encore en convalescence, en baisse de 2,3%. Mais depuis le début de l'année, il repart timidement. Au 1er trimestre, les recettes publicitaires nettes des chaînes progresse de 3% sur un an, selon l'IREP. Sur les trois premiers mois de 2015, les chaînes nationales historiques captent 56,1 % des investissements publicitaires (-1,6 point par rapport à janvier-mars 2014), contre 36,6 % pour les chaînes TNT (+1,1 point).
HIER. Le CSA avait aussi jugé que la situation financière des actuelles chaînes de la TNT gratuite était trop "fragile" pour supporter une nouvelle concurrence, notamment pour les chaînes qui ne "sont pas adossées à un grand groupe", comme BFMTV par exemple.
AUJOURD'HUI. Les chaînes de la TNT, si certaines sont en difficultés financières, restent pour la plupart adossées à un groupe important qui éponge leurs pertes. C'est le cas de NRJ, très bénéficiaire en radio mais déficitaire dans ses activités télé. L'Equipe 21 est la dernière chaîne indépendante du paysage à ne pas appartenir à un groupe audiovisuel.
HIER. Les Sages du CSA considéraient il y a un an que l'arrivée d'une ou plusieurs chaînes gratuites supplémentaires, dans un paysage déjà composé de 25 chaînes, "ne devrait pas se traduire par une augmentation significative de l'usage de la télévision et serait donc de nature à entraîner des phénomènes de transfert d'audience au détriment des chaînes gratuites existantes".
AUJOURD'HUI. La montée en puissance de la TNT dans le paysage audiovisuel français s'est confirmée ces derniers mois. Elles totalisent 32,8% de parts d'audience en mai 2015 contre 30,4% il y a un an. En revanche, la durée d'écoute globale de la télévision par jour et par Français ne cesse effectivement de baisser, principalement en raison de l'émergence des seconds écrans. i-TELE et BFMTV avaient vu juste en expliquant il y a un an que l'auditoire des chaînes d'infos n'était pas extensible, il stagne sur un an.
HIER. Autre argument avancé par le CSA à l'époque, les candidatures "étaient de nature à créer des difficultés et des déséquilibres, portant atteinte à la préservation de la diversité éditoriale des chaînes diffusant actuellement sur la TNT gratuite". Ainsi, l'arrivée de LCI sur le gratuit aurait trop destabilisé l'équilibre des deux chaînes d'information déjà existantes, i-TELE et BFMTV.
AUJOURD'HUI. Si iTELE, qui appartient au groupe Canal+, perd encore de l'argent, BFMTV affiche elle une excellente santé financière. La branche télé du groupe NextRadioTV a enregistré au premier trimestre une progression de 31% de son chiffre d'affaires, celui de BFMTV progresse de plus de 10%. Au 2ème trimestre, le groupe prévoit "une croissance soutenue de ses recettes".
HIER. L'arrivée de Paris Première sur la TNT gratuite aurait affecté selon le CSA "la viabilité économique et financière de chaînes de la TNT gratuite offrant un format et s'adressant à un auditoire présentant des analogies" selon les Sages de l'audiovisuel. Concernés, Numéro 23 et D8 dont la convention serait trop proche de celle de Paris Première.
AUJOURD'HUI. Si la chaîne Numéro 23 n'a pas décollé côté audiences (0,7% à peine), son potentiel déséquilibre ne sera bientôt plus un problème : son propriétaire, Pascal Houzelot, a décidé de la vendre à NextRadioTV... propriétaire de BFMTV ! Enfin, D8, qui appartient au groupe Canal+, se porte à merveille : en mai dernier, elle totalisait 3,6% de parts de marché, première sur le podium de la TNT.