La colère de l'avocat. Dans une lettre adressée à la présidente de la cour d'assises d'appel du Nord, à Douai, que "Le Parisien" a pu consulter, Maître Frank Berton, célèbre pénaliste, ayant notamment traité les affaires Outreau ou Florence Cassez, s'est plaint de la captation d'images lors de procès pour l'émission de France 3, "Justice en France".
Depuis la modification de la loi sur la liberté de presse, datant du 22 décembre 2021, il est désormais autorisé "l'enregistrement sonore ou audiovisuel d'une audience", "pour un motif d'intérêt public d'ordre pédagogique, informatif, culturel ou scientifique en vue de sa diffusion". Depuis la rentrée dernière, France 3 diffuse donc en seconde partie de soirée ce fameux programme, "Justice en France", qui a vocation à "donner à voir le fonctionnement de la justice pour mieux la comprendre", comme l'avait indiqué la PDG de France Télévisions, Delphine Ernotte, dans un communiqué en octobre 2022.
Ainsi, le 21 février dernier, une journaliste de France 3 a contacté Frank Berton, qui défendait trois parties civiles constituées lors d'un procès d'un meurtre se déroulant devant la cour d'assises d'appel du Nord, du 1er au 3 mars dernier. Il avait alors appris que la présidente de la cour avait autorisé la présence de caméras dans le prétoire.
Dans son courrier, l'avocat s'est opposé à ce que l'audience soit enregistrée, précisant que ses clientes - mère et soeur de la victime - n'avaient pas été averties. Ce qui n'avait pas pu être effectué puisque la loi prévoit à présent que "l'accord préalable des parties n'est pas imposé lorsque l'audience est publique".
"Déjà à l'époque des faits, mes clientes, harcelées par les chaînes d'info, avaient refusé de parler à la presse. Jeter les médias par la porte, ils rentrent par les fenêtres, de manière légale et nonobstant le désaccord des parties", s'est agacé Maître Frank Berton, dénonçant une "justice spectacle" qui "supprime les cours d'assises pour les remplacer par des cours criminelles sans jury populaire pour préférer introduire les caméras de télévision". "La justice ne se rend pas chez Morandini ou Hanouna !", a-t-il lâché.
Par ailleurs, si les personnes participant au procès ne consentent pas à apparaître dans l'enregistrement, il est possible de transformer la voix ou flouter les visages des personnes qui s'opposeraient à la diffusion de l'émission. Une mesure qui n'a pas satisfait l'avocat Frank Berton : "C'est de l'hypocrisie absolue. Les gens seront parfaitement identifiables par ceux qui les connaissent, par exemple dans le cas d'un drame dans un petit village ! L'histoire permet à elle seule d'identifier les gens. Etaler le drame, ça n'a rien de pédagogique, c'est au contraire renforcer le populisme !".