La publicité en faveur de la "manif pour tous" dans les pages du Monde avait fait bondir de son siège Pierre Bergé, l'un des propriétaires du journal. L'édito publiée en Une du quotidien cet après-midi devrait l'apaiser, même s'il n'existe probablement pas de lien entre sa colère et ce texte en faveur du mariage pour tous.
"Argent, famille : la France se crispe", titre le quotidien du soir qui s'arrête sur les déclarations de patrimoine des ministres et la radicalisation du mouvement des anti-mariage gay. Ce dossier est accompagné d'un édito engagé, ou plus exactement favorable à l'ouverture du mariage aux personnes de même sexe alors que le journal était resté assez neutre sur le sujet jusqu'à présent.
Le Monde condamne d'abord la radicalisation du mouvement ces derniers jours. "Sur fond de crise économique et sociale, la réforme du mariage offre aux esprits échauffés un terrain d'action propice, écrit le journal. Il a suffi, au lendemain de l'adoption du texte par le Sénat, que le gouvernement accélère le calendrier parlementaire et prévoie une deuxième lecture à l'Assemblée dès cette semaine, pour que l'une parle de 'dictature', l'autre de 'guerre civile' ou, à tout le moins, de 'déni de démocratie'. On croit rêver ! Voilà une réforme qui faisait partie des engagements de M. Hollande. Qui a fait l'objet d'un très large débat depuis six mois. Qui a été examinée de façon approfondie pendant des centaines d'heures au Parlement. Une réforme, enfin, qui crée des droits nouveaux pour les couples homosexuels sans en enlever aucun aux autres familles. Bref, une réforme progressiste, nécessaire et légitime."
Le journal du soir fustige les opposants au texte, qui ont "une conception singulière de la démocratie". "A leurs yeux, à l'évidence, le vote du Parlement ne pèse rien contre la 'rue', et les élus du peuple ne sont pas, ou plus, les représentants légitimes du peuple", écrit le journal, tout en mettant en garde les responsables de l'UMP "(qui) seraient bien avisés de ne pas souffler sur les braises, sauf à voir, demain, le boomerang leur revenir dans la figure."
Enfin, cette crispation des opposants autour du projet de loi serait, pour le quotidien, "révélatrice de leur conception de la société française". "Peu ou prou inspirée de la doctrine de l'Eglise, cette droite conservatrice, et bien souvent réactionnaire, fait de sa conception du mariage et de la famille le dernier rempart de 'l'ordre naturel' de la société contre les dérèglements de l'individualisme contemporain, dont l'homosexualité reste l'une des manifestations inacceptables. Réclamant le respect de ses convictions, elle n'en pratique que mieux l'intolérance."