1er aout: Paris est vide, les rédactions sont désertes, les mensuels de septembre bouclés. C'est cette période fort propice à la communication qu'ont choisi les producteurs de "Sexe entre amis" (interdit en cette saison, il fait trop chaud) pour présenter leurs poulains Justin Timberlake et Mila Kunis aux rares journalistes privés de vacances. Probablement une sournoise manoeuvre pour fuir la canicule qui frappe les États-Unis. Bref, après des années de puritanisme, les définitivement incompréhensibles ricains ont décidé de multiplier les films où l'on ne couche pas par amour mais par ennui. Entre la sexe machine des dancefloors et l'étoile montante au nom d'hôtesse charnelle, on se dit qu'on devrait passer un bon moment, entre fou rires, clins d'oeil entendus et blagues de cul. Je vous arrête tout de suite : il n'y a eu ni fou rire, ni blague de cul. Et si clin d'oeil j'ai entraperçu, c'est probablement parce que le malotru Timberlake était épuisé de faire des pyramides avec ses dessous de verre...
Car Môssieur Timberlake est en mode acteur. Et quand Môssieur Timberlake est en mode acteur, disons le franchement, il est chiant. L'attachée de presse française me briefe dans l'"hospitality room" : aucune question sur la musique (mode acteur, mode acteur...), aucune question vie privée. Je lui demande si "quelle est votre couleur préférée" est considérée comme une question vie privée. Blague. Silence. Grosse brise. Elle, la canicule, elle ne connaît pas. "L'hospitality room" vient de se transformer en chambre froide. J'ai peur de choper la crève.
Je rentre dans la chambre de Justin. Et de Mila. Et de la publiciste américaine. Et des compositions florales moches. Le propre d'une publiciste américaine, c'est de faire chier le monde en toute discrétion. Celle-là a l'air en plus d'avoir envie de se pendre avec les tentures de la suite. Je dis bonjour parce que je suis polie. Personne ne me répond. Ça y est, j'ai chopé le don d'ubiquité. Sauf que visiblement moi, je suis partout sauf ici. Je me présente dans l'indifférence générale. Ok, je crois que j'ai raté mon entrée. Je m'assois discrètement autour de cette immense table ronde si conviviale qu'elle ferait passer une chaise électrique pour un fauteuil massant. Super, j'ai choisi la seule place déjà occupée par une composition florale. La composition florale a le droit a plus d'attention que moi. Je ferme un oeil pour n'avoir que Justin dans mon champ de vision. Qui a décidé d'attaquer une pyramide de dessous de verre juste au moment où j'attaque ma première question. Il a l'air d'un enfant autiste. J'aimerais être un dessous de verre. Justin décide qu'il a envie de me parler de pâté. Soit.
J'ai envie de lui dire que je me suis quand même épilée pour lui (et j'en ai pleuré des rivières). Une question sur le film? J'ai l'impression de l'importuner. Je tente le tout pour le tout. Son joli petit cul ? (on ne voit que ça dans le film). Il pousse un cri de vierge effarouchée. "Mon cerveau est dans mes fesses" me dit-il. Très bien, je sens que je vais décrocher le Pulitzer avec cet article. Le mariage gay ? Il défend la cause homosexuelle avec tellement d'ardeur que même la composition florale a décidé de rester hétéro. Son album préféré peut-être ? Alerte. Alerte. Évacuation. J'ai l'impression d'avoir touché la cage thoracique du docteur Maboule. Je sens l'attachée de presse américaine frétiller dans mon dos. On me sort avant la fin de mon interview. Petit Jésus, est-ce que j'ai fauté ? Oui. Je lui ai parlé musique. Et demander à Justin Timberlake quel est son album préféré, c'est pêché. On en a pendu pour moins que ça... Confuse, je m'interroge. Peut-être que j'aurais dû tout misé sur "le sexe entre amis" (comme d'habitude) et lui demander quel était son album préféré pour faire l'amour? "Ah non" s'offusque l'attaché de presse française. "Ça, c'est une question musique ET vie privée". Ah oui. Mot compte double, c'est vrai que j'aurais pris cher.
Résultat des courses : j'ai viré les *NSync de mon iPod et dégusté la meilleure tarte aux framboises de Paris pour oublier. C'est toujours ce qu'on fait après un mauvais coup non ? Justin, you can keep your sexy back.