Un vendredi soir de la fin du mois de septembre à la Capelette à Marseille. C'est dans une zone industrielle que la production de "Plus belle la vie" s'est installée le temps d'une soirée pour les besoins du prochain prime time du feuilleton quotidien de France 3 dont la diffusion aura lieu ce mardi 30 novembre. Le 27e prime depuis la création de la série. Nom de code ? "Black out". Au coeur de l'intrigue de cet unitaire, une coupure d'électricité géante qui va affecter pendant plusieurs jours Marseille et ses environs. Et mettre à rude épreuve la capacité d'adaptation et de solidarité de chacun. Dans sa note d'intention, Pierre Monjanel, le directeur d'écriture, l'a également pensé comme un hommage "à tous ceux grâce à qui le système continue de fonctionner malgré la crise". La place du Mistral sera également mise en avant au cours de cette soirée.
Une métaphore de la crise sanitaire. C'est d'ailleurs en raison de l'épidémie que seul un prime de "Plus belle la vie" sera diffusé cette année, contre deux habituellement. A la Capelette, même si la fiction s'annonce une fois de plus chorale, la vedette de la soirée est bel et bien Stéphane Henon, alias Jean-Paul Boher. Un des piliers de la fiction quotidienne qui a fait ses premiers pas dans la peau d'un flic en 2006 après avoir été casté pour le rôle d'un... agent immobilier. Il est près de 20h ce vendredi et l'acteur s'apprête à débuter une soirée et même une nuit marathon : huit séquences à mettre en boîte. La fin est prévue au plus tard à 6h du matin, soit près de neuf heures de mise en place et de tournage - une heure est dédiée à la pause repas - pour enregistrer 5'30 minutes utiles, autrement dit, des minutes qui pourront être exploitées à l'écran. La veille, les équipes ont été mobilisées sur un autre gros tournage à l'extérieur de Marseille. Là-aussi, beaucoup de séquences à caler en peu de temps.
Au milieu de la zone industrielle marseillaise, une impressionnante file de voitures. La majorité des séquences ce soir-là vont concerner un carambolage dans lequel va être impliqué Jean-Paul Boher. Dans le prime, son personnage, en tenue de cérémonie, s'apprête à aller recevoir son titre de capitaine quand tout va basculer... Un costume de cérémonie que le comédien a tenu à conserver pendant toute l'intrigue. "La priorité de Jean-Paul, c'est de retrouver sa femme, pas de se changer", confie Stéphane Henon. Léa (Marie Hennerez) est en effet coincée en pleine nature alors qu'elle risque d'accoucher à tout moment. Son compagnon va donc tout mettre en oeuvre pour tenter de la rejoindre.
Ce soir de septembre, la première scène à être tournée avant la pause repas est ce qu'on appelle dans le jargon du "rouling", autrement dit une scène en voiture, peu habituelle dans la fiction quotidienne où les personnages évoluent le plus souvent à pied. Trois véhicules sont mobilisés pour cette séquence au cours de laquelle Jean-Paul Boher appelle sa compagne. L'occasion de constater que Stéphane Henon est ce qu'on appelle un acteur "instinctif". "J'apprends le texte sur le moment", souligne-t-il. Le directeur d'acteurs n'est autre que son frère, Eric, qui officie à ce poste depuis déjà deux ans, à la suite de Richard Guedj.
Si son personnage sera stressé tout au long du prime, Stéphane Henon affiche lui une tranquillité à toute épreuve, n'hésitant pas à plaisanter aussi souvent que possible avec les membres de l'équipe, y compris la grande ordonnatrice de ce barnum, la réalisatrice Marion Lallier, qui signe là son deuxième prime pour "Plus belle la vie" après celui autour de l'effondrement d'un gymnase en 2019. "Elle sait exactement ce qu'elle veut. Elle ne laisse rien passer", commente, admiratif, Stéphane Henon. Au cours de la soirée, une figurante qui suggère une modification concernant son placement se verra rétorquer avec amabilité, mais fermeté : "Tu fais ce que je te dis s'il te plaît".
Ce soir-là, pas moins de 25 figurants ont été appelés par la production pour incarner qui des automobilistes, qui des policiers ou des pompiers. Ils sont encadrés par deux chefs de file, Fabienne et Bruno, qui n'hésitent pas à inventer de petites histoires dans l'histoire pour aider ces figurants - nouveaux ou réguliers - à mieux entrer dans leurs personnages. Pas évident en effet de se projeter quand on ne porte pas de nom et qu'on n'a aucune réplique à prononcer à l'écran... Certains ont prêté leur propre véhicule pour la scène du carambolage tandis que la production a fait venir des voitures de la casse pour les impacts. Avec en prime, un cascadeur, Bruno Legris, qui assure à la fois le rôle de régleur - il assiste la réalisatrice sur les cascades - et donc de cascadeur.
A la pause repas, Prudence Leroy, qui joue le rôle de Fanny et participe aussi à ce prime, vient échanger quelques instants avec Stéphane Henon. Ils auront trois séquences en commun pour leurs premières vraies scènes ensemble. Dans la quotidienne, ils s'étaient seulement croisés une seule fois au café dans lequel Fanny est serveuse. "Alors, tu vas t'évanouir ?", la taquine le comédien en référence à une des scènes. Alors que la jeune femme doit s'éclipser pour partir au maquillage, Stéphane Henon précise en vieil habitué, mais pas blasé pour autant : "J'ai joué beaucoup de choses dans 'Plus belle'. J'ai même accouché d'une pizza (en rêve, ndlr) ! Il n'y a pas beaucoup de films où on propose ça".
Après 16 ans passés dans la peau d'un même personnage, aucun signe de lassitude ne semble guetter le comédien. "Ma priorité, c'est 'Plus belle la vie'. Je suis très heureux, j'aime cette équipe", affirme-t-il, conscient de sa chance de pouvoir tourner dans la série quotidienne 100 jours par an, tout en pouvant participer à des projets coups de coeur en parallèle.
Retour au milieu des figurants. Alors que les prises s'enchaînent pour filmer au mieux un accrochage entre deux véhicules, ceux-ci patientent et font connaissance entre eux. Un motard est au sol, en train d'être maquillé pour les besoins d'une blessure au genou. "Pas trop de sang ! On est sur France 3 !", précise Marion Lallier, la réalisatrice. Le motard, lui, s'inquiète pour la batterie de sa moto et demande à un collègue figurant d'éteindre ses phares entre deux prises.
Il est déjà près de 2 heures du matin. Café et bonbons circulent pour redonner de l'énergie à toute l'équipe. La réalisatrice est accompagnée de Stéphane Henon et Prudence Leroy pour mettre au point les déplacements de la prochaine séquence au milieu des véhicules immobilisés. Mais les engins ne sont pas les seules victimes de la soirée : certaines répliques ne collent pas et Marion Lallier n'hésite pas à les faire modifier. "Cette séquence est un modèle d'écriture !", commente-t-elle non sans ironie. Un peu plus tôt, Stéphane Henon et elle ont convenu de faire sauter une autre réplique qui voyait Boher demander à Fanny : "Vous travaillez au Marci vous, non ?" (nom du café du Mistral dans la fiction, ndlr) alors même qu'il venait d'emboutir un véhicule et que celle-ci lui signalait des blessés... "Il y a trop d'action ! Les scénaristes ne sont pas habitués", observe entre deux prises un Stéphane Henon indulgent.
Quelques heures plus tôt, pendant la pause repas, il estimait : "C'est important d'avoir le texte en bouche. Souvent, quand nous les comédiens on bute deux ou trois fois sur une phrase, c'est qu'elle est trop écrite ou pas assez bien écrite". Et d'ajouter : "Les auteurs ne sont pas forcément des comédiens. Il y a des moments où ils écrivent un peu trop. Mais ils connaissent tellement bien mon personnage qu'ils écrivent quasiment comme je parle à présent".
Ce nouveau prime de France 3 promet de se distinguer par la multitude de ses décors - le tournage s'est déroulé dans le pays aixois et à Toulon - et par un nouveau point de bascule pour la fiction qui fait les belles heures de la chaîne depuis 17 ans. "Il y aura un avant et un après", commente-t-on au sein de la production. "Ce sera chargé en émotion", promet Stéphane Henon. Pour puremedias.com, il est temps de quitter les lieux. Il est plus de 2h30 du matin et la nuit est loin d'être terminée pour toute l'équipe.