Ca passe ou ça casse. Pas d'autre issue quand un comédien décide de passer de l'autre côté de la caméra pour raconter son histoire et se revendiquer de la caste des cinéastes. Alors pour faire court, disons d'emblée que Pascal Elbé fait partie de la première catégorie. Et que son premier long-métrage recèle tous les ingrédients d'une première fois (une volonté d'affirmer son style tout en livrant une œuvre très personnelle), mais il se défait surtout du cahier des charges classique du jeune premier. Son Tête de Turc se révèle un film mature, une œuvre juste, une réflexion intelligente et un reflet cohérent de la société actuelle avec ses injustices, ses défauts, mais aussi ses vérités.
Tout part d'un fait divers (inspiré d'une histoire vraie). Un geste, un seul qui va suffire à faire se rencontrer les vies d'un adolescent de 14 ans, d'un médecin urgentiste, d'un flic en quête de vengeance, d'une mère qui se bat pour les siens et d'un homme anéanti par la mort de sa femme. Leurs destins sont liés depuis que Bora a mis le feu à la voiture d'un médecin urgentiste. Et pendant que l'homme passe plusieurs jours entre la vie et la mort, les événements vont s'enchaîner et tous vont se retrouver entraînés par l'onde de choc...
Force est de constater que le réalisateur s'est compliqué la tâche pour une première. Car en voulant faire de son premier film un film choral où les histoires de chacun finissent pas s'entremêler autour d'un seul et même élément, il s'est attaqué au sujet "casse-gueule" par excellence. La France étant peu habituée à ce genre de mise en scène, Pascal Elbé est donc allé chercher ses influences du côté du cinéma de James Gray, Robert Altman, [personnalite_ozap%]Steven Soderberg[/personnalite_ozap%] et Martin Scorsese. Et tout en se défaisant du poids de leur nom, il est parvenu à signer un polar au vitriol plutôt surprenant, dont la qualité est élevée d'un cran grâce au jeu sans fausses notes de ses acteurs (mention spéciale à Roschdy Zem, Ronit Elkabetz et le jeune Samir Makhlouf).
Pascal Elbé semble aimer le mélange des genres. Il glisse la trame de son film policier dans un contexte social et il évite l'écueil de la caricature en traitant avec intelligence un sujet sensible : celui des banlieues. De la violence qui la gangrène. De sa stigmatisation par la presse, les politiques et l'opinion publique. Mais le propos n'est pas moraliste. Et jamais Pascal Elbé ne prend parti pour un camp ou pour l'autre. Avec beaucoup d'à-propos, il dénonce le comportement de ceux qui font leur loi en banlieue. Mais il offre aussi un regard juste sur la situation instable de ces banlieues avec les peurs qu'elles engendrent et qui l'habitent.
Le héros de Tête de Turc est un anti-héros, loin des clichés que le cinéma a dressés jusque-là. Il n'est pas une exception qui cherche la rédemption, il est en permanence sur le fil du rasoir, prêt à basculer à tout instant d'un côté comme de l'autre. Et puis, Pascal Elbé retrouve un thème qui lui est cher et qu'il avait déjà traité en tant que scénariste dans Père et fils de Michel Boujenah : la famille. Avec le poids de ses secrets trop lourds. Avec cet instinct de protection qui l'étouffe. On pourra toujours reprocher au réalisateur une fin trop policée qui ne va pas au bout de ce qu'elle dénonce. Une erreur vite pardonnée au regard du reste. Car ce coup de poing bienvenu dans le paysage cinématographique français vient indéniablement de faire éclore un cinéaste à suivre de près...
Cinéma
Tête de Turc : Coup d’essai et coup de maître pour Pascal Elbé
Publié le 7 avril 2010 à 11:12
Pour son premier film, P. Elbé s'inspire d'un fait divers social et signe un polar intelligent qui se garde bien de faire la morale. Aidé par la partition juste et sobre de ses comédiens, il livre une réflexion redoutable sur les violences en banlieue.
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