A quelques jours de la délibération du Conseil supérieur de l'audiovisuel sur le rachat de Direct 8 par Canal+, TF1, France Télévisions et M6 tirent la sonnette d'alarme. "C'est la première fois que nos trois groupes ont attiré l'attention des Sages sur un dossier", a indiqué Nonce Paolini au cours d'une rencontre avec quelques journalistes à laquelle puremedias.com participait. Après Nicolas de Tavernost et Rémy Pflimlin, respectivement patrons des groupes M6 et France Télévisions, le PDG de TF1 monte à son tour au créneau.
"Nous ne craignons pas la concurrence de Canal+ en termes de savoir-faire, mais nous ne voulons pas que l'arrivée d'un nouvel acteur déséquilibre le marché", a-t-il poursuivi. "La concurrence est déjà extrêmement forte. L'arrivée de Canal, c'est un concurrent de plus. Mais notre inquiétude provient de la nature très différente de cet acteur. Il est très différent des autres, de par sa nature, ses privilèges et son poids économique (NDLR : Canal+ a réalisé un chiffre d'affaires de 2,5 milliards d'euros au premier semestre 2012, contre 1,3 milliard pour TF1 et 711 millions pour M6), a-t-il expliqué.
La principale crainte des dirigeants de TF1 ? Que Canal+ utilise sa puissance financière conférée par son activité dans la pay-tv au service de ses nouvelles chaînes gratuites, un argument similaire à celui avancé par les dirigeants de la chaîne cryptée lorsque l'opérateur télécom Orange s'était lancé sur le marché de la télévision payante, en 2008.
"Canal+ est en situation de monopole sur le marché du payant, a exposé Nonce Paolini. D'autre part, le modèle économique de Canal est complètement différent : il repose sur les abonnements, c'est-à-dire des revenus prévisibles. A l'inverse, le marché du gratuit est volatil puisqu'il repose sur la publicité, un marché stable voire en baisse ces dernières années alors que le nombre de chaînes gratuites sur la TNT va encore augmenter à la fin de l'année (entre 2005 et 2012, on sera passé de 6 à 25 chaînes gratuites, NDLR). Enfin, Canal dispose de plusieurs privilèges, comme un taux de TVA réduit qui lui a permis d'économiser 410 millions d'euros en 2011. Dans ces conditions, si Canal peut venir sur le marché du gratuit, ils doivent venir à des conditions extrêmement régulées."
A l'instar de France Télévisions, M6, NRJ et NextradioTV, la direction de TF1 a alerté les Sages sur plusieurs points, comme l'acquisition de séries ou de films de cinéma. La Une redoute en effet que Canal bénéficie de sa situation de monopole sur le payant pour acheter à la fois les droits pour le payant et le gratuit. "Quand Canal peut bénéficier de sa situation de monopole, c'est là qu'il y a un problème, a expliqué Nonce Paolini. Le CSA a un rôle historique. Il doit faire en sorte que les engagements pris par Canal soient à la hauteur des dégâts considérables que son arrivée pourrait engendrer sur le marché." Rappelons que la chaîne cryptée a déjà pris des engagements devant l'Autorité de la concurrence mais, selon la Une, ils sont insuffisants. Les Sages devraient rendre leur copie mardi prochain lors de leur assemblée plénière hebdomadaire. Canal+ ambitionne de lancer D8, la nouvelle version de Direct 8 made in Canal, début octobre.