Après avoir signé un hit mondial en 2008 avec "Love Song", Sara Bareilles débarque ce mois-ci avec un nouvel album, "Kaleidoscope Heart". Cet opus est le troisième de la chanteuse américaine, après "Careful Confessions" enregistré en 2004 mais jamais commercialisé et qui a servi de base à son successeur, "Little Voice". Emmené par le single "King of Anything", "Kaleidoscope Heart" propose le même type de son pop/rock avec une place de choix réservé au piano, instrument fétiche de Sara Bareilles.
A l'occasion de son passage en France pour assurer la première partie de Maroon 5, Sara Bareilles a accordé un entretien à puremedias.com. La chanteuse parle de son besoin de tout arrêter en 2009 après plus de cinq ans de tournée, épuisée et usée, avant de se remettre doucement à écrire pour ce nouvel album. Elle s'avoue ouverte à l'expérimentation avec des sonorités électro et évoque sa réaction face aux attaques gratuites et cruelles que l'on peut lire sur Internet, où l'anonymat pousse les gens à se lâcher.
Sara Bareilles explique également sa position originale sur le piratage, sa déception face à la direction trop marketing que prend l'industrie du disque, et avoue qu'elle était heureuse que ce ne soit pas Justin Bieber qui soit nommé révélation de l'année aux Grammy Awards.
L'album est sorti la semaine dernière en France, une semaine avant en Angleterre alors qu'il est paru il y a six mois outre-Atlantique. Pourquoi avoir attendu si longtemps ?
On voulait attendre que je sois disponible pour en assurer la promotion. On a fait cette erreur par le passé en sortant l'album dans des pays alors que j'étais occupée aux Etats-Unis donc je ne voulais pas refaire cette erreur cette fois. Même si c'était juste une journée, je voulais être là.
Tu as aussi attendu trois ans entre ce deuxième album (qui est le troisième mais pas tout à fait) et le premier (qui était le deuxième mais pas tout à fait). Pourquoi si longtemps ?
(Rires) C'est ça oui, c'est le troisième sans l'être. En fait, je n'ai arrêté qu'un an, on a commencé à tourner en 2004, le premier album est sorti en 2007 et on n'a pas arrêté la tournée avant 2009. On n'a jamais cessé de se produire en concert. Donc j'étais épuisée ! J'ai pris un an de congés et j'ai voyagé, j'ai fait du yoga… Plein de choses bêtement normales en fait. Puis je me suis mise à écrire mais ça a pris du temps. J'étais tellement usée par tout ce qu'on avait fait avant que j'ai mis du temps à vouloir à nouveau faire de la musique. Je suis rentrée à la maison, j'ai fermé le piano et je n'ai pas eu envie de le rouvrir pendant un bout de temps.
C'est la musique en général qui te rebutait ? Le fait de jouer ? D'écrire ? Je suppose que ça doit être étrange de passer cinq ans à faire de la musique non-stop et soudainement ne plus du tout vouloir en faire…
Je pense qu'il fallait que je retrouve mon envie, ma passion. C'était vraiment devenu un travail et au bout d'un moment, ça devient un peu répétitif. On joue les mêmes chansons sans cesse. Attention, partir en tournée, c'est formidable, j'adore ça. Mais c'est épuisant. Donc à la fin, je voulais faire le contraire : pas de musique, pas de déplacement, je voulais rester chez moi et au début je n'ai pas bougé à part un petit voyage en Espagne.
Tu as assisté à des concerts d'autres artistes ?
Un petit peu oui. Mais en fait, c'est marrant mais quand j'ai une soirée sans monter sur scène, la dernière chose que j'ai envie de faire c'est d'aller au concert de quelqu'un d'autre ! (Rires) Mais quand j'y vais, j'en ressors toujours très inspirée donc je me dis sans cesse que c'est une bonne chose d'y aller en tant que fan.
L'album a un son similaire au précédent : c'était une décision dès le début du processus d'écriture et d'enregistrement ?
J'ai fait le choix de me dépasser au niveau de l'écriture mais mes goûts n'ont pas changé de manière drastique. Et je ne voulais pas faire un album qui aurait fait fuir mes fans. Ca faisait un bout de temps que l'album précédent était sorti et je ne voulais pas qu'ils écoutent l'album et se demandent "Mais c'est qui cette fille ?". Je voulais qu'il y ait des synergies. Mais j'ai l'impression d'avoir approfondi certaines choses, d'avoir pris des risques en tant que musicienne et en tant que chanteuse. Ca a été beaucoup plus dur pour moi de chanter et de jouer sur cet album que sur le premier.
Donc quand tu as écrit l'album et quand tu l'as enregistré, tu pensais à la fois à ce que tu avais envie de faire et ce que tu devais faire pour tes fans… C'est un équilibre à trouver ? Même si les deux ne sont pas nécessairement complètement opposés…
Non, tu as raison. Il y a effectivement un équilibre difficile à trouver mais il faut avant tout que ce que tu fais te plaise. Je ne veux pas écrire des chansons que je pense que les fans aimeront parce que… je pourrais me tromper ! (Rires) Le plus important c'est donc que je les aime…
Parce qu'ensuite tu passes deux ans à les défendre, ces titres !
Oui, voilà ! Tu ne peux pas sortir un album que tu ne sauras pas défendre.
Le piano est très important pour toi, clairement, et central dans tes chansons. Est-ce que tu pourrais imaginer de t'en passer sur plus qu'une ou deux chansons ?
Je joue deux chansons à la guitare sur l'album et il y a une chanson a cappella. Mais j'ai une relation amoureuse avec le piano donc c'est difficile d'imaginer l'enlever. Mais j'apprends la guitare, je ne joue pas encore super bien mais suffisamment pour écrire une ou deux chansons. Et je suis arrivée à un point où je pense à d'autres instrumentations et parfois c'est agréable de laisser le piano de côté, même si c'est pour laisser quelqu'un d'autre le faire. Pouvoir se balader notamment sur scène, j'aime ça. Etre juste une chanteuse.
On oppose parfois les instruments réels et les sons électroniques. Est-ce que ce type de sons a sa place dans ta musique à l'avenir ? Je ne parle pas d'un album dance, bien sûr…
(Rires) Oui ! Je ne suis pas du tout opposée à l'idée, au contraire. Je ne suis pas très compétente de ce côté-là et j'ai tendance à aller vers les instruments organiques tout simplement parce que c'est plus facile pour moi. Mais je pense qu'il y a d'excellents albums qui parviennent à faire ce mariage entre sons organiques et électroniques. Je suis totalement ouverte à l'idée. Mais je ne ferais pas un album dance, non, en effet ! (Rires) Un groupe comme Radiohead, par exemple, fait ça très bien. C'est toujours très mélodieux mais il y a un côté industriel et électronique…
Donc c'est une rencontre qui pourrait t'amener à t'aventurer sur ce terrain ?
Absolument oui. J'ai appris à être beaucoup plus ouverte d'esprit qu'avant. J'étais assez têtue et j'avais tendance à dire "Non, je ne ferai jamais ça" ou "Ca ne me ressemble pas". Mais je pense que certaines des expérimentations que j'ai faites étaient assez étranges, mais on en ressort toujours quelque chose. On peut toujours évoluer et apprendre grâce à d'autres genres de musique.
La plupart de tes chansons parlent d'amour, de relations humaines… C'est un choix ? Il y a des thèmes que tu t'interdis par exemple, comme la politique ?
J'essaie d'écrire sur des choses à propos desquelles je peux formuler mon opinion. En ce qui concerne la politique, je ne suis pas sure que ce que j'écrirais serait très authentique parce que je ne suis pas une personne très politique. Je suis une personne d'émotion, plutôt. Ca a toujours été le cas. Je pleure pour un rien, ça m'arrive tout le temps donc j'écris de là. C'est un endroit très viscéral, ça me vient de là.
Ton single "King of Anything" évoque une relation, mais on peut aussi y voir une critique de notre époque. Aujourd'hui, tout le monde a un avis sur tout et utilise notamment Internet pour en faire part et parfois, les commentaires sont très durs et cruels…
Oui tu as tout à fait raison. Il y a une autre chanson sur l'album, "Machine Gun", qui évoque justement ce problème. Evidemment, tout le monde a le droit d'avoir une opinion mais avec Internet, le côté anonyme fait que les gens se pensent à l'abri, ils se cachent et ils ont tendance à pencher du côté cruel, oui. Ils sont souvent méchants et je pense qu'ils font part de leurs regrets par rapport à leur propre vie, leurs propres insécurités et ils les projettent sur d'autres personnes. Mais ils oublient que les mots peuvent vraiment blesser et j'ai lu des choses atroces sur moi.
Comment tu réagis quand quelqu'un que tu n'as jamais rencontré a des opinions très fortes et négatives à ton encontre ?
(Elle souffle)
Surtout que tu m'as dit que tu pleurais facilement !
Oui, mais c'est vrai ! Ca m'est arrivé de pleurer en lisant des choses. Mais j'apprends à me distancer de tout ça et à ne pas le prendre personnellement parce que les gens peuvent être très méchants. Donc je ne cherche pas ça sur le net, je ne vais pas chercher spécifiquement des critiques ou des choses méchantes écrites sur moi.
Et les critiques de journaux ou d'autres médias ?
Honnêtement, j'essaie de ne rien lire. Ce qui m'est arrivé par le passé, c'est de lire quelque chose qui m'a fait douter sur mes choix sur scène. C'est l'opinion d'une seule personne et peut-être qu'elle a raison mais je suis seule dans ma quête de savoir ce qu'il faut proposer à mon public. Donc l'opinion qui m'intéresse le plus, c'est celle des fans. Les critiques des médias, quand elles sont positives, c'est génial ! (Rires) Mais c'est dur. Je n'ai pas envie de faire le tri et au final ça me dessert plus que ça m'aide.
Tout a vraiment décollé pour toi quand "Love Song" a été offert gratuitement sur iTunes aux Etats-Unis. Tu crois que la musique gratuite, c'est l'avenir ?
J'ai toujours encouragé les gens à graver mes CD, les partager avec leurs amis depuis le tout début.
Tu es pro-piratage ?
Je ne dirais pas ça de cette façon. J'ai toujours eu la chance de gagner ma vie grâce à la musique parce qu'il y avait des gens prêts à payer pour l'écouter. Quand j'encourage les gens à graver mon album, je me dis que s'ils accrochent et qu'ils sont responsables, ils achèteront le suivant ou viendront me voir en concert et il y aura une sorte d'échange. Moi, c'est mon travail, j'essaie de gagner ma vie aussi. Il doit nécessairement y avoir une forme d'échange. Je pense que les musiciens méritent d'être payés pour ce qu'ils font. (Silence) Mais tu peux graver mon album et le partager ! (Rires)
On dit parfois que la musique devient un outil promotionnel et que l'argent est dans les tournées…
J'ai un problème avec cette thèse parce que tout le monde ne peut pas se permettre une place de concert. Et j'ai un vrai souci avec la concentration qui s'opère chez les vendeurs de tickets, les prix deviennent dingues ! Je suis très embêtée pour les fans. Il y a tous ces frais annexes intégrés dans les prix des billets, sur lesquels je n'ai aucun contrôle. Tout le monde ne peut pas dépenser 50 euros pour venir voir un concert, ce n'est pas juste de le demander.
Après les Grammy Awards il y a eu une polémique outre-Atlantique sur l'absence de récompense pour des gens comme Justin Bieber et Eminem. L'Académie a été critiquée pour ne pas avoir reconnu l'impact de ces artistes sur la culture populaire... Tu as été nommée trois fois, qu'en penses-tu ?
Moi j'ai beaucoup aimé qu'un Grammy a enfin été donné à quelqu'un d'un peu moins connu. Esperanza Spalding, qui a été élue révélation de l'année, a un talent phénoménal. C'est vrai que le choix a pu surprendre, mais j'ai trouvé que c'était une bonne chose qu'un groupe comme Arcade Fire remporte le prix le plus convoité de la soirée. Ca m'a fait plaisir. Parfois, je suis frustrée par la direction que prend l'industrie du disque. Il n'y a plus assez d'âme, selon moi. Je suis une auteure donc je suis plus attentive aux histoires, c'est ça qui m'intéresse le plus, les paroles. Et à l'heure actuelle ça me semble très superficiel. J'espère que la balance va s'inverser.
Il y a trop de place donnée au marketing, aux clips, etc ?
Tout ressemble de plus en plus à une pub. Tout est sensationnaliste et exagéré et l'approche plus organique me manque. Mais je ne suis pas objectif, c'est clairement mon point de vue personnel en fonction de mes goûts. Ca marche très bien pour ces artistes, en plus.
Tu penses à une chanteuse qui est venue aux Grammy dans un oeuf géant, par exemple ?
(Rires) Oui, les Lady Gaga, Rihanna, Katy Perry. Mais elles font ça très bien ! Et elles ont énormément de succès. Je ne critique par leur approche, je dis que mes goûts me poussent vers d'autres choses. Et il y a de place pour tout le monde.
Peut-être que leur côté très commercial est justement une réaction à la crise du disque ? Les maisons de disques veulent maximiser leur profit ?
Peut-être, oui. Les maisons de disques cherchent à tout prix à gagner de l'argent alors que les ventes chutent depuis plusieurs années, c'est -20% l'an dernier je crois. C'est dingue ! Je ne voudrais pas être à la place d'un dirigeant de label !
Comment te sens-tu, en tant qu'artiste justement, face à cette crise ? Tu te lèves le matin et tu te dis que ça va mal ?
(Rires) Et je retourne me coucher ! Non, ce que je vois et qui me fait plaisir, c'est qu'il y a toujours des fans de musique et qu'ils connectent toujours via la musique. Je pense qu'il faut un peu se mettre des oeillères et continuer à faire de la musique authentique et je pense qu'il y aura toujours un public pour ça.
Musique
Sara Bareilles : "J'ai lu des choses atroces sur moi"
Publié le 17 mars 2011 à 11:11
A l'occasion de la sortie de son album "Kaleidoscope Heart", Sara Bareilles nous parle de son besoin de tout arrêter en 2009, de sa position originale sur le piratage ou encore sa frustration face à la direction trop marketing que prend la musique.
Sara Bareilles© Crédits : Abaca
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