Au mois d'août dernier, un scandale a secoué la petite ville de Steubenville dans l'Ohio, qui compte un peu moins de 20.000 habitants. Une jeune fille de 16 ans a été droguée et violée à plusieurs reprises par au moins deux lycéens, membres de l'équipe de football américain de leur école. Un drame qui a logiquement donné lieu à des poursuites judiciaires contre ces deux lycéens et ce week-end, le verdict a été rendu. Les deux adolescents resteront au moins un an en prison et seront désormais répertoriés en tant que délinquants sexuels jusqu'à la fin de leur jour.
Un verdict qui a évidemment été suivi par les médias et notamment CNN, qui avait dépêché sur place la reporter Poppy Harlow à l'extérieur du tribunal pour couvrir en direct l'événement. Mais depuis plusieurs jours, l'attitude et les mots choisis par la journaliste pendant son duplex sont pointés du doigt par des téléspectateurs et des médias, qui estiment que Poppy Harlow a lourdement insisté sur l'effet de cette condamnation sur la vie de ces deux jeunes gens, en oubliant totalement d'évoquer la victime de ce viol à répétition.
"C'était très émouvant de voir ces deux jeunes hommes, qui avaient un avenir si prometteur, stars de leur équipe de foot, et qui ont vu leur vie s'effondrer sous leurs yeux", commence ainsi la reporter, qui évoque donc son ressenti lors de l'annonce du verdict. Elle explique à quel point l'un d'eux était abattu pendant la lecture du verdict, qu'il s'est effondré en larmes dans les bras de son avocat quand il a entendu sa condamnation, et note qu'il a présenté ses excuses lors du procès. Puis, elle explique que l'un des deux accusés a eu une enfance difficile et qu'au cours du procès, son père s'est levé dans la salle d'audience pour dire qu'il se sentait responsable des actions de son fils. Poppy Harlow indique ensuite que le père du jeune homme s'est approché de lui et, pour la première fois de sa vie, lui a dit qu'il l'aimait.
Puis, de retour en plateau, la présentatrice du journal appelle un expert pour l'interroger sur l'impact qu'aura ce verdict sur la vie de ces deux jeunes garçons... "Le fait qu'ils soient désormais considérés comme délinquants sexuels va les hanter pour le reste de leur vie. Des employeurs potentiels le sauront. Quand ils déménageront, les voisins le sauront, ce genre de choses est posté sur internet", note l'expert. Mais à aucun moment le traumatisme de la victime n'est évoqué, et son existence est presque omise de tout l'échange, qui dure plus de six minutes sur la chaîne.
C'est cette étonnante bienveillance envers ces deux violeurs condamnés qui a agacé les médias et les observateurs américains, ainsi que de nombreux téléspectateurs qui ont même lancé une pétition en ligne, demandant des excuses de la part de la chaîne. "Votre couverture du procès est un scandale et une violation de l'éthique journalistique", note ainsi un certain Gabriel Garcia, qui a lancé la pétition en ligne, désormais signée par 230.000 personnes. Pour l'heure, CNN n'a pas présenté ses excuses mais en interne, plusieurs sources ont indiqué à d'autres médias américains que la reporter était très affectée par la polémique. "Elle est choquée qu'on puisse croire qu'elle a voulu (soutenir les coupables), tout ça a pris une ampleur incroyable", note cette source interne.
Cette polémique rappelle celle qui a récemment entouré le documentaire consacré à Mohammed Merah et diffusé sur France 3. Un an presque jour pour jour après les tueries de Montauban et Toulouse, les familles des victimes n'ont pas apprécié qu'un coup de projecteur soit mis sur l'assassin de leurs proches, et que le documentaire humanise ce tueur. Leurs avocats avaient même demandé la déprogrammation du reportage, sans succès. "Est contestable tout ce qui contribue à rendre humain quelqu'un qui (pour nous), a eu une attitude ignoble et qui n'est pas une attitude humaine", avait ainsi noté Ariel Goldmann, l'avocat de la famille Sandler.