Musique
James Blunt : "Pour être heureux, on nous dit d'être riche et célèbre"
Publié le 17 novembre 2010 à 15:02
Par Charles Decant
Alors que son 3ème album solo squatte les premières places des charts un peu partout dans le monde, James Blunt se confie à Ozap sur son optimisme retrouvé, sa vision du succès, mais aussi le succès de "X Factor", dont il se réjouit. Entretien inédit.
James Blunt James Blunt© Wea
James Blunt
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Il aurait pu être l'homme d'un seul tube, après le succès mondial phénoménal de son premier single, [musique:10224 "You're Beautiful"], mais James Blunt est parvenu à s'installer durablement sur la scène pop/rock internationale, grâce à ses albums mais aussi à deux tournées où il s'est affirmé comme un homme de scène.

Alors que son troisième opus [musique:411804 "Some Kind of Trouble"] vient de sortir, et qu'il occupe une place dans le top 5 de la plupart des pays européens, l'ex-soldat britannique a accordé un entretien à Ozap. Il évoque ce nouvel opus plus frais et plus optimiste que ses prédécesseurs, mais aussi sa vision de la société actuelle, où le gloire et la fortune sont présentés comme les ingrédients indispensables du succès. Il évoque également la venue du pape en Angleterre, son rapport aux critiques parfois particulièrement agressives, et l'existence de The X Factor, véritable phénomène de société en Angleterre.



Ozap : Quand votre maison de disques présente votre nouvel album, "Some Kind of Trouble", elle parle d'un son plus frais, plus spontané. C'est le cas, ou c'est juste un peu de blabla marketing ?
James Blunt : Je pense que j'ai dû leur donner cette description, donc ce sont bien mes mots et non les leur. Si tu as entendu les chansons, tu as dû remarquer que c'était un son plus vivant, plus rythmé, je pense qu'on entend que je m'amuse sur le disque. Je joue plus de guitare électrique, et les chansons sont écrites avec plus d'optimisme. Ce n'est pas un mot qu'on associerait à mon nom, a priori.

En tout cas ce n'est pas le premier mot, effectivement...
Voilà. Et donc je suis très content de cet album, j'en suis très fier.

Et pour la première fois, vous êtes entré en studio sans avoir rien de prêt, c'est bien ça ?
Jusqu'à un certain point, oui. Je suis entré pour écrire des titres avec Steve Robson, que mon batteur m'a présenté. Je ne voulais pas aller chez moi, avec mon piano et ma guitare et écrire une chanson, parce que ça fait un bout de temps que je fais ça maintenant, et ce n'est pas forcément super fun. Donc j'ai rencontré Steve, c'était à un moment où je traînais à Londres après la fin de ma tournée, je passais du temps avec mes amis, et la journée, j'allais en studio avec lui, je prenais ma guitare, il faisait un bruit, et on s'est mis à écrire des titres fun.

Et vous croyez que c'est le côté spontané qui a rendu ces titres plus fun ? Ou vous vouliez prendre cette direction avant d'entrer en studio ?
J'avais besoin de faire quelque chose de plus optimiste, après mes deux années de tournée, et avant ça j'avais eu l'album "All the Lost Souls", qui était plus sombre, plus introspectif que le premier, et qui a suivi une première tournée, et mon premier album. Bref, je n'avais plus envie d'être un musicien professionnel, de jouer du piano, ça ne me disait plus rien. Donc j'ai passé du temps avec mes amis, et j'étais un être humain ordinaire. Donc quand j'allais au studio, je m'amusais, et on a fait ces démos, et j'en étais très content. Je me voyais bien les chanter avec mon groupe, puisque maintenant, je ne suis plus juste un chanteur, j'ai un groupe avec moi. Et au final, j'ai passé près d'un an en studio avec Steve, qui est devenu un très bon ami, et je lui ai demandé de produire l'album, ça semblait logique.

Un an ensemble en studio, et vous ne vous êtes pas entre-tués ?
Non, c'est dingue ! (Rires) Mais je crois que sa femme est jalouse. (Rires)



Votre deuxième album avait la lourde tâche de succéder au succès phénoménal de "Back to Bedlam" et de prouver que vous n'étiez pas l'artiste d'un seul album. Mais pour le troisième, ça s'est passé comment en termes de pression ?
Je tâche de ne pas trop prêter attention à ce que les gens écrivent ou disent. Si tu lis des choses sur toi, il y aura toujours des choses que tu n'as pas envie de lire. Du coup, j'ai appris à tout lire, mais à ne pas être être affecté par quoi que ce soit.

Et vous ne pouvez pas être affecté par les bonnes choses, mais pas les mauvaises ?
Je pense que ce serait très dangereux, ça te rend fou dans ce cas. Quand quelqu'un dit énormément de bien de toi, il faut un équilibre, et c'est aussi valable pour quelqu'un qui dit énormément de mal de toi. Donc quoi que je fasse, je sais que certains adoreront et d'autres détesteront. C'est ça, la beauté de la musique et c'est ça qui en fait quelque chose d'aussi fantastique. C'est comme la nourriture ! On n'aime pas toute la nourriture juste parce qu'on aime la nourriture. Vous, les Français, vous avez de la bonne nourriture et nous, en Angleterre, un peu moins. On n'aime pas tout pour autant. Et on a le choix !



Donc la pression était uniquement vis-à-vis de la qualité de l'album à vos yeux ?
Oui, voilà, ce n'était pas vraiment de savoir ce que les gens allaient en penser. C'est bien si des gens apprécient, pour la principale raison que si ça marche, je pourrais partir en tournée, parce que j'adore partir en tournée. Mais en réalité, c'est surtout une question d'apprécier ce que je fais, d'évoluer, de faire mieux en avançant. Je ne veux pas faire moins bien que les précédents, ou des albums identiques. Je veux me dire "Wow, c'est top, je suis content d'avoir passé un an en studio pour ça !" (Rires)

Mais c'est bien, aussi, si les gens l'achètent. Histoire de pouvoir faire un quatrième album.
Oui, c'est sûr ! Mais il ne faut pas voir ça comme ça, le fait que les gens l'aiment ne doit pas me forcer à en faire un quatrième. J'en ferais un quatrième si j'en ai envie, plutôt. Je continuerai à faire ça tant que ça me plaira. Si je pense que c'est un album moyen, et que tout le monde se jette dessus et que c'est un énorme carton, et que je suis forcé d'en refaire un quatrième, je ne veux pas repasser un an enfermé en studio avec Steve Robson ! (Rires) Non, il faut le faire pour soi. Et j'aime l'album que j'ai fait, je suis très enthousiaste. Mais quand je ré-écoute ces chansons, je pense que les gens aimeront, parce qu'on peut s'y identifier. Ce ne sont pas juste des titres qui parlent de la célébrité - d'ailleurs je ne me considère pas comme une star. Donc j'ai confiance.



Pouvez-vous m'en dire un peu plus sur le titre "Superstar" ? Vous pensez vraiment, comme le disent les paroles, que « la télé-réalité a tué toutes les superstars » ?
Jusqu'à un certain point, oui. Je ne pense pas que ce soit la seule coupable. C'est une chanson sur un adolescent qui est chez lui, et qui se fait bombarder d'images qui lui disent ce qu'il devrait aimer, ce qu'il devrait porter, qu'il doit vouloir être célèbre pour avoir un avenir brillant. Et il répond qu'il ne veut rien entendre, qu'il veut être lui-même. Et je pense qu'il y a beaucoup de gens qui peuvent s'identifier à ça.

En parlant de ce culte de la célébrité, Katie Melua disait un peu la même chose dans une interview à Ozap plus tôt cette année. Selon elle, la célébrité aurait remplacé la religion.
Oui, je comprends tout à fait ce qu'elle veut dire par là, ça va un peu ensemble. Ce que j'essaie de dire, c'est qu'on nous dit que, pour être heureux, il faut être riche et célèbre. Que c'est ça, le succès. Et je pense que, peut-être, on devrait dire que le succès, c'est surtout d'être heureux ! Pour moi c'est un indice de succès bien plus pertinent. Tu sais, j'ai des amis qui sont pauvres, qui vivent dans une toute petite maison, avec des enfants, mais ils ont le sourire aux lèvres. Qui a plus de succès que ça ?



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On a beaucoup parlé du passage du Pape en Angleterre, Susan Boyle a chanté pour lui. Vous auriez accepté, vous ?
Il y a un sacré bout de temps, je faisais partie d'une chorale. Donc si j'avais encore fait partie de cette chorale, oui. (Rires)

Mais vous, seul, auriez-vous accepté de chanter pour célébrer sa venue ?
La religion est selon moi un sujet très compliqué. Parce que je n'ai aucune réponse, en fait. Pour chacun, leur foi et leur religion leur ont apporté des bénéfices et je ne remettrai jamais ça en question.

On parlait des critiques tout à l'heure. Il y a eu des choses très, très dures écrites envers votre musique, même venant de critiques établis. Vous savez pourquoi elles sont si violentes ?
Je crois que oui, en fait. Et je ne pense pas que ça ait à voir avec ma musique.

Certains disent qu'elle est trop banale, trop lisse. Je lisais une critique selon laquelle votre musique faisait passer Coldplay pour les Rolling Stones en comparaison...
J'attends encore le coup de fil de Coldplay pour qu'ils me remercient ! (Rires) Il y a quelques années, peu de gens avaient entendu ma musique, et les gens qui l'avaient entendue la trouvaient très intéressante. Et ils en ont parlé à plein de gens, ils en ont dit beaucoup de bien à tous ces gens, et je pense que, si les critiques l'avaient entendue à ce moment-là, ils auraient aimé. Mais sans que les critiques aient pu y faire quoi que ce soit, ma musique est devenue ce qu'il y a de pire et de plus dramatique... Elle est devenue populaire. Pour les critiques, le fait qu'une musique plaise à la masse, c'est terrible. Mais peu importe, je continue à apprécier ce que je fais, plein de gens l'apprécient aussi, viennent en concert...



Cet automne, on a atteint le plus faible niveau de ventes d'albums de l'histoire aux Etats-Unis. Ca ne vous rend pas un pessimiste sur l'avenir de l'industrie du disque ?
Est-ce que les gens écoutent moins de musique qu'avant ? Non, au contraire. Mais je pense que ce chiffre ne concerne que les ventes physiques, non ?

Non, ça inclut ventes physiques et digitales...
Ah d'accord... Dans ce cas, je pense qu'il y a deux éléments. D'une part, les ventes d'albums physiques sont en chute et vont continuer à chuter. Après tout, quel est l'intérêt d'avoir un truc à trimbaler partout alors qu'on peut l'avoir en permanence en digital ? Et puis d'autre part, beaucoup de gens trouvent ça acceptable, ou peut-être simplement plus simple, de se passer la musique. Je peux compenser ça en partant en tournée et en gagnant de l'argent de cette façon, et j'ai énormément de chance parce que je suis un musicien établi. Les autres, les nouveaux musiciens, ils se font baiser ! Mon producteur, Steve Robson, je ne l'emmène pas en tournée. Donc ses seuls revenus sont générés par les ventes de mon album. Donc si on arrête d'acheter des disques, il est baisé lui aussi. Et puis il y a les musiciens, les ingénieurs du son, les mixeurs... Donc c'est facile de pirater, mais il y a des conséquences.

On parle beaucoup des menaces terroristes en ce moment sur plusieurs pays européens. Est-ce que vous suivez un peu ce qui se passe dans le monde ? Ca vous fait peur, tout ça ?
Je pense qu'on a souvent peur des gens, et de leurs intentions. C'est pareil un peu partout dans le monde. Et j'espère qu'un jour, si on est tous civilisés, on pourra se regarder dans les yeux et se dire "Et si on construisait des ponts entre nous plutôt que de vouloir les brûler et les démolir ?", on arrivera peut-être à quelque chose. Si on arrive à ne pas vouloir plus, mais autant que nos voisins, et si on essaie de les comprendre, le monde sera peut-être plus sûr.

Ca me rappelle ce que vous disiez sur le succès et le bonheur... !
Oui, en fait, je suis complètement naïf ! (Rires)



Pour en revenir à la célébrité et la télé-réalité, vous regardez The X Factor, qui est un phénomène assez incroyable en Angleterre ?
Je n'ai pas regardé, non, parce que j'ai beaucoup travaillé, mais je connais l'émission, et je trouve que c'est de la très bonne télévision, c'est un excellent divertissement, et c'est pour ça que ça marche aussi bien. Et si on le retirait de l'antenne pour au nom de la bonne musique ou je ne sais quoi, il y aurait un énorme vide et ça manquerait aux gens, parce que c'est de la très bonne télé, encore une fois. Et puis c'est une incroyable plate-forme pour les artistes établis qui viennent présenter leur musique, parce qu'il n'y a plus beaucoup d'émissions musicales. Donc je suis assez content que l'émission existe, et ça donne une chance à certains de vivre leur rêve, au moins pour un moment. Mais dans le même temps, ça a des conséquences...

Vous pensez que ça joue un rôle dans le fait qu'aujourd'hui, on accorde moins de valeur à la musique, à la création musicale ?
Non, je ne pense pas. Peut-être que ça va dans le sens de ce que je disais tout à l'heure, de faire croire que le succès, c'est tout ce qui compte. Mais je pense que les producteurs de l'émission peuvent être fiers de leur succès, et je crois aussi qu'ils sont de plus en plus conscients de leur rôle social et des conséquences de la participation d'une personne à leur émission.

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