Alice au pays des merveilles et De l'autre côté du miroir revisités par le réalisateur d'Edward aux mains d'argent, cela avait de quoi attiser l'envie du cinéphile. Un univers si fertile en poésie barrée entre les mains du joyeusement écorché vif Tim Burton, forcément, on espèrait une friandise acidulée entre innocence et perversité, on imaginait la symbiose parfaite avec les écrits de Lewis Carroll, on attendait le plus burtonien des films de Tim Burton, qui trouverait dans ce conte merveilleux le moyen ultime d'exprimer son étrange personnalité troublée.
Oui, mais voilà. En regardant de plus près, Burton qui adapte Carroll, c'est tout simplement… incroyablement prévisible. Esthétique bubblegum à la Charlie et la Chocolaterie, ode à la rêverie et à la différence, Helena Bonham Carter et Johnny Depp attifés n'importe comment, on connaît tout ça. Par cœur. Et, ici, tout comme avec son adaptation de Charlie, Burton parodie son propre style avec une telle autosatisfaction et une telle vacuité que le sentiment qui prédomine à l'issue de la projection est… la colère.
Dès les premières minutes, Tim Burton balaye tous les espoirs en ridiculisant quasiment l'ensemble de son œuvre, de Edward aux mains d'argent à Ed Wood en passant par Batman, le défi et Mars Attacks !. « Tu es folle. Mais rassures toi, la plupart des gens bien le sont aussi », dit le père d'Alice à sa fille. Toute une filmographie à magnifier les gens différents, les mis-à-l'écart et les excentriques, pour finalement la résumer à un slogan bêtifiant et sans âme qui semble avoir été écrit par un agent de com'. Cette simple réplique illustre toute la pellicule : Alice au pays des merveilles est un film idiot, laid, dépourvu de personnalité, et pourri par une industrie qui semble avoir finalement zombifié Burton.
On n'est jamais ému, on n'a jamais peur, on n'est jamais émerveillé, rien ne semble vraiment avoir été imaginé, comme s'il s'agissait d'un scénario tombé dans le domaine public qu'un réalisateur à la chaîne aurait mis en images. Comme si Bob Dylan sortait un album de reprises de "Au clair de la Lune" et de "Vive le vent". L'esthétique fait preuve d'un mauvais goût à toute épreuve, les couleurs sont criardes, Helena Bonham Carter en Reine crie encore plus fort, Johnny Depp en Chapelier n'est pas fou mais juste ridicule (et ce costume, mon Dieu ce costume…), et Anne Hathaway semble particulièrement mal-à-l'aise avec les âneries qu'on lui demande de jouer. Le Lapin ne sert à rien, la Chenille non plus, le Chat est un prétexte, la Souris est insupportable. Seule la musique surnage un peu dans ce naufrage, grâce à un Danny Elfmann toujours talentueux mais en mode automatique, qui semble bloquer sur sa console en écoutant des chutes des B.O. de Big Fish et de [film%]Sleepy Hollow[/film%]. Enfin, jusqu'au générique final, braillé par… Avril Lavigne.
Tim Burton tenait-il tellement à cette adaptation ? Oui, si l'on en croit ses interviews. Pourtant, ça n'en a foutrement pas l'air. Etait-il réellement sur le plateau, ou était-il scotché dans sa caravane, à picoler et à donner des ordres à ses assistants, genre « faites du Burton » ? Où est passé le Tim qu'on connaissait ? Le poète visuel, le virtuose de l'émotion que le réalisateur était incontestablement ?
Car Alice n'est pas seulement un ratage, c'est un impardonnable compromis au showbiz, là où Batman, le défi transcendait son statut de film de commande commerciale pour apparaître comme un chef d'œuvre extrêmement personnel. Critiquer Alice parce qu'il est un film de commande Disney est bien sûr un argument de mauvaise foi, mais les faits sont là : Alice semble avoir été bâclé par un sagouin cynique et complaisant, ce que Tim Burton n'est pourtant pas. Ce que Tim Burton ne doit pas être. Merci Mickey.
Cinéma
Alice au Pays des Merveilles : Une adaptation ratée et trop attendue
Publié le 28 mars 2010 à 14:06
Lewis Carroll et Tim Burton semblaient pourtant faits pour s’entendre, mais "Alice aux Pays des Merveilles" est une énorme déception, qui ressemble à une trahison.
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