Ce fut l'une des grandes déceptions critiques et publiques de 2009. Sortie en octobre de cette année-là, la comédie "Cinéman" de Yann Moix avec Franck Dubosc et Pierre-François Martin-Laval a été descendue par la presse. En salles, elle n'a séduit que 307.000 spectateurs, bien loin des 3,5 millions d'entrées de "Podium", son précédent long métrage, sorti en 2003. Dans un long entretien accordé à Technikart, Yann Moix revient sur le tournage de ce film dont il garde un très mauvais souvenir.
"Le making of de Cinéman aurait fait un très grand film. Par rapport à Lost in La Mancha de Terry Gilliam, honnêtement, je crois que j'ai vécu pire. (...) Il lui a manqué la diversité de catastrophes que j'ai eue...", débute Yann Moix. "Je ne vais dauber sur personne, parce que le seul responsable, c'est moi", prévient-il. Et s'il a mis cinq ans à préparer ce film, le réalisateur a commis un impair dès le début. "J'avais écrit Cinéman pour Benoît Poelvoorde et le méchant devait être Albert Dupontel" déclare-t-il, avouant avoir oublié ce dernier dans le scénario !
"Quand il a vu le scénario, il m'a dit : 'Où est-ce que je suis ?' Du jour au lendemain, il a disparu, impossible de le joindre, plus aucune nouvelle de Dupontel", se souvient Yann Moix. Quant à Benoît Poelvoorde, il a fini par refuser le long métrage. "Ton film n'est ni fait ni à faire" lui a ainsi lancé l'acteur. Un temps pressenti, Jean Dujardin ne peut accepter. C'est alors que Franck Dubosc, qui partage le même agent, est contacté. "Je le trouve drôle dans ses spectacles, sauf que je ne vois pas ce que je vais bien pouvoir en faire dans le projet", avoue Yann Moix.
Le réalisateur accepte malgré tout, car "c'est le seul qui (lui) permette de monter le film pour des questions financières", concède-t-il à Technikart. Mais le choix de Franck Dubosc en acteur principal n'a pas été sans conséquences. "Quand les méchants que je caste – François Berléand, Jean-Paul Rouve – apprennent que c'est Dubosc le personnage principal, ils se barrent !", affirme Yann Moix ! Elie Semoun, lui, insiste pour prendre ce rôle mais c'est finalement Pierre-François Martin-Laval qui le décroche.
Bien qu'il apprécie les essais du comédien, Yann Moix "sent que ça ne va pas le faire". "Mais je suis dans le déni : je vais dans le mur tout en me disant que ça va aller" raconte-t-il. Le réalisateur se rappelle aussi de tensions entre les équipes du film, où travaillent des personnes françaises et belges. Dès le premier jour, une bagarre éclate entre deux techniciens, le tournage se complique également à cause de la météo, d'une chute de Franck Dubosc et d'un infarctus du chef opérateur.
Pire encore : après le tournage, Yann Moix ne parvient pas à monter convenablement le film. Après un an et demi d'essais, le réalisateur choisit de tout revoir. "Je prends la décision de changer tous les dialogues et de réécrire une histoire qui n'a plus rien à voir. Les acteurs reviennent en studio et disent d'autres dialogues, c'est pour ça que la post-synchronisation est foireuse. Et je sens que ça va être le mur, le mur absolu dans la gueule" lâche-t-il à Technikart.
Au final, ni les critiques, ni le public n'adhèrent. Une énorme déception d'autant plus qu'il fallait 2,5 millions d'entrées pour rentabiliser le film. "Même chez Nanarland, ils n'en veulent pas ! J'avais honte, physiquement honte, une impression d'être enveloppé de merde. Je n'ai plus osé sortir de chez moi pendant longtemps. C'est un film malade. Si j'avais su, j'aurais fait ma dépression plus tôt, avant de commettre ce film" conclut Yann Moix qui, depuis, a préféré se concentrer sur l'écriture plutôt que la réalisation.