Partenariat. Le premier est solitaire, le deuxième chasse en meute. L'un est aussi taiseux et bonhomme que l'autre est volubile et tranchant. Les deux ont néanmoins le même goût de la poudre et sont considérés comme les plus célèbres figures du journalisme d'enquête français. Pendant près de trente ans, Pierre Péan et Edwy Plenel se sont croisés et beaucoup affrontés. Dans le cadre de sa collection "Duels", madelen, la plateforme de l'INA, propose de revenir sur les destins croisés de ces deux hommes via un documentaire passionnant baptisé "Pierre Péan-Edwy Plenel : Les chevaliers du journalisme français".
Signé Jarmila Buzkova, ce film de 52 minutes de 2014 retrace l'opposition de forme et de fond de ces deux Don Quichotte de l'investigation. Grâce aux témoignages de certains de leurs compagnons de route, il rappelle les premiers scoops des deux journalistes, de l'affaire Bokassa pour Péan à celle dite des "Irlandais de Vincennes" et du Rainbow Warrior pour Edwy Plenel. Une dernière affaire sortie à la Une du "Monde" sur la foi d'une seule source, au culot, par un Edwy Plenel qui impose à la profession "la vitesse de l'information". Rejetant cette course à l'actualité chaude, Pierre Péan préfère, lui, labourer ses sujets dans la longueur et en solo.
Après plusieurs escarmouches, le véritable duel entre les deux hommes commence en 1994, lorsque Pierre Péan sort "Une jeunesse française", un livre sur les premières années de François Mitterrand évoquant notamment son passé vichyste. Edwy Plenel fait lui-même la critique du livre dans "Le Monde", se focalisant uniquement sur cet épisode peu glorieux, au plus grand dam de Pierre Péan, qui voulait au contraire montrer dans son livre la conversion du président de la République de l'époque aux idées de gauche. La rupture entre les deux journalistes est consommée. Alors que l'intrépide Edwy Plenel devient un puissant directeur de la rédaction du "Monde", son rival prépare sa revanche.
Elle prendra la forme d'un livre intitulé "La face cachée du 'Monde'" (2003), qui pilonne la direction du quotidien "de référence", et notamment Edwy Plenel. "Un tissu de calomnies !", s'étrangle celui-ci à l'époque, avant d'être emporté par la déflagration et forcé de quitter son journal en 2004. En 2007, la star déchue parviendra finalement à rebondir en fondant "Mediapart", dont le succès n'a plus jamais été démenti. "Le journalisme d'aujourd'hui a la patte de Plenel. Je suis obligé de le constater même si cela ne me fait pas toujours plaisir", reconnaît d'ailleurs à la fin du film Pierre Péan, dont la mort en 2019 met un terme définitif au duel des deux chevaliers du journalisme français.
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