C'est l'ovni de la rentrée télé. Régulièrement, le samedi soir à 20h30 sur France 2, les journalistes du "Papotin"* reçoivent une personnalité du monde du spectacle pour trente minutes de questions-réponses. Sur le papier, rien de bien nouveau. Sauf que la rédaction du "Papotin" est composée de journalistes, non professionnels, porteurs de troubles du spectre autistique. L'échange donne alors lieu à des moments de pure spontanéité. "Je peux toucher ta barbe ?", "Est-ce que tu aimes le cassoulet ?" peut-on entendre parfois. Mais derrière l'apparente légèreté de certaines questions, l'émission finit toujours par émouvoir et interpeller. Devant les caméras de Kiosco.TV et Quad+TEN, les artistes (Gilles Lellouche,Camille Cottin,Julien Doré pour les trois premiers numéros) fendent l'armure comme jamais auparavant.
"C'est Éric Toledano et Olivier Nakache qui ont eu l'idée d'adapter ces rencontres à la télévision", nous confie Clément Chovin, l'un des producteurs du magazine avec Jérôme Lament. Et de poursuivre : "Ils avaient rencontré les journalistes du 'Papotin' lors de la promotion du film 'Intouchables' et en avaient gardé un souvenir extraordinaire". Créée en 1990 par Driss El Kesri, cette association réunit tous les mercredis matins 53 journalistes atypiques pour une conférence de rédaction forcément particulière. Comme à l'écran, c'est Julien Bancilhon, rédacteur en chef de la publication et psychologue, qui mène les discussions et guide les articles et interviews des personnalités qui composeront la prochaine édition du journal. Et ça marche. Depuis trente ans, ils sont tous venus au "Papotin" : Barbara, Nicolas Sarkozy, Jacques Brel, André Dussolier, Vincent Cassel, Anne Hidalgo et Jean-Jacques Goldman. "C'est quand on a vu cette multitude de rencontres avec l'association qu'on s'est dit qu'il y avait vraiment quelque chose à faire pour la télévision", reconnaît le producteur.
Pour trouver le bon angle et capter au mieux l'essence même de ces rencontres, les équipes de Kiosco.TV et Quad+TEN ont travaillé plus "d'un an et demi". "Il fallait trouver un cadre très naturel, c'est pour ça qu'on a fait un choix jusqu'au-boutiste : il n'y a pas de lumière rajoutée, on tourne toujours le matin. Dans le traité, on a fait le choix d'être à mi-chemin entre le documentaire et la fiction", avoue-t-il, avant d'ajouter : "Il fallait aussi se faire accepter par les journalistes du 'Papotin'".
Une fois ce cadre trouvé, la production a gardé le "rituel" de retrouvailles du "Papotin". Elle organise deux séances de travail, "toujours le mercredi", avec les journalistes et tourne "généralement dans les quatre jours qui suivent la deuxième réunion de préparation". Lors de ces réunions, la production briefe les journalistes sur la vie de l'artiste.
"On fait un travail d'enquête exhaustif en amont : qui est l'artiste ? D'où vient-il ? Les choses remarquables qu'il a pu rencontrer sur sa route... Histoire de ne pas retourner sur ce que l'invité a déjà dit 1.000 fois ou pour trouver des sujets en interaction avec les journalistes du 'Papotin'. Toutes les questions sur l'enfance, la mort et le rapport aux parents sont très importantes pour eux", explique le producteur. Et de confier : "Lors des séances de préparation, on pourrait prévoir telle ou telle choses, mais ça ne servirait à rien. Les questions ne sortiront jamais deux fois de la même façon. Parfois, elles ne sortiront même pas une deuxième fois. Ce qui sort d'eux vient d'une envie et d'un instinct sur le moment".
Résultat : des rencontres franches où tout est possible au "Papotin". "On ne voulait rien cacher, on ne coupe jamais au 'Papotin'. On ne refait pas de prise", insiste le producteur, tout de même obligé de résumer les trois heures de rencontres en une trentaine de minutes pour entrer dans la case horaire allouée par le service public.
Depuis la première diffusion de l'émission sur France 2, les artistes se bousculent pour venir au "Papotin". "Certains ont tellement été touchés par l'émission qu'ils nous ont même proposé de rencontrer les journalistes sans être filmés. De notre côté, on cherche des invités qui parlent à toutes les générations", reconnaît Clément Chovin. Et d'enchaîner : "Ensuite, il faut que les journalistes du 'Papotin' aient envie de les rencontrer et que certaines personnalités veuillent bien 'lâcher prise'. On dit toujours la même chose à nos invités avant qu'ils ne rencontrent les journalistes. Cinq minutes avant d'être amenés sur le plateau, on les briefe en leur disant : 'seule la vérité compte pour les journalistes, ne tournez pas autour du pot'. Il n'y a qu'une règle au 'Papotin' : on peut tout dire au 'Papotin' mais, surtout, tout peut arriver !".
* Emission co-produite par Kiosco.TV, entreprise détenue par Webedia, société éditrice de puremedias.com.