Samedi, soir de beuverie. On s'y est préparé tellement souvent qu'on a du mal à y croire. Ta dernière overdose a été la bonne Amy. Je suis au fin fond des Baléares, dans un hôtel pourri avec une adolescente de 12 ans qui est branchée Miley Cyrus. Au buffet de hors d'oeuvre, aucun touriste allemand n'a l'air d'être perturbé par ta disparition. Je me sens seule. Je fredonne " Tears dry on their own " devant les calamars. J'ai bien du mal à y croire. C'est nul Amy. Winehouse... Avec un nom pareil, on aurait tellement préféré que tu meurs d'une cirrhose du foie à 60 ans.
J'avoue. Je ne t'ai jamais rencontrée. Pas eu cette chance. Mais je t'ai souvent traitée dans mes sujets. Tu nous a fait souvent rire, Amy. Le color block, c'est toi qui l'as inventé. Sans le faire exprès. Quand tu étais programmée dans un festival, les paris grimpaient. Le montant des assurances également. Les promesses de tes prestations étaient aussi fiables que les prévisions météo d'Evelyne Dhéliat. Une fin de désintox se célébrait dignement avec une tournée des bars. Quand tu sortais ta nièce de 13 ans, vous aviez l'air de deux tapineuses en goguette. Forcément, tu l'habillais comme toi. Quand tu a inauguré ta nouvelle paire de seins, il y avait du monde au balcon. Car les paparazzis étaient tes meilleurs amis. Ce sont eux qui t'ont vu le plus souvent au réveil. Tu les frappais ? Le lendemain tu leur offrais des bières pour te faire pardonner. Tu étais comme ça Amy, un gros coeur sur un tout petit corps. Un bébé dans les bras ? Une bière dans l'autre.
Je me plaisais à rêver tous les secrets que cachait ton incroyable Choucroute (je mets un C majuscule parce qu'elle le mérite amplement) : telle Mary Poppins, un pack de bière, un pied de micro, une paire de Louboutin, un sandwich de chez Subway (le XXL), une bande de potes, le vieux " cab " de ton paternel.
Il y a deux ans, tu avais l'air si heureuse en vacances. Ok, en maillot, tu étais aussi sexy que Popeck en balnéo. On s'en fout. J'imaginais déjà ton troisième album, fleurant bon la jamaïcaine et le sable chaud. A chaque remise de prix, il était impossible de savoir si tu allais briller par ton absence, franchir la porte d'entrée ou vomir sur le seuil. Quand tu tanguais, ça faisait sourire puis ça donnait envie de chialer. Quand tu chantais " Rehab ", ta propre mise en abîme filait le vertige. Quand on pokait par amour, toi tu t'ouvrais le coeur et dégueulais ton amour dans " Back to black ". Tu te disais mauvaise graine ? Nous, on a vu germer une icône ultra-bandante. Une idylle avec Pete Doherty se soldait par une vidéo youtube où vous vous amusiez à faire parler un chaton comme deux mômes un peu attardés. Et sous coke. Drôle à pleurer.
Il y a quelques semaines, tu devais jouer au festival de Bilbao. Prestation annulée, suite à ton fiasco serbe. Ton retour était peut-être trop plein de promesse. A Bilbao, ta gueule de clown était encore placardée dans toute la ville comme si tout le monde avait encore espoir de te voir apparaître comme par magie et si possible à la verticale.
Amy, tu as fait renaître l'excès et la décadence, le mauvais goût à la John Waters, l'amour des bad boys, la passion dévorante. Tu as chanté que " tu étais morte une centaine de fois ". Probablement. Amy, si l'enfer c'est les autres, toi t'iras tout droit au paradis.
Il y a quelques années, un site proposait de parier sur ta date de mort (et celle de Britney Spears). Le jeu est terminé. La gueule de bois, phénoménale. Je n'ai qu'une seule chose à ajouter : Peter Doherty, fais gaffe à toi s'il te plait.