Que retenir de cette année médiatique ? Pour la cinquième saison, puremedias.com propose sa série d'interviews des personnalités du PAF, qui vous livrent leurs coups de coeur et coups de gueule. Au tour de Claude Askolovitch, journaliste sur France Inter, Arte et "Slate".
La personnalité médiatique de l'année ?
En 2016, il attrapait les femmes par le pussy mais c'était une vieille histoire, des propos volés, de sales blagues que ses ennemis avaient déterrées contre lui. En 2017, il a produit ses propres saloperies, mais délibérément, et cela fait du bruit et du bruit encore, il retweete les messages islamophobes d'une fasciste britannique, il vomit la presse libre, il menace la Corée du Nord des feux de l'enfer, parfois même il est drôle, ce salopard, quand il dit que Kim Jong-Un est un petit gros, et ce mec est plus fort que nous, qui nous offusquons de sa laideur, ça nous occupe, ça nous obsède, ça nous envahit... Fuck Donald Trump on my mind...
La personnalité politique de l'année ?
Fuck him. Fuck Donald Trump. Voir plus haut. Le type qui ratiboise les quelques politiques vertes mises en place sous Obama, balance la COP 21, réinvente une Amérique hostile au monde et confite en son égoïsme d'inculte, qui ne voit pas la différence entre des nazis et des antifascistes, le type qui tend un miroir hideux à notre époque et rend dérisoire nos bonnes volontés, et qui fait de la Chine, de la Chine ! Par contraste, l'espérance de la planète, si ce n'est pas un politique, ça...
Le coup médias de l'année ?
Sérieusement les enfants... Je n'en sais fichtre rien. Drahi qui prend les droits du foot, ça compte ?
Le mensonge médiatique de l'année ?
Franchement les copains. Je n'en sais fabuleusement rien.
L'émission télé de l'année ?
"28 minutes". Vous voulez vraiment que je vous dise pourquoi ? Parce qu'on essaie chaque jour d'être dans et de l'actualité en échappant à la narration stupide ou mécanique ou vulgaire que l'on trouve sur (just name it) ou (devinez) ou encore (vous ne croyez pas que je vais me fâcher avec des consoeurs ou frères pour une notule dans Pure Médias ?)... Et sérieusement aussi, parce que c'est une émission dirigée par des femmes, UNE productrice, Sandrine Beyne, UNE meneuse de bande, Elisabeth Quin, UNE chevau-léger, Nadia Daam, où les mâles blancs quinquagénaires ou quadra sont en deuxième rideau, respectés, faut pas croire, mais en second rideau quand même, ou (mieux que) remplaçants de luxe façon Renaud Dely... Plus. Nous autres tostéronés travaillons ensemble en dépit d'opinion ou de philosophies absolument divergentes, et dépassons cela... Entre, par exemple, Roquette, Dely, Tremolet, ma pomme, sur la droite, la gauche, la laïcité, l'identité, il pourrait y avoir des abîmes... Mais l'alchimie de l'émission les dialectise. What else ? Que si j'avais du blé, genre vraiment, je produirais les chroniques de Saltiel et Mauduit pour mon compte et j'en ferais des "restas" de youtube, et j'en assurerais mes vieux jours.
L'émission radio de l'année ?
La matinale d'Inter. Vous voulez que je vous dise pourquoi ? Parce je peux en parler, j'en suis, parce que que le hasard des chaises musicales m'a donné la chance, à 54 berges, d'être dans une aventure rare, une autre alchimie, une matinale de radio qui évite depuis des années la plupart des pièges du temps, et c'est un grand luxe de monter sur ce bateau. Plus, je regarde, au premières loges, le Mohamed Ali des ondes, ben oui. Demorand, c'était le môme surdoué des matinales radio, il raflait tout minot, Cassius Clay, vole comme un papillon, pique comme l'abeille, puis il est parti faire d'autres trucs, et il revient là, tout mur et pareil mais tout mur, et il reprend la quête, comme Mohamed Ali après l'éclipse, il a les mêmes gestes mais il sait faire un rope-a-dope si ça chauffe, et voilà, Nico Boma Yé, Nico Boma Yé !
Le dérapage médias de l'année ?
Un débat de journalistes, pris au hasard, sur une chaîne, prise au hasard, sur n'importe quel sujet mais de préférence la politique, prise au hasard, quand on blablate et on n'en sait rien, quand on parle du petit milieu et plus des gens, quand on croit que le bavardage fait partie du métier, ce que l'on nous impose, ce que je fis, ce que l'on fait. Un dérapage, petits gars, c'est tous les jours, nos habitudes. Sinon, un joli, tout récent, les caméras qui enregistrent et ronronnent quand le gentil Président Macron fait la leçon à une sans-papier marocaine, et pas un journaliste ne va aller interroger cette dame pour en savoir plus...
Le flop TV/radio de l'année ?
Une quinquagénaire dont le père avait mauvaise réputation se serait ridiculisée un soir de printemps de l'entre-deux-tours de la présidentielle en poussant des borborygmes illustrés de gestes vaguement inquiétants.
Le/la journaliste de l'année ?
Elisabeth Quin, vous croyez quoi, et pas seulement parce qu'elle est à moi, mais parce que je n'en vois pas d'autres, qui interrogent ainsi l'actualité en frémissant de culture, une culture rentrée, celle que l'on n'exhibe pas pour ne pas déranger mais qui vous leste, que l'on ressent, qui sort parfois, comment s'en empêcher, et donne une autre dimension à la banalité des moments, et rien n'est plus banal justement, par ce décalage, par ce doute que protègent mille flèches et traits d'esprits, cette année et encore l'an prochain.
L'animateur/animatrice de l'année ?
Je vous dirais bien Elisabeth Quin encore, mais il parait que "journaliste" est plus coté qu'animateur/trice? Sinon, si on s'en fiche, parce qu'Elisabeth anime justement, elle donne vie, on transfère la réponse précédente ici. Et pour la journaliste, on dirait alors Elise Lucet, pour les enquêtes, certes oui, mais pour ce qu'elle incarne désormais, un journalisme simplement nécessaire que chacun sait menacé, par la pingrerie budgétaire ou l'impatience des puissants, et elle mobilise sur son nom, son équation, quelque chose qui la dépasse: elle anime, donc, aussi, un truc impalpable, la conscience démocratique.
La personnalité qui marquera 2018 ?
Nadia Daam. Je l'ai connue jeune et jeune elle est encore mais plus tant que ça, différemment plutôt, elle sait. Il y a des moments dans la vie d'une femme où les équations se rejoignent, et ce qu'elle a construit, ce qu'elle écrit, ce qu'elle défend, ce qu'elle rejette, rencontre les combats que l'on sait, des femmes mais pas seulement, des générations qui refusent que le destin leur échappe, les refus qui animent la société... Et ce n'est pas un hasard si des anonymes vindicatifs de l'internet mâle et boutonneux s'en sont pris à elle, pas un hasard si la société journalistique a réagi, unanime, en solidarité... Evidemment, je parle encore d'une copine et collègue, et tout ceci est suspect, mais je ne fais pas semblant au moins et regardez bien, bonnes gens, ce qui cristallise, regardez... Et puis, "si je ne suis pas pour moi, qui le sera", disait le sage Hillel.