Cinéma
Aujourd'hui à Cannes : Woody Allen en mode mineur et Mike Leigh fidèle à lui-même
Publié le 16 mai 2010 à 09:28
Par puremedias
Bulletin du dimanche 16 mai 2010.
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En direct de Cannes. Quand Woody débarque sur la Croisette, c’est le buzz assuré. Et rien à voir avec le nom des deux héros de Toy Story ici, puisque c’est bel et bien de l’un des plus talentueux (et névrosé) cinéaste américain dont il s’agit : Woody Allen. Aux côtés de Naomi Watts, Lucy Punch et Josh Brolin, le réalisateur allergique à toute forme de compétition est venu présenter sans pression son nouveau film We Will Meet a Tall Dark Stranger. Après Wall Street vendredi, les Américains ont de nouveau fait le spectacle sur les marches. Mais il faudra attendre jeudi et la venue de Doug Liman, Sean Penn et (de nouveau) Naomi Watts avec Fair Game pour qu’ils entrent enfin dans la compétition officielle...

Les films

Ils ont été projetés hier, et on ne parle plus que d'eux.

Another Year : Cannes aime Mike Leigh. Mike Leigh aime Cannes. Et ils se le rendent mutuellement plutôt bien. Déjà lauréat d’une Palme d’Or et d’un Prix du meilleur réalisateur, le cinéaste britannique n’a pas trahi la confiance que ses admirateurs plaçaient en lui. Fidèle au cinéma qu’il chérit tant, le metteur en scène a livré une comédie douce-amère, croquant sans artifice, mais avec tendresse, les portraits de personnages modestes, attachants et d’une profonde vérité.

*Ses points forts : Comme toujours, Mike Leigh travaille en "famille" et cette habitude n'empiète pas sur son travail, puisque sa mise en scène ne relève aucune paresse. On retrouve avec plaisir ses acteurs fétiches Jim Broadbent ou Ruth Sheen, toujours impeccables. Mais c’est bien la fidèle comédienne Lesley Manville qui impressionne ici. Dans son rôle de femme fragile, paumée, alcoolique et mal dans sa peau, elle touche au cœur à chacune de ses apparitions. En faisant du vin l’élément récurrent de chaque scène, Mike Leigh dépeint l’ivresse des sentiments. De ses personnages qui se rassurent avec l’alcool. Qui boivent pour se confier, mais aussi pour oublier. Ce que le spectateur, lui, ne fera pas.
*Ses points faibles : En découpant son film en quatre actes (un pour chaque saison de l’année), Mike Leigh ne peut éviter des longueurs que ce choix impose. On regrettera également le sous-emploi d’Imelda Staunton. L’actrice ouvre le film brillamment dans un dialogue où elle incarne une femme dépressive. Et son interprétation marque tellement les esprits qu’on aurait aimé la revoir dans d’autres scènes...

We Will meet a tall dark stranger : Avec son rythme de croisière d'un film par an, Woody Allen prouve qu'à près de 75 ans, il a encore des choses à dire. Mais avouons-le, personne n'attendait avec You Will Meet a Tall Dark Stranger que le cinéaste new-yorkais ne fasse autre chose que ce qu'il a toujours fait. Il reprend ici ses thèmes fétiches (l'amour, le sexe, l'amitié, le rire), se dote d'un casting international de premier choix et livre un film narratif très écrit et bavard, comme à son habitude. Mais Woody Allen fait partie de cette caste de réalisateurs à qui on pardonne beaucoup. Notre plaisir de partager 1H30 avec lui confine souvent à l'indulgence. Et si ce film du cru 2010 ne marquera pas vraiment la filmographie du cinéaste, cette comédie remplit quand même son cahier des charges made in Allen.
*Ses points forts : Indéniablement le trio savoureux formé par Josh Brolin (le mari), Naomi Watts (la femme) et Gemma Jones (en géniale belle-mère) ! La scène où Josh Brolin apprend devant sa femme que son livre a été refusé par son éditeur pendant que sa belle-mère l'assène de ses délires surnaturels innocents prouve que Woody Allen a su rester inventif et créatif dans sa mise en scène. Même si moins cyniques et névrosés qu'à l'accoutumée, les dialogues continuent à faire mouche à chaque fois. Quant à la réflexion sur les dérives de la voyance que le cinéaste assimile quasiment à la dépendance d'une secte, elle s'avère particulièrement intelligente et bien menée...
*Ses points faibles : Trop de personnages, et beaucoup de superflus. S'attacher les services d'Anthony Hopkins pour incarner un homme vieillissant qui décide de tout plaquer pour une blondinette manipulatrice aux moeurs légères était plutôt... inutile tant ce cliché semble avoir déjà été éculé. Et puis, si Woody Allen pourra toujours légitimer sa fin très (très) ouverte par sa volonté de laisser libre cours à l'imagination du spectateur, on évitera de dire qu'il s'agit peut-être tout simplement là d'une paresse scénaristique qui nous laisse sur notre faim...

Aujourd'hui en compétition

L’homme qui crie : C’est le réalisateur Mahamat-Saleh Haroun qui a l’honneur de représenter le premier film tchadien de l’Histoire en Compétition officielle à Cannes. Mais si l’homme fait son entrée par la grande porte sur la Croisette, il n’est pas un inconnu pour autant, puisqu’il reçut notamment le Prix Spécial du Jury à Venise en 2006 pour Daratt, saison sèche. Pour son quatrième long-métrage, le cinéaste a choisi de nous plonger dans un drame sur la déchéance d’un homme dans un pays en pleine mutation.

Extrait :



La Princesse de Montpensier : Après vingt ans d’absence, le réalisateur français Bertrand Tavernier retrouve sa place dans la compétition officielle pour la quatrième fois de sa carrière. Le cinéaste, qui reçut le Prix de la mise en scène en 1984 pour Un dimanche à la campagne fait son retour avec un drame amoureux adapté de Madame de Lafayette. Autour de Mélanie Thierry, on pourra retrouver les comédiens Gaspard Ulliel, Lambert Wilson, Grégoire Leprince-Ringuet et Raphaël Personnaz. Le deuxième film en compétition enthousiasmera-t-il autant la Croisette que celui de Mathieu Amalric ?

Entendu...
*Au mois de mai, Cannes devient véritablement The place to be pour les cinéphiles et critiques du monde entier. Mais une fois entré dans cette bulle, il y a encore The place to be de... The place to be. Bref, c’est un cercle sans fin, une course permanente à celui qui aura été dans LA soirée du moment, aura vu LE film "immanquable" qui aura "à coup sûr" la Palme d’Or, aura attrapé un cliché de LA star du moment... Alors dans le dictionnaire des citations les plus courues dans les files d’attente des projections, on retrouve en tête les célèbres « T’as vu quoi ? », « T’as vu qui ? », « Il a joué dans quel film déjà ? », « Tu montes les marches, toi ? », « T’as une invit’ pour la soirée ? », etc... A Cannes, on connaît la chanson et on ne change pas de refrain. Cannes, quoi...

Vu...
*Alors que le soleil apparaît entre deux averses dans ce Festival 2010, Cannes n’a pas couvert complètement ses plaies des vents violents de la semaine passée qui avaient détruit une partie des plages privées de la Croisette. Car si celles-ci étaient finalement prêtes le jour J, il a fallu par précaution en démonter plusieurs en vitesse, vendredi dernier, à cause du vent et du niveau de la mer qui se rapprochait dangereusement du rivage près du Martinez. Prenant leur mal en patience, les plagistes n’avaient pas perdu leur sourire malgré ces aléas. Et en dépit de sa politique du tout contrôle, il y a bien des choses qui échapperont toujours aux bon-vouloir des organisateurs : le temps et les éléments...

*Un constat qui devient de plus en plus criant chaque jour : les festivaliers sont venus en masse cette année. Une bonne nouvelle pour le Festival qui a aussi ses revers. Samedi matin (comme la veille d'ailleurs...), les organisateurs ont dû ouvrir une seconde salle à la dernière minute pour les journalistes lors de la projection matinale d'Another Year de Mike Leigh, la grande salle étant déjà remplie à 8H30... L’an passé, la chose s’était également produite, mais seulement pour un film très attendu : Inglourious Basterds de Quentin Tarantino. Et comme il reste encore Alejandro Gonzalez Inarritu, Takeshi Kitano ou Ken Loach, les festivaliers vont devoir mettre leur réveil un peu plus tôt dans les jours à venir...

*La comédienne Kate Beckinsale est sans aucun doute la touche glamour du jury version 2010 et elle est sans doute aussi l’une des personnalités les plus disponibles auprès de ses fans sur les tapis rouges. Lors d’une interview accordé au site officiel du Festival, celle-ci na pas manqué de rappeler son amour pour notre pays et pour notre cinéma. On apprend ainsi que Au Revoir les Enfants de Louis Malle fait partie des films qu’elle pourrait voir en boucle, qu’elle a découvert Les 400 coups dans un petit cinéma de Saint-Michel à Paris quand elle était enfant et que c’est l’actrice Jeanne Moreau qui l’a le plus inspiré dans sa carrière... Il semblerait donc que Kate Beckinsale aime la France. Qui s’en plaindra ?

Et aussi

L’animation boudée ?
*On se souvient de Là-haut, des Lascars , de Valse avec Bachir ou encore Persepolis. Les films d’animation commençaient à se frayer une place de choix dans la sélection officielle ou dans les sélections parallèles ces dernières années. Et bien, pas cette année visiblement... Boudée de la sélection officielle, l’animation est la grande absente de ce 63ème Festival. Quelques rares résistants ont malgré tout réussi à passer entre les mailles, à commencer par Miramare, court-métrage présenté à la Ciné Fondation. Mais il faudra attendre l’année prochaine pour savoir si cette absence est une exception en dépit de l’expansion du genre...

Histoire de famille
*Présidente du Jury du Festival de Cannes l’an passé, Isabelle Huppert fait son retour aujourd’hui sur la Croisette. Et la comédienne française ne revient pas seule. Dans Copacabana de Marc Fitoussi, elle donne la réplique à quelqu'un qu'elle connaît bien... sa fille, Lolita Chammah. Isabelle Huppert y incarne Babou, une mère de famille qui découvre que sa fille a trop honte d'elle pour l'inviter à son mariage. Rien d'autobiographique, qu'on se rassure.

Xavier Dolan : retour gagnant ?
*Après J'ai tué ma mère présenté l'an passé à La Quinzaine des Réalisateurs, le jeune réalisateur et acteur de 20 ans, Xavier Dolan, est revenu, hier soir, présenter son nouveau long-métrage Les amours imaginaires dans la sélection Un Certain Regard. Après avoir enchanté la Croisette l'an dernier, a-t-il convaincu pour son deuxième passage ? Le oui l'emporte. Car malgré une mise "m'as-tu-vu" un peu pompeuse, Les amours imaginaires efface ses défauts grâce à la vision de son créateur qui écrit, joue, dirige et conçoit les costumes et les décors de son film. A 21 ans, le jeune québécois n'a pas dit son dernier mot. En le présentant avant qu'il rejoigne la scène de la Salle Debussy, Thierry Frémeaux, délégué général du Festival de Cannes, a laissé sous-entendre, sourire en coin, qu'à ce rythme-là, on devrait revoir très bientôt Xavier Dolan entrer dans la cours des grands pour concourir à la Palme d'Or. L'avenir lui tend les bras...

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