Interview
Norbert Tarayre : "Les Français n'ont pas de problème avec ceux qui réussissent"
Publié le 6 septembre 2013 à 15:20
Par Charles Decant
Ce soir, 6ter lance en prime time la troisième saison de "Norbert & Jean, le défi". L'occasion de discuter avec Norbert de la cuisine, de sa notoriété et de son avis tranché sur "Masterchef".
Norbert Tarayre en interview sur puremedias.com Norbert Tarayre en interview sur puremedias.com© Marie ETCHEGOYEN / 6TER
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Il n'a pas remporté la troisième saison de "Top Chef", mais en plus de se faire un nom - ou un prénom -, Norbert Tarayre a séduit le public par son franc-parler et son naturel parfois désarmant. Conscient de son potentiel, le groupe M6 l'a rapidement adopté et depuis l'an dernier, il est l'un des deux animateurs de "Norbert & Jean : le défi", désormais diffusé en première fenêtre en prime time sur 6ter, nouvelle chaîne du groupe. Ce soir, la chaîne en lancera la troisième saison et c'est à cette occasion que puremedias.com s'est entretenu avec le cuisiner et animateur.

Que gardez-vous comme souvenirs des deux premières saisons ?

Que du bon ! C'est une émission qui a été faite avec et pour nous. L'idée d'un binôme, à deux, un peu à la "Amicalement vôtre", ça s'est fait avec Jean et moi-même. Studio 89 et M6 ont validé totalement ce concept et je suis très heureux parce que ce n'est pas quelque chose qu'on a acheté.

Pour cette nouvelle saison, vous avez de nouvelles ambitions ? De nouveaux défis à relever ?

La base de l'émission, ce sont les défis qu'on nous propose, on n'a pas changé. Excusez-moi du terme, mais on ne s'est pas embourgeoisés. On a toujours le même budget sur l'émission, c'est ce qu'on a voulu. Parfois, quand une émission marche avec des petits moyens, c'est parce qu'on rentre plus dans l'humain que dans le technique, et c'est ce qu'on a voulu préserver. Je pense que l'émission a encore plusieurs saisons devant elle si on reste fidèle à ça.

Vous pensez que la cuisine est une matière sans fin pour la télévision ?

La cuisine a toujours tourné autour de la cuisine, et aujourd'hui on l'a agrémentée de suspense, de lieux, d'environnements, de découvertes... Je pense qu'aujourd'hui elle doit être chez les gens et inspirer les gens. Mais je pense sincèrement qu'elle a peut-être encore trois ou quatre bonnes années devant elle à la télé. La télé, c'est un éternel recommencement. Comme la musique, je pense qu'elle va retourner un peu dans l'ombre pendant un certain temps, avant de revenir. Je pense à la "Star Academy", "Nouvelle Star", "Popstars"... Ca a duré dix ans et c'est revenu après s'être estompé.

"Le prochain grand pâtissier, c'est trop technique"

En tant que téléspectateur, vous avez regardé les autres émissions ? Les boulangers, les pâtissiers, etc ?

Je suis un féru de télévision, je pense qu'il faut savoir de quoi on parle aussi. La télé, c'est comme la cuisine, il faut toujours être à la page. L'émission "Le prochain grand pâtissier" avec Michalak, c'est très bien, mais ça arrive trop tard. C'est très beau, mais ça sensibilise plus les professionnels que le public. C'est moins concernant, c'est trop technique. Les gens se doutent très bien qu'un dessert de pâtissier, ça coûte 15 euros la bouchée et 200 euros le gâteau. Ils ne sont pas dupes. Après, on le voit bien, on a eu du mal à redécoller sur le "Dîner presque parfait", qui a été une émission phare. Il y a "Top Chef", "Masterchef"... Au bout d'un moment, les gens en ont marre d'être pris pour des citrons !

Ca fait deux ans maintenant que le public vous connaît. Comment vivez-vous la notoriété ?

J'appréhende la vie de la même façon qu'avant. La seule différence, c'est qu'il faut faire attention à ce qu'on dit et aux prises de positions qu'on peut avoir. Moi, j'ai toujours eu deux principes : en télé, on ne parle pas de politique, et on ne parle pas de religion, comme ça on évite plein d'emmerdes. Du moment qu'on ne m'emmerde pas... Je n'ai pas cette gloriole de faire des clashs, je suis toujours content d'aller sur les plateaux, de vivre ma vie pleinement, avec ma famille. J'ai juste profité de l'argent que je gagne pour me faire soigner les dents et réparer ma Twingo qui est restée deux mois sur le parking. Beaucoup de garages m'ont demandé pourquoi je n'en choisissais pas une autre, j'ai répondu "Si je dois changer de voiture, je dois changer de bonne femme alors !". La Twingo marche toujours aussi bien, je n'ai pas envie de changer pour faire dans le clinquant !

Là vous parlez de l'aspect financier de la notoriété...

Oui, parce que quand vous êtes connu, des marques viennent vous voir, on gagne de l'argent. Moi, ma rémunération, je ne l'ai jamais cachée. Je gagne 3.500 euros par mois, c'est moi qui décide combien je touche, j'ai payé des impôts sur ma société cette année, ça fait mal. Je n'avais jamais goûté à la sodomie, là j'y ai goûté ! Et après il y a les impôts perso ! Donc il vaut mieux ne pas se verser des salaires fous et rester à la vie qu'on avait avant.

"J'ai racheté ma marque pour protéger mon prénom"

"Norbert et Jean : le défi", c'est une émission centrée sur vous et Jean. Votre prénom est presque devenu une marque... !

Pour tout vous dire, j'ai racheté ma marque sur l'INPI, pour éviter l'utilisation de mon prénom à mauvais escient. Déjà, parce que je le supporte depuis que je suis né et que ça n'a pas toujours été un cadeau. Aujourd'hui, Norbert, c'est plus facile à retenir que Cyril ou Alexandre. A la télé, il n'y a qu'un Norbert. Après, je ne protège pas mon image plus que ça. Je réponds à toutes les questions qu'on me pose, je ne me suis jamais caché de rien. Je pense que le meilleur moyen de ne pas avoir d'ennui avec la presse et le public, c'est de répondre le plus franchement possible, mais avec du tact.

Quel rapport entretenez-vous avec le public ?

Cette année, j'ai fait beaucoup de dédicaces. J'ai fait une sorte de vedettariat un peu inversé puisque je suis allé dans les centres commerciaux, normalement c'est réservé aux mecs qui sont un peu sur le déclin. Mais moi j'y suis allé, j'ai été voir les gens, j'aime les gens et je ne les juge pas selon leur profession.

En parlant de pub, on vous a vu dans des spots pour Danette, pour Intermarché...

Vous remarquerez que je ne fais que de la pub sur internet ! Je n'ai pas fait de pub Coca ou pour du produit vaisselle. L'argent, ça ne me fait pas transpirer. Internet, c'est bien, parce qu'il y a un tel flux d'images qu'au bout d'une semaine maximum, vous êtes oublié ! Par contre, à la télé, vous en avez pour six mois ou un an à voir votre gueule à 20h avec du liquide vaisselle ou à vendre de la bouffe. Ce n'est pas ce que je voulais faire.

"Personne ne me reproche de réussir !"

La pub la plus inattendue qu'on vous ait proposée, c'est quoi ?

C'est de la lessive. J'ai refusé. Même si le cachet était intéressant. Je n'ai pas envie de faire comme les autres ! Intermarché, j'ai accepté de le faire parce que c'était une parodie d'un monsieur que j'aime beaucoup, Gérard Depardieu. J'ai fait Milka parce que la vache Milka fait partie de mon adolescence. Et Danette, je n'étais pas sûr au début parce que je ne vais jamais au clash. Mais là, j'ai été coaché pendant une heure et j'ai joué la comédie, le résultat est beau et les gens ont bien compris que ce n'était pas dans mon tempérament de m'énerver. Quand on joue la transparence avec le public, tout se passe bien.

C'est-à-dire ?

Quand on rencontre les gens, qu'on n'a pas envie d'être différent d'eux, ils acceptent tout. Les Français n'ont pas de problème avec ceux qui réussissent, mais ils n'aiment pas être snobbés surtout par ceux qu'ils ont aidé à réussir. Dans la rue, les gens sont contents de venir m'aborder ! Personne ne me reproche de réussir.

Dans la cinquième saison de "Top Chef", la production va faire revenir des anciens. Ca vous concerne ?

Moi je reviens mais pour une apparition, pas en tant que candidat.

Et vous pensez que c'est une bonne idée ?

Moi cette émission je la trouve très intelligente à partir du moment où on parle de cuisine et où on parle d'anonymes. Le but de "Top Chef" est de faire découvrir des anonymes. Mais j'approuve tout à fait le fait qu'ils fassent revenir d'anciens candidats, qui ont beaucoup de courage. Parce que revenir après avoir après avoir eu un 'rang' dans Top Chef - que ce soit premier, cinquième ou huitième - et remettre son titre en jeu face à des anonymes qui, eux, n'ont pas le "niveau" de "Top Chef", c'est se remettre en danger et forcément c'est une prise de risque que j'approuve.

"Je pense que "Top Chef 4" a souffert de la comparaison avec la saison 3"

Du coup vous serez devant votre écran pour regarder la saison 5 ?

Je n'ai pas vu la saison 4, je n'ai pas eu le temps. La prise de position qu'a eue le public et l'acharnement qu'il y a eu sur certains candidats, je pense que la saison 4 a souffert de la comparaison avec la saison 3. Dans la technique de la cuisine c'était parfait, mais dans l'état d'esprit c'était plus : "Je veux sortir de Top Chef en faisant quelque chose à la télé". C'est ça qui m'a un peu déçu. Tout n'était pas naturel. Les candidats étaient moins généreux puisqu'ils maîtrisaient leur image. Le "Top Chef" 5, ça va être du grand naturel puisqu'on a des anciens qui maîtrisent ce côté télé, et on a des nouveaux qui veulent détrôner les anciens donc c'est ça qui est beau !

Qu'est-ce qui fait la force de "Top Chef", selon vous ?

Ce sont les deux premières saisons qui m'ont fait devenir ce que je suis. Si les candidats viennent, c'est parce que derrière, le professionalisme des cuisiniers se retrouve beaucoup en eux comme moi je me suis retrouvé dans mes prédécesseurs. "Top Chef" ne fait que relater une transmission d'envie de cuisiner, c'est ça qui est beau.

C'est très différent de "Masterchef" ?

"Masterchef", c'est comme si moi demain je me mettais à devenir amateur plombier ou amateur menuisier... C'est évocateur de connerie ! Parce que vous allez donner des idées à des gens qui ont trente cinq ou quarante ans, qui sont en place, de foutre en l'air ou d'ébranler une stabilité qu'il y a dans leur famille pour se lancer. Et vous remettez tout en cause pour une émission de télé ! Je rencontre pas mal gens, et pas mal de personnes m'envoient des messages sur Facebook pour me dire : "J'ai vu qu'à Masterchef, ils arrivent à faire un mille-feuilles. Moi aussi j'y arrive donc je vais me mettre dans la cuisine". Voilà, ça c'est évocateur de grosse connerie.

"Après "Masterchef", il n'y en a pas un qui réussit !"

Mais ceux qui y participent, généralement ce sont ceux qui réussissent par la suite à avoir leur restaurant et à produire des choses...

Il n'y en a pas un qui réussit ! C'est faux ! La cuisine, il faut la vivre. Quand j'étais cuisinier, mon métier prenait toute la place. Combien de fois j'ai perdu des petites amies, des amis... Le lien social, vous le perdez, vous vous faites insulter, vous vous faites gravement tabasser la gueule entre collègues et par votre chef... Vous en transpirez, vous n'en dormez pas la nuit, c'est pour vous dire ! Vous en souffrez de cette cuisine. C'est comme un sportif qui souffre à l'entraînement, nous c'est pareil... Et pour être payé des clopinettes ! On ne peut pas laisser croire aux gens amateurs que vous allez devenir autodidacte.

C'est votre cas pourtant...

J'ai été autodidacte dans ma vie et j'ai joupé deux restaurants. Ça me coûte une blinde ! Je dois encore 26.000 euros à la banque. Alors ceux qui croient qu'en faisant une émission de télévision comme "Masterchef", on peut prétendre à devenir chef de cuisine... Excusez-moi mais je me tape des barres ! Franchement, je suis le mieux placé de tous les autres candidats, en tant qu'amateur et en plus autodidacte, pour leur dire : "Arrêtez les gars, vous avez rêvé".

Donc vous ne regardez pas la saison 4...

"Masterchef", c'est toujours agréable à regarder parce qu'il y a une compétition mais je connais très bien les coulisses maintenant. Je me doute très bien que sur les premières, ils ne tournent pas en une heure. L'épreuve ne dure pas une heure mais trois heures... On s'en doute tous ! Quand j'ai fait "Top Chef", je voyais plein de candidats qui se loupaient, qui ne savaient pas sortir une assiette en une heure. Vous imaginez bien que des amateurs ne vont pas mettre une heure à faire quatre ou cinq assiettes, mais plutôt trois heures ! Et c'est fait au montage. Donc je ne peux pas laisser dire que "Masterchef" est une révélation pour des gens qui veulent faire ce métier. Par contre pour des gens qui sont en réinsertion et qui ont besoin de bouffer, oui l'hôtellerie est un métier intéressant. Mais de là à dire qu'on peut devenir chef à 45 ans sans avoir jamais fait ce métier, c'est une hérésie totale.

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