Il y a tout juste quatre ans, Jacques Martin, l'homme emblématique de nos dimanches s'en allait discrètement. Je me fais une joie aujourd'hui de rendre hommage à celui qui a illuminé mes dimanches d'enfant. Je n'ai pas eu le bonheur de le connaître vraiment. Grâce à mon amie Danièle Evenou, qui a partagé sa vie entre 1972 et 1978 et qui lui a donné deux enfants, j'ai déjeuné avec lui à l'hôtel du Palais de Biarritz où il a choisi de finir sa vie.
Cet homme aux multiples talents a marqué pour toujours l'histoire de la télévision française. Animateur, producteur, comédien, humoriste, imitateur, réalisateur, chef d'orchestre, il se rêvait en Molière et il est devenu l'une des plus grandes stars de la télévision française.
Sa carrière commence en 1960 sur Télé Strasbourg. Il n'est pas encore Jacques Martin mais Jacques Ducerf. La chance est avec lui car Jacques Chancel le repère et lui propose de venir le voir à Paris. Il se fait remarquer en 1964, avec 1=3, l'une des toutes premières émissions satiriques qu'il anime avec son ami Jean Yanne. Seulement quelques numéros seront diffusés car l'impertinence des deux saltimbanques ne plaît pas vraiment au pouvoir en place.
Il devient une vedette populaire à la fin des années 60 en animant la tranche de la mi-journée sur la première chaîne avec "Midi Magazine" aux côtés d'un nouveau visage tout droit venu de Chamalières, Danièle Gilbert. Jacques Martin la surnomme rapidement" La Grande Duduche" et fait d'elle l'une des animatrices les populaires des années 70.
C'est au cours d'un "Midi Magazine" que Jacques Martin reçoit le ministre des finances de Georges Pompidou et futur Président de la République Valéry Giscard d'Estaing qui joue de l'accordéon en direct. C'est la toute première fois qu'un homme politique se retrouve dans une émission de variétés. La présence de Valéry Giscard d'Estaing coûtera cher à Danièle Gilbert puisqu'elle sera étiquetée à droite et licenciée brutalement par la gauche en janvier 1982. Nous y reviendrons dans les prochaines semaines. Au fil du temps, Jacques Martin s'absente de plus en plus souvent. Il rêve toujours de faire du théâtre, de la musique et du cinéma. Il ne s'en privera pas mais ne connaîtra jamais vraiment le succès en dehors de la télévision. Il jouera tout de même aux côtés de Romy Schneider dans "La passante du sans-souc"i, le tout dernier film de la star.
Jacques quitte la première chaîne pour la deuxième en 1972. Il se retrouve aux commandes d'une grande émission de variétés "Taratata". Effectivement, Nagui n'est pas à l'origine de ce titre. Il reçoit en première partie de soirée les stars de la chanson, du cinéma et du théâtre entouré de la voix d'or de RTL Evelyne Pagès qui nous a quittés récemment.
Jacques Martin s'amuse à écrire et à interpréter des sketches.Il commence aussi à chanter dans ses propres émissions. Il chante volontiers les chansons de son idole Charles Trenet ou celles de son ami Charles Level. Il ne s'arrêtera plus et chantera tous les dimanches sur Antenne 2 puis France 2.
Il retrouve TF1 en 1975 pour animer, déjà le dimanche, une émission satirique qui a marqué les esprits, "Le petit rapporteur". L'émission fait grand bruit et ne plaît pas vraiment au gouvernement de l'époque. TF1 supprime l'émission au bout d'une saison. Qu'a cela ne tienne, Jacques Martin débarque sur Antenne 2 avec une version quasi identique appelée "La Lorgnette". Jacques est un véritable découvreur de talents. Stéphane Collaro, Pierre Bonte, Pierre Desproges, Daniel Prévost et Piem font leurs premières armes à la télévision grâce à lui. Il fera venir plus tard Laurent Ruquier, Laurent Baffie, Laurent Gerra, Julen Courbet et Virginie Lemoine.
A partir de 1976, il ne quitte plus les dimanches de la deuxième chaîne. Marcel Jullian, devenu président d'Antenne 2 en 1975 et son plus proche conseiller Jacques Chancel lui proposent d'animer les après-midis du dimanche dès 1978. Six heures d'antenne pour un seul homme. Du jamais vu sur aucune chaîne de télévision ! "Bon Dimanche" devient "Dimanche Martin" à partir de janvier 1980. Plus de vingt années passées à animer les dimanches d'Antenne 2. Un véritable exploit !
Marcel Jullian lui confie aussi un théâtre, L'Empire situé près de L'Etoile, avenue de Wagram à Paris. Le public se déplace très nombreux chaque samedi, jour de l'enregistrement, pour assister au véritable spectacle offert par Jacques Martin. Des variétés, de la musique classique, de grands orchestres, des danses de salon, des ballets, des jeux, de la culture, de l'histoire, de la cuisine et de l'humour, c'est tout cela "Dimanche Martin".
De "Incroyable mais vrai" à "Sous vos applaudissements" en passant par "L'école des fans", "Le monde est à vous", "Les voyageurs de l'histoire", "Ainsi font, font, font", "Thé Dansant" et "Le kiosque à musique", il anime plus d'une vingtaine d'émissions.
La plus célèbre étant bien évidemment "L'école des fans" créée en 1977 avec Chantal Goya pour marraine. C'est la toute première fois qu'un animateur star s'intéresse aux enfants et les fait chanter. Jusqu'alors, seulement les tout jeunes présentateurs s'intéressaient aux enfants. C'est le cas notamment de Patrick Sabatier et Nicolas Hulot.
C'est lors d'un voyage au Japon que Jacques Martin croit découvrir la version originale de "L'école des fans". Il s'agit en réalité d'une émission religieuse avec des chorales d'enfants. C'est Salvatore Adamo, véritable star au pays du soleil levant qui le lui avouera quelques années plus tard. Les plus grandes stars de la chanson se prêtent au jeu et acceptent de chanter avec les enfants le dimanche devant des millions de téléspectateurs, plus de dix millions dans les années 70 et 80.
Merci maître Jacques pour avoir ensoleillé nos dimanches durant toutes ces années. Vous avez rêvé d'être Molière mais sachez que vous avez été pour des millions d'entre nous le prince de la télévision française. Un prince élégant, cultivé, généreux et drôle. Un prince inoubliable...
Merci à vous Jacques martin.