Musique
Nolwenn Leroy : "C'est la communication qui fait tout, pas la musique"
Publié le 8 décembre 2010 à 16:54
Par Charles Decant
Un an après "Le Cheshire Cat et moi", Nolwenn Leroy est déjà de retour avec "Bretonne". A cette occasion, la chanteuse revient pour Ozap sur le flop commercial de son dernier album, sa frustration face à certains médias, et sa volonté de travailler seule.
Nolwenn Leroy Nolwenn Leroy© Universal Music
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Habituée à espacer ses albums de trois ou quatre ans, Nolwenn Leroy a changé de rythme cette année. La chanteuse française, révélée dans la Star Academy il y a huit ans, propose en effet une sorte d'album concept, [musique:416082 "Bretonne"], qu'elle présente comme la bande-son de sa Bretagne à elle. L'album sort un an après son prédécesseur, [musique:341960 "Le Cheshire Cat et moi"], qui n'a pas rencontré le succès des deux premiers albums de Nolwenn.

A l'occasion de la sortie de [musique:416082 "Bretonne"], la jeune femme a accordé un entretien à Ozap. La chanteuse revient sur ce nouveau projet, qui ne surprendra pas ceux qui la suivent, selon elle, et sur la contre-performance commerciale de son dernier opus. Mais ce ne sont pas les ventes décevantes, mais l'attitude de certains médias qui a le plus frustré Nolwenn Leroy. La chanteuse évoque aussi l'état de la variété française, et sa volonté de travailler seule.



Question un peu bateau pour commencer, mais inévitable, d'où t'est venue l'idée de cet album, "Bretonne" ?
C'est un album dont je parle depuis huit ans. J'en ai parlé avec Laurent Voulzy il y a huit ans, quand il écrit "Suivre une étoile", et puis il existe aussi pour la bonne et simple raison que depuis huit ans, sur chaque album, il y a des petites touches un peu celtisantes par-ci par-là, donc ce n'est pas une révélation soudaine.

C'est bien passé au niveau de la maison de disques ? Tu as eu le soutien de Pascal Nègre, je crois...
Quand j'en ai parlé à Pascal, effectivement, j'ai eu la chance qu'il me suive sur cette idée, qui était originale pour certains, et pas forcément ce qu'on attendait. Mais les gens qui me suivent depuis le début ne sont pas surpris par cet album. Ce sont des sonorités, un univers, une ambiance que j'apprécie. J'attendais juste le bon moment pour le faire, pour la bonne et simple raison qu'on m'a connu à mes débuts en chantant les chansons des autres, et que j'avais besoin d'écrire mes chansons et de créer mon propre répertoire et que je ne pouvais pas arriver avec un tel projet tout de suite.



Ton album précédent, "Le Cheshire Cat et moi", était déjà un peu risqué l'an dernier, et là une nouvelle fois tu fais quelque chose d'original, qui sort un peu du cadre...
Par rapport à ce qu'on peut entendre à la radio aujourd'hui, ce n'est pas un album électro, c'est sûr, mais en même temps, c'est un album qui est plus populaire dans le sens où ces chansons sont populaires par essence, ce sont des chansons qui sont faites pour faire danser les gens. C'est un album qui réunit des chansons traditionnelles, des chansons connues par les bretons mais moins connues par le reste de la France et que je voulais faire découvrir. Il y a également des chansons d'aujourd'hui, qui m'évoquent ma Bretagne à moi. Ce que je voulais faire en fait, comme je dis souvent, c'est ma bande originale à moi de ce qu'est pour moi la Bretagne. L'idée c'était de faire un album pop, moderne, en incorporant des instruments traditionnels, et de revisiter toutes ces chansons.

C'est un album enregistré beaucoup plus rapidement que tes précédents...
Ah oui, ça m'a changé ! Parce que d'habitude je prends plutôt trois ou quatre ans, mais c'est aussi parce que c'est un album en majorité de reprises, donc le temps est divisé. Ce qui me prend du temps, d'habitude, c'est d'écrire mes chansons. Lorsqu'on organise des séminaires, qu'on va faire son marché, qu'on choisit des chansons, ça va plus vite. D'habitude, c'est vrai, je suis un peu lente, mais en même temps, j'ai appris aux côtés de Laurent Voulzy, donc forcément... Le choix, en revanche, a été difficile à faire. Il y avait tellement de chansons que je voulais reprendre. Après, mon travail a vraiment commencé, et c'était sur les arrangements.



Revenons sur l'album précédent, "Le Cheshire Cat et moi", qui n'a pas vraiment trouvé son public...
Je crois que c'est parce qu'il ne correspondait pas à ce qu'on attendait de moi, et c'est très triste car c'est un de mes albums les plus personnels, je l'ai fait du début jusqu'à la fin. C'est un album qui marque un tournant pour moi dans ma carrière, et j'ai convaincu beaucoup de gens qui peut-être, avant, n'auraient pas écouté ma musique. Le seul problème c'est que les médias qui relayaient avant mes albums, qui parlaient de moi, ont un peu pris peur car c'était trop spé, trop indé. Et tous les médias qui auraient pu s'intéresser au projet ont dit qu'ils aimaient, mais que malheureusement mon nom était sur la pochette, et que c'était un peu tôt pour certains lecteurs de certains magazines, ou pour certains auditeurs de certaines radios. Et c'est terrible.

Tout est question de marketing, de communication ?
Oui voilà. Jusqu'à présent, je pensais que la musique suffisait, mais en fait non, c'est la communication qui fait tout : ce que tu dis que tu fais, ce que tu dis que tu es. Je ne me suis intéressée qu'à la musique, et malheureusement, ce n'est pas assez. Et on le voit pour d'autres artistes. On voit des choses quand même terribles se passer. Je ne veux pas citer de nom, mais on voit certains artistes qui, en changeant de nom, en restant la même personne et en écrivant la même musique, vont être adulés par certains médias qui n'auraient jamais parlé de leur musique. Il suffit que je me coupe les cheveux et que je me teigne en blonde ? Je ne sais pas...



Donc tu étais ton propre problème en fait...
Mon problème, c'était que mon nom soit sur la pochette, mon nom en tant que marque, puisque c'est ça, en fait. Le problème c'est que mon nom, après neuf ans, est encore associé à cette émission qui m'a révélée et que ça ne passe pas dans un milieu très parisianniste et branché de la musique et de la culture. Je ne conteste pas les critiques envers l'émission, mais je pensais que c'était la musique qui compte avant tout. Et pas en France, en fait. Si j'ai pu être frustrée, c'est par rapport à ça, pas par rapport aux ventes. Il y a quand même des gens qui l'ont remarqué, cet album, j'ai eu des articles fabuleux dans des journaux que je n'aurais jamais eus avant. Il y a des choses formidables qui se sont passées sur cet album, mais je n'ai pas eu le même succès commercial que sur les précédents. En même temps, ce n'est pas ce que je recherchais. J'étais à la recherche de la reconnaissance de mes pairs pour la musique que je fais, au moins en partie. Mais on ne voulait pas me voir là. Et ça je l'ai ressenti. Et c'est de ça que j'ai souffert.

Tu ne te doutais pas déjà que l'album allait moins bien fonctionner, justement parce qu'il était moins commercial ?
Ah si, carrément. Je savais bien, quand j'étais en studio avec Teytur, que ça n'allait pas être matraqué sur toutes les radios. Là où j'ai été frustrée, et je suis obligée de le dire parce que c'est la vérité, c'est que je me suis retrouvée face à des gens de radios qui passeraient normalement ce type de musique, qui m'ont dit avoir écouté l'album et l'avoir aimé, mais ne pas pouvoir le passer parce qu'il y avait mon nom sur la pochette. Ca, c'est frustrant.

C'est aussi cette frustration qui t'a poussée à faire quelque chose de complètement différent ?
En fait j'ai voulu encore affirmer mon identité. Je continue d'aller au bout de mes projets, de mes envies, en proposant quelque chose d'encore différent, un album un peu entre parenthèses de mes autres albums studio. Je clame mon nom Nolwenn, bretonne, je ne peux pas être plus bretonne. Est-ce que j'ai envie de jouer un jeu ? Non. Je trouve ça tellement pathétique ce côté communication, marketing à côté des projets. Je pensais que la musique suffirait pour changer certaines mentalités, mais en fait pas du tout. Pas du tout. Au moins, maintenant j'ai le recul pour comprendre certaines choses. Ce serait à refaire, je le referais, même du début. Mais c'est vrai que le fait de sortir gagnante donne quelque chose à porter en plus que les autres n'ont pas.



Avec cet album, comme avant le précédent d'ailleurs, tu sors encore un peu plus du créneau « variété française ». Quel regard tu portes là-dessus ? On a l'impression qu'il ne se passe plus grand-chose de très excitant sur la scène francophone...
C'est vrai que c'est dur pour tout le monde, mais à côté de ça tu as Zaz. Zaz, c'est pour moi la quintessence de la variété française d'aujourdhui. C'est fabuleux ce qui se passe autour d'elle aujourd'hui.

Oui mais à part Zaz, on a pas grand-chose... Peut-être Grégoire ? Mais en tout cas il n'y a pas de jeune scène vibrante, comme dans d'autres pays. Aux Etats-Unis en ce moment il y a un vraiment courant pop très puissant, qu'on aime ou pas, mais chez nous, il n'y plus vraiment de création on dirait. Tu crois que c'est parce qu'il n'y a plus d'argent peut-être ?
Je ne sais pas. C'est vrai qu'il y a de plus en plus d'artistes internationaux, et c'est vrai aussi dans la presse, à la télé, ils prennent de plus en plus de place. Après, la variété française comme moi je l'entends, est devenu quelque chose de péjoratif. Peut-être que ça tient à ça aussi. Il y a une perte d'identité à force, et c'est un peu angoissant. Mais il ne faut pas faire comme les Etats-Unis. J'aime beaucoup Katy Perry mais il ne faut pas faire de Katy Perry à la française, par exemple, il faut garder son identité.

Tu écoutes beaucoup de musique française ?
En fait, non, je suis bien obligée de l'avouer. Tout ce que j'écoute de français, ça va être ancien ou alors ce sera du Miossec, du Juliette... Donc j'ai du mal à juger. Tout ce qu'on a pu associer au côté un peu péjoratif de la variété française, c'est quelque chose que je n'écoute pas, et que je ne fais plus non plus. Mais je sais de quoi je parle !

Selon toi, tu as fait de la mauvaise variété ?
J'ai enregistré un premier album qui avait été écrit avant même qu'on sache que je serai la gagnante. Les chansons étaient déjà prêtes, c'est une démarche différente, une façon différente de travailler. C'était de la variété française pure et dure, mais pas de la variété de mauvaise qualité, non.



Dans la chanson Le Bagad de Lann-Bihoué, écrite par Voulzy et Souchon, tu parles d'un homme et tu demandes s'il la voyait comme ça, sa vie. Et la tienne, tu la voyais comme ça ?
Pas vraiment, non. Mais contrairement à la chanson qui parle d'un mec qui a une vie train-train, triste et loin de ses rêves, moi j'ai justement réalisé mes rêves, de chanter, d'écrire mes chansons et de les faire partager. Ce que je n'imaginais pas, c'est ce qui est autour, ce qui va avec, la bataille perpétuelle que ça représente pour quelqu'un qui n'a pas vraiment de manager, qui travaille seule. Il faut vraiment avoir les épaules solides pour pouvoir aller au bout de ses projets et imposer sa musique, ses idées artistiques. C'est très difficile, et pour moi c'est une lutte perpétuelle aujourd'hui de pouvoir faire quelque chose qui me ressemble. Ce n'est pas facile du tout.

Et pourquoi tu travailles seule justement ?
Parce que j'ai été très mal entourée à un moment donné, et que chat échaudé... A un moment donné, je me suis rendu compte qu'il valait mieux être pas entourée que mal entourée, donc je me suis retrouvée un peu toute seule. J'avais la chance d'être soutenue par les gens qui travaillent dans mon label et qui m'aident au quotidien. Mais oui, j'arrive avec mes chansons, mes visuels, mes idées de clips, c'est très artisanal. Je n'ai pas une batterie de personnes autour, de préposés, d'assistants... En même temps, ça ne s'est jamais aussi bien passé que depuis que je travaille comme ça, donc c'est plutôt positif. Et je n'aime pas non plus qu'il y ait trop d'intermédiaires, j'aime pouvoir parler directement de ce qui me concerne, sans trop de filtres. C'est agréable, mais ça demande beaucoup plus d'investissement personnel.

Donc tu vas continuer à travailler comme ça...
Oui, et je pense que l'avenir appartient aux gens qui travaillent de cette manière-là. A terme, je n'ai pas envie d'être pessimiste, mais je pense qu'on revient de plus en plus aux artistes vraiment artistes, qui s'occupent vraiment de leur travail. Même les gros artistes américains, comme Lady Gaga, même s'il y a beaucoup de marketing autour, je pense que cette nana-là, même si elle a plein d'assistants, c'est elle qui prend toutes les décisions et rien ne sort sans son accord. L'époque des années 80, des imprésarios, tout ça, c'est fini. Etant donné la crise, l'artiste est obligé d'être impliqué à 300% dans son projet. On délègue de moins en moins, et on revient peut-être finalement à l'essentiel. Et ce n'est pas une mauvaise chose.

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