C'est une petite phrase lourde de sens qu'a prononcée récemment Olivier Schrameck. Jeudi 3 juillet lors des journées de l'Association de la promotion de l'audiovisuel (APA), le président du CSA a affirmé, comme le rapporte Le Monde : "Il faut en finir avec la conception absolutiste de la neutralité du Net". Une attaque en règle contre un concept fondateur de l'Internet, celui qui proclame l'égalité de traitement entre tous les flux de données sur la toile.
Depuis quelques mois, ce concept est de plus en plus attaqué dans l'audiovisuel français. En cause, l'arrivée sur le marché de l'audiovisuel de nouveaux acteurs issus du web comme Netflix ou encore Google via Youtube. Ces derniers ne sont pas soumis aux mêmes obligations de financement de la création que les acteurs traditionnels et sont en plus de très importants consommateurs de bande passante. Selon ses détracteurs, le système de régulation actuel pénaliserait ainsi les acteurs vertueux et créerait une "concurrence déloyale" entre eux et les groupes issus du web.
Lors d'un colloque organisé en marge du festival de Cannes, le directeur général de Canal+, Rodolphe Belmer, s'en était pris lui-aussi à ce concept de neutralité du net. "Une concurrence déséquilibrée est en train de s'établir en termes fiscaux, en termes d'obligations, en terme de masse et d'investissements", avait-il analysé à l'époque. "Il faut créer des avantages compétitifs pour des acteurs comme nous" avait-il fait valoir. Avant d'ajouter : "Il faudrait qu'un acteur comme nous soit favorisé pour accéder aux fils du téléphone. Il faudrait que ce soit plus facile pour nous d'amener nos programmes avec une bonne qualité de débit".
A cette idée d'un débit "favorisé" pour les acteurs de l'audiovisuel se pliant à la loi française, s'en ajoute une autre. Le président de l'Union syndicale de la production audiovisuelle, Thomas Anargyros, a ainsi plaidé lors des mêmes journées de l'APA pour la création d'"une forme de péage sur des acteurs comme Netflix, qui consomment à certains moments 80% de la bande passante".
D'après Le Monde, une refléxion serait en cours du côté du gouvernement pour "donner la possibilité aux opérateurs de faire payer les acteurs qui prennent beaucoup de place sur les réseaux". Même si rien n'est arrêté, une telle mesure prise au niveau européen pourrait permettre de financer la création via la taxe sur les services de télévision (TST-D) dont s'acquittent les fournisseurs d'accès à internet et qui finance en partie le CNC. Le débat ne fait en tout cas que commencer alors que l'arrivée de Netflix en France (mais sans doute depuis l'étranger) devrait intervenir à l'automne. Quoiqu'il en soit, le CSA semble avoir déjà pris position dans cette bataille.