Il suffit parfois de peu de choses pour que la vie d’une famille sans histoire bascule du jour au lendemain. En engageant la jeune Euny comme aide-gouvernante dans sa riche maison bourgeoise, un couple va en faire l’amère expérience. Car dès lors que le mari va la prendre comme maîtresse, c’est la vie entière de toute la maison qui va changer brutalement...
Suspicion, jeu de séduction, pouvoir d’influence, jalousie, plaisirs charnels et vengeance. Le réalisateur Im Sang-soo s’amuse de tous ces thèmes, reprend les codes du film culte dont il signe le remake et l’inscrit dans notre époque. Il mêle à la beauté froide et ingénieuse de sa mise en scène un suspense jubilatoire. Voilà une satire grinçante et astucieuse qu’on aurait tort de bouder...
Classieuse, sulfureuse et ironique, cette comédie noire impressionne surtout par l’esthétisme que le cinéaste sud-coréen s’est attaché à mettre tout au long du film. Dans cette grande maison bourgeoise où la quasi-totalité de l’intrigue se déroule, Im Sang-soo est parvenu à rendre une atmosphère froide et glaçante qui amplifie le suspense de son récit. Des décors à la musique en passant par la lumière ou la mise en scène, le réalisateur ne néglige rien. Ce souci du détail pourra peut-être même en déranger certains, tant le cinéaste semble l’avoir fait passer avant tout le reste. Mais heureusement pour Im Sang-soo, la forme ne détourne pas notre attention du fond de son histoire et de ce qu’il dénonce...
En faisant d’une gouvernante un brin désabusée la source des maux qui vont frapper cette riche famille bourgeoise, on comprend notamment qu’Im Sang-soo ne voulait pas rater l’occasion d’aborder certaines dérives de la société contemporaine. Il nous parle des thèmes de l’adultère, du suicide, de la lutte des classes et de celle des sexes. Son regard grinçant épingle avec ironie ces sujets de société. Son thriller social et sensuel ne nous laisse pas insensible, car il ose sans avoir peur de choquer. Et comme pour souligner un peu plus son message, le cinéaste repousse les limites en sombrant parfois dans le burlesque, à l’image de ce dernier plan complètement en décalage avec le reste, et d’une malice redoutable.
S’il est reparti bredouille du dernier festival de Cannes où il était présenté en compétition officielle, The Housemaid a eu malgré tout le mérite de ne pas passer inaperçu et de respecter la promesse émise par son réalisateur : « être le film le moins ennuyeux de la sélection ». A l’image des films de son compatriote Park Chan-wook ([film%]Thirst, Ceci et mon sang[/film%]), ceux d’Im Sang-Soo sont le reflet de ce que le cinéma sud-coréen a à offrir, à la fois cynique et virtuose. Certes, quand le réalisateur tente par petites touches des incursions dans le drame dans son The Housemaid, on peut relever certaines maladresses. Mais quand il croque sur la pellicule les dérives de ce couple prisonnier de ses préjugés dans sa cage dorée, notre plaisir est coupable. Et on en redemande.
Puisque l’adage conseille de garder le meilleur pour la fin, on ne peut passer sous silence la performance des acteurs. En les voyant se confronter dans ce jeu de séduction et de pouvoir, dire qu’ils sont parfaits devient une évidence. L’alchimie fonctionne à merveille entre les comédiens, en particulier entre la lumineuse Jeon Do-yeon et l’expérimenté Youn Yuh-jung qui incarnent les deux maîtresses de maison à la morale opposée. Une bonne raison (supplémentaire) de se laisser glisser dans l’univers où nous convie Im Sang-soo, à mi-chemin entre le thriller charnel et la comédie noire.
The Housemaid : Satire froide et sensuelle made in Corée du Sud
Publié le 21 septembre 2010 à 16:15
Avec "The Housemaid", remake d’un film culte sud-coréen de 1960, Im Sang-soo livre une satire noire et sulfureuse qui se joue d’un esthétisme poussé dans les moindres détails et d’un suspense déroutant. A découvrir.
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