"La France est fière de vous. La fiction a un vrai rôle à jouer pour faire évoluer les mentalités". Ces mots ont été prononcés jeudi dernier par Elisabeth Moreno. La ministre chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances était en déplacement ce jour-là dans le Gard, sur le tournage d'"Ici tout commence" pour échanger avec la production et les comédiens, notamment Nicolas Anselmo, interprète d'un personnage non-binaire et pansexuel. Une reconnaissance pour les équipes du feuilleton produit par Newen qui célèbrera ce soir son 100e épisode, exceptionnellement diffusé à partir de 18h.
Succès d'audience pour TF1 depuis le 2 novembre, il a pour cadre une école hôtelière fictive du sud de la France et pour têtes d'affiche Clément Rémiens, Vanessa Demouy et Frédéric Diefenthal. Si "Ici tout commence" a d'emblée su trouver son public, la production a pour sa part mis un peu de temps à arrêter la meilleure manière de développer ses intrigues et de se différencier de son illustre aînée, "Demain nous appartient", dont elle est dérivée.
Le premier ouf de soulagement est intervenu lors des premières semaines de diffusion lorsqu'une étude qualitative commandée par la première chaîne a révélé que le public adhérait bien à l'univers de la gastronomie placé au coeur du feuilleton. Mais pour les auteurs, cette intégration s'est révélée plus complexe que prévu. "Au début, nous avions l'impression que la cuisine à l'écran ne s'intégrait pas forcément bien dans les histoires. Nous avons un peu freiné là-dessus, confie Sarah Farahmand, la productrice, jointe il y a quelques jours par puremedias.com. Mais vu l'engouement du public, nous nous sommes repenchés dessus. Nous avons fini par trouver notre style".
La recette ? Des intrigues culinaires qui nourrissent les personnages et permettent d'en apprendre plus à leur sujet. C'est ainsi que prochainement dans les intrigues, Maxime (Clément Rémiens) et Salomé (Aurélie Pons) vont devoir apprendre à cuisiner ensemble devant des clients. Un exercice qui va faire naître des tensions entre eux. Il y aura donc plus de cuisine dans les épisodes à venir, avec notamment un focus sur la cuisine du futur.
Lors de son lancement en novembre dernier, "Ici tout commence" avait pour tête d'affiche un certain Francis Huster. Un grand nom pour attirer le grand public, mais un personnage dont la mort - intervenue fin décembre - était prévue dès le départ par les auteurs. Le risque ? Que le public se fasse la malle à cette occasion. Il n'en a rien été, pour le plus grand soulagement de Sarah Farahmand : "On voulait montrer qu'on était capable de tuer un personnage interprété par un comédien aussi connu", se félicite-t-elle. Le retour de Francis Huster, sous forme par exemple de vidéo exhumée par un membre de l'institut Auguste Armand, où se déroule l'action, n'est pas prévu à moyen terme.
La force d'"Ici tout commence" vient également de personnages comme Eliott (Nicolas Anselmo) ou Hortense (Catherine Davydzenka) qui chacun à leur niveau - la jeune femme se démarque par son côté lunaire - cultivent leurs différences et sont plébiscités par le public. Louis (Fabian Wolfrom), autre maillon fort de la bande, sortira de l'hôpital psychiatrique où il est interné dès le début du mois d'avril. La promesse de nouvelles intrigues qui déborderont du cadre scolaire.
"Ici tout commence" a en effet eu droit dès le mois de janvier à son épisode "catastrophe", avec une explosion criminelle qui a gravement blessé aux mains le personnage joué par Clément Rémiens. Les téléspectateurs ont aussi pu découvrir au fil des épisodes une prison, un hôpital et même un personnage de gendarme. Autant d'éléments que la production assurait pourtant au départ ne pas vouloir montrer à l'écran pour éviter la comparaison avec les autres feuilletons existants... "Faire un soap sans hôpital, sans malades, sans accidents, c'est un peu compliqué", admet Sarah Farahmand, tout en se défendant : "Ce ne sont ni des décors récurrents, ni des décors identitaires comme dans 'Demain nous appartient'. Nous n'avons pas de personnages qui y sont rattachés".
Doit-on pour autant s'attendre dans le futur à voir apparaître un décor de caserne de gendarmerie, pour éviter que l'enquêteur récurrent ne soit contraint de toujours mener ses interrogatoires dans le bureau du proviseur ? "Il ne faut jamais dire jamais, mais nous voulons laisser le côté polar à 'Demain nous appartient' car on ne fera jamais aussi bien", assure la productrice. Difficulté supplémentaire par rapport au feuilleton diffusé à 19h10 : les arches narratives sont ici développées sur deux à trois semaines contre le double pour "DNA", ce qui demande donc des efforts supplémentaires pour tenir en haleine les téléspectateurs.
Et les passerelles entre les univers de "Demain nous appartient" et "Ici tout commence" resteront limitées. "On ne veut pas le faire pour le marketing. Si on le fait, c'est qu'il y aura une bonne histoire", résume Sarah Farahmand
Ce sont actuellement les épisodes prévus pour le mois de mai qui sont tournés dans le château et sur son domaine de trois hectares, qui servent d'écrin à la série. La trentaine de scénaristes à l'oeuvre planche pour sa part sur les épisodes de cet été. Avec un nouveau défi à la clé, celui d'imaginer des histoires alors que les élèves de l'institut Auguste Armand seront en vacances. Faut-il s'attendre à davantage d'intrigues hors les murs ? Pour l'heure, la production préfère rester discrète sur le sujet. "Le feuilleton sera bien à l'antenne cet été, assure Sarah Farahmand. Nous avons trouvé comment occuper nos personnages. L'idée n'est pas de perdre le public pendant cette période".
Passé ce nouveau défi pour les scénaristes, il sera temps de se pencher sur la saison 2, avec cette question centrale : "Comment réussir à se renouveler dans un lieu clos et à multiplier les intrigues comme on l'a fait cette année ?", résume la productrice. Selon elle, cinq pièces du château restent inexploitées et le vaste domaine qui l'entoure offre encore un terrain de jeu prometteur. "Nous voulons pouvoir tout le temps surprendre le public, même au niveau des décors".
Il est donc envisagé de construire une nouvelle structure sur place, toujours dans le but de servir l'intrigue. De nouveaux personnages feront aussi leur apparition, mais là-aussi, rien ne doit filtrer. Enfin, le développement d'un prime time autour d'"Ici tout commence" n'est pas à l'ordre du jour... pour le plus grand soulagement des équipes sur place. "On ne rêve pas de ça tous les jours", affirme Sarah Farahmand, qui rappelle : "Un prime est très compliqué à écrire. Et si ça fait, il faudra que ce soit aussi bien que la quotidienne".