Pendant douze jours, les députés ont débattu jour et nuit du passionné mariage pour tous à l'Assemblée nationale. Ils se sont souvent écharpés sur les 5.000 amendements déposés par l'opposition au texte, porté par la Garde des Sceaux, Christiane Taubira. La chaîne LCP-AN a diffusé les débats 24h/24 sur son site internet mais de nombreuses voix ont critiqué la faible présence des débats sur le canal 13 de la TNT, qu'elle partage avec Public Sénat. A commencer par celle, assez respectée dans l'hémicycle, du président de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas. Le député socialiste estime que LCP a "totalement loupé le débat". Très agacé par ces critiques, Gérard Leclerc, le patron de la chaîne, s'en explique pour puremedias.com.
puremedias.com : On a l'impression que LCP-AN a fait le service minimum et a raté le coche alors que les partisans comme les opposants au mariage gay avaient envie de suivre les débats.
Gérard Leclerc : Nous n'avons vraiment pas fait le "service minimum". Nous avons fait des efforts très importants. D'abord en mettant en place le flux continu des débats sur notre site internet pour permettre à ceux qui le voulaient de suivre l'intégralité des débats. Mais sur l'antenne aussi. Nous avons consacré, entre le 8 novembre et le 6 décembre, 23 heures d'antenne à l'étude du texte en commission. Entre le 29 janvier et le 9 février, on a consacré 35 heures d'antenne aux débats dans l'hémicycle. Notre flux 24/24 sur l'ADSL a diffusé le double, soit 70 heures. Les audiences ont été très bonnes. Tous les gens qui voulaient voir les débats ont pu le faire grâce à LCP.
Le député socialiste Jean-Jacques Urvoas estime que vous avez "raté le débat"...
Jean-Jacques Urvoas a été très présent dans l'hémicycle pendant ces douze jours. Il n'a pas dû avoir beaucoup de temps pour regarder LCP. Car nous n'avons pas à rougir de notre dispositif ! On a fait le maximum. Et il sait très bien que nous devons partager notre canal avec Public Sénat. Nous avons 12 heures chacun, il y a 8 changements d'antenne par jour entre nos deux chaînes. Par exemple, ce sont eux qui diffusent de 10h30 à 14h00 et de 16h30 à 19h30. Donc il nous est impossible de diffuser quoi que ce soit dans ces tranches sur la TNT. On peut échanger des heures bien-sûr. Mais il faut leur rendre car le Sénat n'a aucune raison de nous les "donner". Diffuser les débats 24 heures sur 24 sur la TNT n'était pas possible compte tenu de notre mode de diffusion.
Mais vous ne pouviez pas rendre des heures au moment où le texte sur le mariage pour tous passera au Sénat ?
C'est étrange comme vision des choses... Public Sénat a fait des efforts pour nous donner de la souplesse ces deux dernière semaines, mais le Sénat ne s'est pas arrêté de travailler pendant les travaux de l'Assemblée sur le mariage. Pendant que les députés travaillaient, des sénateurs, par exemple, auditionnaient Mario Monti, le président du Conseil des ministres italien. Et ils entendaient diffuser cette audition. C'est leur droit le plus strict. Et si ça se trouve l'Assemblée étudiera l'accord sur la flexibilisation du marché du travail pendant que le Sénat abordera le texte sur le mariage pour tous. On fait quoi ? On passe sous silence cet autre texte très important ?
Vous avez annoncé un peu tard que vous alliez casser votre antenne pour diffuser l'intégralité des débats lors du dernier week-end. Manque de chance pour vous, ils se sont terminés samedi au petit matin, ruinant un peu vos efforts pour vous rattraper...
Nous nous sommes rattrapés de rien ! On avait décidé de concentrer nos efforts pendant un week-end, où c'est plus facile en terme de partage avec Public Sénat. Mais on n'avait pas les moyens de le faire pendant les deux week-ends. On a arbitré en pensant que la fin des débats serait plus intéressante que leurs débuts. L'opposition avait fait part de son envie de faire durer les discussions jusqu'au lundi... Manque de chance, ça s'est terminé samedi matin. C'est mon seul regret. Si nous avions su, nous aurions choisi le premier week-end.
On comprend vos contraintes mais pourquoi ne pas avoir diffusé les débats qui avaient lieu la nuit ?
Parce que nous n'avons pas les moyens, tout simplement ! Sur la TNT, il ne suffit pas de diffuser le flux de l'assemblée comme on l'a fait sur internet. Sinon comment vous faites pendant les nombreuses interruptions de séance ? Vous diffusez un écran bleu pendant 5 minutes ? Il faut accompagner le flux comme le font tous les médias. Il faut l'éditorialiser en le faisant commenter par des journalistes quand c'est nécessaire. Il faut des techniciens pour faire des synthés. Tout ça, ça coûte de l'argent. Je n'ai pas les moyens de faire du direct la nuit. LCP a 16,5 millions d'euros de budget annuel, dont 4,5M sont consacrés aux frais de diffusion. C'est cinq fois moins que BFMTV !
Par ailleurs, je ne suis pas sûr que ce soit la vocation de LCP. Nous ne sommes pas une chaîne d'infos. On fait beaucoup de directs mais tout n'a pas vocation à être diffusé comme tel. Les débats à l'Assemblée sont souvent très techniques et sont souvent très abscons pour les citoyens lambdas. Nous n'avons pas vocation à être un robinet à séances. Pour décrypter les travaux de l'Assemblée, nous avons de très bons magazines, des grandes interviews, des confrontations entre députés. Couvrir la réforme du mariage pour tous, ce n'est pas uniquement diffuser les débats.
On vous sent agacé par ces critiques...
Oui car on nous demande des choses qu'on ne peut pas faire. Nous avons de nombreuses contraintes, une toute petite équipe et, très honnêtement, je le redis, je trouve qu'on a fait le maximum. Retransmettre 2h30 de débats tous les jours sur notre canal TNT ce n'est pas rien ! Ce sont de gros efforts pour nous. Nous ne pouvions pas vraiment faire plus. Ou alors il faut augmenter notre budget.