France 24, la "voix de la France", doit elle dénoncer l'État islamique qui s'implante en Irak et exécute des otages occidentaux ? C'est en tout cas ce que souhaite Marc Saikali, le directeur de la chaîne internationale française. Le week-end dernier, celui-ci a envoyé un e-mail à sa rédaction les enjoignant de "prendre position" contre les djihadistes.
Dans ce mail, dont Arrêt sur Images a reçu une copie, il demande à ses journalistes de "prendre ouvertement parti contre ces barbares". "La ligne éditoriale de la chaîne est claire : ce sont des terroristes et des barbares. (...) Je vous demande donc de veiller à chaque mot, chaque plan. Les images que nous diffusons avec des drapeaux noirs flottant au vent et de jeunes gens en pleine santé doivent obligatoirement être soumises au synthé : vidéo de propagande. Y compris en arabe", a écrit Marc Saikali.
Le patron de la chaîne demande également à ses équipes de veiller aux propos des invités dans les émissions de débats. "Je ne veux plus voir un seul crétin qui justifierait les actions de ces sauvages sous prétexte politique sunnite ou chiite. Pour une fois, il y a les gentils et les méchants ! Eux, sont les pires ennemis de notre civilisation. Nous allons devoir gérer leur existence pour au moins cinq ans", ajoute-t-il avant de menacer de sanctions les dérapages. "Au moindre dérapage, je serai intransigeant. Notre devoir est de lutter contre eux. Tout le temps. Avec au moins 43 millions de téléspectateurs, nous avons une responsabilité immense", continue-t-il.
Cet e-mail a beaucoup agacé la Société des journalistes de RFI. "Ces propos vont totalement à l'encontre des règles de déontologie de base enseignées en première année d'école de journalisme, et nuisent gravement à la réputation de France Médias Monde et à celle des journalistes du groupe qui sont, eux, guidés par ces mêmes règles", se sont-ils indignés avant d'organiser hier un débat au sein de la rédaction. Dans un communiqué, la direction a tenu à rappeler son "attachement aux valeurs démocratiques et déontologiques", précisant que ses journalistes devaient exposer et analyser des faits "sans parti pris et en veillant avec une extrême vigilance à ne pas être l'objet de manipulations".