Aujourd'hui, les opposants au passage de LCI en clair vont défiler, toute la journée, devant le CSA pour tenter de les convaincre de ne pas céder à la demande de Nonce Paolini. Mercredi, le PDG de TF1 a ardemment défendu la candidature de sa chaîne pour la TNT gratuite. Devant les Sages, le PDG de TF1 a rappelé que La Chaîne Info, créée le 20 juin 1994, était une première en France à l'époque.
Mais vingt ans plus tard, l'avenir de la chaîne, chroniquement déficitaire, est faible face au rouleau compresseur BFMTV. D'ailleurs, Nonce Paolini est clair : Si LCI ne devient pas gratuite, elle fermera le 31 décembre prochain. puremedias.com revient sur l'histoire de cette chaîne et rappelle pourquoi elle est restée payante lors du lancement de la TNT.
Sept ans après la naissance de France Info, le groupe TF1 cherche à dupliquer le modèle de CNN, créée quatorze ans plus tôt par Ted Turner, qui vient de prouver la pertinence de l'information continue lors de la guerre du Koweït (1990-1991). La chaîne est diffusée sur CanalSat, le tout nouveau réseau de télé payante lancé en 1992 par Canal+ et Lagardère.
CanalSat rétribue cette chaîne qui illustre parfaitement sa stratégie de proposer un bouquet premium à ses abonnés. Avec des journaux toutes les 30 minutes, des directs et des magazines de qualité, LCI impose son style et devient une référence. C'est là que débute une génération de jeunes journalistes comme David Pujadas, Gilles Bouleau, Anne-Sophie Lapix, Thomas Hugues, Laurence Ferrari, Thierry Gilardi ou Laurent Delahousse et Mélissa Theuriau.
Alors que TF1 a lancé quelques mois plus tôt, avec M6, le bouquet TPS, concurrent direct de CanalSat, Canal+ réfléchit à proposer à son tour une chaîne d'info disponible en exclusivité sur son bouquet. Pour cela, elle embauche Christian Dutoit, le créateur de LCI.
Le 4 novembre 1999, i>Télévision voit le jour. La chaîne ambitionne d'être omniprésente sur le terrain. Les reporters arpentent le pays dans des véhicules satellites dont se moquent régulièrement les "Guignols de l'info". Mais la guerre des chaînes info n'a pas lieu tant LCI surclasse sa concurrente.
LCI a presque dix ans et vit ses derniers mois paisibles. En 2002, le CSA organise le lancement de la TNT. Les acteurs du PAF multiplient les projets pour décrocher une fréquence pour l'une des six nouvelles chaînes gratuites. Craignant le déclin de l'empire TF1, Patrick Le Lay et Etienne Mougeotte s'opposent à l'élargissement du PAF. Agacé par des dirigeants trop arrogants, le CSA refuse la candidature de TV Breizh en gratuit.
Patrick Le Lay est convaincu que LCI ne peut pas être rentable sur la télévision gratuite et propose de la diffuser sur la TNT payante. LCI et i>Télévision sont autorisées à diffuser sur la TNT payante. Comprenant son erreur sur le dossier TNT, TF1 achètera plus tard au groupe AB les chaînes TMC et NT1. La faute est en partie réparée. Mais l'avenir de LCI est durablement assombri.
TF1 demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision du CSA qui attribue les fréquences de la TNT. La raison : Lagardère étant actionnaire de Canal+, les deux entreprises ont décroché en tout 7 chaînes sur la TNT (en mélangeant TNT gratuite et TNT payante) alors que le dispositif anti-concentration n'en autorise que 5. Le Conseil d'Etat annule donc les autorisations des deux groupes dont celle de i>Télé. Lagardère et Canal+ vont donc repasser devant le CSA qui va remettre les canaux en jeu.
En 2005, le CSA lance donc un appel d'offres pour quatre nouvelles chaînes gratuites. Alain Weill, qui vient de relancer avec succès RMC, flaire le bon filon. Il propose le lancement d'une chaîne d'information gratuite. Les dirigeants de TF1 ironisent en estimant que le dirigeant ne pourra jamais rentabiliser son projet. Le CSA y croit et la chaîne voit le jour le 28 novembre 2005. Son passage sur la TNT payante ayant été annulé, i-TELE demande son basculement sur la TNT gratuite et l'obtient. LCI reste donc seule sur la TNT payante. Quelques jours plus tard, CanalSat et TPS annoncent leur fusion, LCI sera donc l'unique chaîne d'info du bouquet.
Face au succès de BFMTV et de i-TELE, la plus-value de LCI diminue mois après mois... Son influence aussi. CanalSat ne veut plus verser les 15 millions d'euros chaque année pour la reprise de LCI. Nonce Paolini évoque un passage sur la TNT gratuite mais Frédéric Mitterrand s'y oppose. Le CSA aussi.
Paolini est prêt à rendre disponible sa chaîne d'info chez les fournisseurs d'accès à Internet pour jouir d'une meilleure exposition qui ferait augmenter les recettes publicitaires. Les calculs sont serrés et Nonce Paolini préfère signer un nouvel accord d'exclusivité avec CanalSat qui sera sans doute le dernier...
L'affaire Mohamed Merah, dont la chaîne diffuse les 32 heures de siège et, en direct, l'échange de coups de feux qui lui ont coûté la vie, fait triompher le modèle de BFMTV. En mars 2012, la chaîne atteint 2,1% de parts d'audience. Un niveau qu'elle égalera en mai 2012 lors de l'élection de François Hollande et des passations de pouvoir.
Suite à la suppression des canaux bonus, le CSA cherche 6 nouvelles chaînes. TF1 défend la candidature de HD1, qu'elle lancera en décembre 2012.
Le nouveau gouvernement prépare une loi sur l'audiovisuel. Nonce Paolini exerce un fort lobbying pour faire passer un amendement autorisant le CSA à faire basculer des chaînes de la TNT payante vers la TNT gratuite. La disposition est rapidement appelée "Amendement LCI", qui sera adoptée en catimini, provoquant de nombreuses protestations.
Parallèlement, Nonce Paolini reconnaît que LCI n'a plus d'avenir sur la télévision payante. "Basculer LCI en gratuit n'est pas un choix mais une nécessité, l'avenir de LCI est en clair", explique le dirigeant devant des journalistes. "Si LCI ne passe pas en gratuit, elle fermera", lance-t-il en estimant qu'il y avait "de la place pour une troisième chaîne d'informations". Il rappelle que la chaîne emploie 200 salariés.Alors que LCI et i-TELE ne sont toujours pas rentables, Alain Weill dévoile en mars un bilan financier plutôt alléchant. A l'instar de ses radios (RMC, BFM) qui dégagent 27 millions d'euros de bénéfices pour 75 millions de chiffres d'affaires, BFMTV commence à gagner de l'argent. Hors RMC Découverte qui est dans une phase de lancement, les chaînes de télévision d'Alain Weill dégagent presque 11 millions de bénéfices pour un chiffres d'affaires de 81,5 millions. "Une marge de 20% pour BFMTV après 15% en 2012", se félicite le propriétaire de la chaîne dans un communiqué.
Nonce Paolini a défendu ardemment mercredi dernier devant le CSA le passage de LCI en clair. Il a taclé sévèrement BFMTV, tant sur sa ligne éditoriale que sur sa forte rentabilité. Les Sages ont promis de prendre leur décision avant le mois d'août. Entre temps, les Sages auront auditionné les dirigeants de Paris Première (19 mai) et ceux de Planète+ (le 3 juin).