Ces données sont gardées secrètes par Canal+. Les audiences des émissions en crypté ne sont jamais communiquées par Mediametrie aux journalistes. Comme Vincent Bolloré ne croit plus à l'avenir du clair, puremedias.com s'est procuré les chiffres des programmes qui ont fait le pari du "réservé aux abonnés". "Les Guignols", "L'Effet Papillon", "L'Emission d'Antoine" sont-ils plébiscités par ceux qui payent une quarantaine d'euros par mois ? Ou viennent-ils seulement pour le cinéma et le sport ? Ces données qui ne tiennent pas compte des rediffusions sont riches d'enseignements...
L'originalité de "L'émission d'Antoine" a été saluée par la critique. Moins par le public : ses audiences en deuxième partie de soirée, sur Canal+ le vendredi au départ puis le jeudi à 22h30, sont confidentielles. Les folies de l'ex-animateur du "Grand Journal" sont suivies par seulement 60.000 téléspectateurs en moyenne depuis le début de l'année, soit 0,5% du public et 2,2% des abonnés Canal+ ! A cette heure, ils préfèrent le replay ou basculer sur l'une des autres chaînes du bouquet : Canal+ Cinéma, Canal+ Sport, Canal+ Séries, Canal+ Family et Canal+ Décalé.
"L'effet Papillon", contraint et forcé de basculer du samedi en clair au dimanche en crypté à la demande de la nouvelle direction depuis la rentrée a-t-il conservé ses fidèles ? L'émission de reportages présentée par Daphné Roulier est elle aussi sortie du radar médiatique, avec seulement 106.000 téléspectateurs. "Quand on ouvre une plage en clair sur Canal, on perd des abonnés", estime Vincent Bolloré. Mais quand Canal+ bascule une émission du clair au crypté, elle égare deux tiers de son public.
"Les Guignols", désormais programmés à 21h en payant juste avant le prime, ont subi le même sort, avec seulement 565.000 téléspectateurs en moyenne, soit une audience divisée par deux et demi. Mais la part de marché auprès des abonnés est bonne : un sur dix se branche sur les marionnettes en latex à cette heure, juste après la bonne locomotive du "Petit Journal" de Yann Barthès. C'est de loin le programme de flux en crypté le plus suivi.
Cette saison, Canal+ a aussi pris le pari du crypté pour Cannes, avec "Le Journal du Festival" de Michel Denisot. Diffusé après le prime en version intégrale, l'émission draine entre 150.000 et 170.000 téléspectateurs selon le programme qui précède. En rediffusion avant "Le Grand Journal" depuis une semaine, l'émission ne fédère que 61.000 cinéphiles, soit 1,2% des abonnés Canal+.
Autre rendez-vous de Michel Denisot sur la chaîne, "Conversations Secrètes" le mardi soir. 230.000 téléspectateurs ont suivi les confidences exclusives de Christiane Taubira en prime le 27 janvier dernier. Ils n'étaient plus que 128.000 quand Arnaud Lagardère se prêtait à l'exercice en deuxième partie de soirée. Le lundi enfin, "Spécial Investigation" a une audience qui fluctue en fonction du thème traité : 139.000 téléspectateurs en moyenne, soit 6% des abonnés depuis le début de l'année.
Les créations originales atteignent rarement le million de téléspectateurs en première fenêtre de diffusion. Les huit épisodes de "Baron Noir" ont réuni par exemple 511.000 téléspectateurs chaque lundi soir sur Canal+. La chaîne assure que chaque épisode de la série a été téléchargé 330.000 fois. "La série est typiquement le genre de programmes que les abonnés Canal consomment de manière délinéarisée", confirme un expert. Côté cinéma, les deux films les plus suivis depuis le début de l'année sont "American Sniper", le 23 janvier (1,01 million, soit 23,5% des abonnés) et "Papa ou Maman", le 8 janvier (1,4 million et 22,5%).
C'est sans surprise le foot qui ramène le plus d'abonnés devant le poste en prime. Le 7 février dernier, la rencontre OM/PSG a rassemblé 2 millions de téléspectateurs, soit 37% des abonnés et 8% du public total ! Le sport en direct est incontestablement le programme le plus plébiscité sur Canal, d'où l'urgence d'un accord beIN/Canal+. Les émissions de flux ne sont donc pas un genre fédérateur, s'en priver en clair est une étrange équation : elles ne font pas gagner d'abonnés, sont peu suivies et ne génèrent aucun revenu publicitaire.