Les médias au banc des accusés. Après le suicide hier de l'ex-maire de Tours, Jean Germain, les journalistes sont la cible de nombreuses attaques de la part de la classe politique. Dans une des lettres retrouvées après son décès, Jean Germain dénonçait en effet la "chasse systématique aux hommes politiques" qui aurait selon lui cours dans notre pays.
Dès hier après-midi, le président du Sénat, Gérard Larcher, a ainsi souligné la responsabilité des médias dans la mort du sénateur qui devait comparaître hier pour prise illégale d'intérêts dans l'affaire dite des "mariages chinois". "Jean Germain s'est senti condamné avant même d'être jugé, par un système qui n'a finalement rien retenu depuis Pierre Bérégovoy", a gravement dénoncé Gérard Larcher dans l'hémicycle.
Et de poursuivre : "Ce système qui s'emballe sans discernement, sans considération pour l'honneur, peut amener un homme à commettre l'irréparable. Chacun doit observer la mesure des jugements qu'il peut porter sur autrui et savoir qu'ils peuvent avoir des conséquences tragiques. Un homme public, une femme publique a droit au respect de sa dignité comme tout autre citoyen", a conclu le président du Sénat.
Dans un tweet, l'ancien sénateur socialiste, Jean-Pierre Michel, a pour sa part fait référence à la célèbre phrase prononcée par François Mitterrand après le suicide de Pierre Bérégovoy en 1993. "Toutes les explications du monde ne justifieront pas qu'on ait pu livrer aux chiens l'honneur d'un homme, et finalement sa vie, au prix d'un double manquement de ses accusateurs aux lois fondamentales de notre République, celles qui protègent la dignité et la liberté de chacun d'entre-nous", avait lancé à l'époque le chef de l'Etat à destination de la presse.
Dans son éditorial de ce matin, Laurent Joffrin s'interroge sur la responsabilité des médias, moins dans cette affaire que dans la vision globale qu'ils donnent des responsables politiques. "Ces affaires étaient bien loin de faire les gros titres de la presse nationale (...) C'est plus l'attitude de l'opinion et des médias envers les hommes politiques qui est en cause. A force de suggérer que les élus sont tous plus ou moins corrompus, qu'il n'y a dans ce monde-là que cynisme et recherche de l'intérêt personnel, on finit par décourager les responsables honnêtes, qui sont légion", estime ainsi le directeur de "Libération".
Dans son éditorial, "Le Parisien" balaye quant à lui les accusations de lynchage médiatique, estimant que la comparaison avec Pierre Bérégovoy n'a pas lieu d'être. "Les chiens auraient été lâchés, déchiquetant la réputation d'un homme jusqu'à le tuer. Mais quels chiens ? Jean Germain, que la plupart des Français ne connaissaient pas avant cette tragédie, n'était pas Pierre Beregovoy, tabassé pendant des semaines et des mois par les journalistes, les syndicats, les politiques. Les deux affaires ne sont pas comparables", estime Jean-Marie Montali, préférant rejeter la responsabilité de ce suicide sur la "machine judiciaire qui peut être une broyeuse d'hommes".
Même son de cloche du côté de la presse locale. "On aurait tort d'accuser la presse ou la justice, aussi cruelle soit l'info en accéléré et à cadence continue que permettent aujourd'hui les médias", tranche ainsi Jean-Louis Hervois, pour "La Charente libre". Pour Daniel Muraz, du "Courrier picard", ce suicide de Jean Germain "ne doit pas conduire à une mise en accusation a priori du travail de la justice ou des médias, quand ceux-ci cherchent à mettre en lumière le fonctionnement de la vie publique."