C'est bien connu : l'union fait la force. Dans une longue interview accordée à nos confrères du "Figaro", Gilles Pélisson et Nicolas de Tavernost, patrons respectifs de TF1 et M6, font front commun pour adresser leurs suppliques à Franck Riester, tout nouveau ministre de la Culture. Une intervention médiatique plutôt rapide - preuve que les deux dirigeants n'ont pas de temps à perdre pour mener à bien le lobbying - puisque ce fin connaisseur de l'audiovisuel public et de sa réglementation, qui aura en charge de porter la grande réforme du secteur l'an prochain, a été nommé seulement mardi.
L'interview des deux dirigeants est l'occasion pour eux de faire entendre, une fois encore, leurs nombreuses doléances et de rappeler au ministre leurs attentes. Toutefois, rien de bien neuf sous le soleil dans le discours des deux patrons, qui se plaignent régulièrement dans leurs interventions d'être pénalisés face aux GAFA. "Comment voulez-vous que nous investissions dans l'avenir, quand on nous prélève la moitié de nos résultats ? Et pendant ce temps-là, Netflix et YouTube ne payent quasiment aucun impôt en France. C'est inadmissible", tonne cette fois Nicolas de Tavernost dans "Le Figaro".
Aligné sur la position de son concurrent, Gilles Pélisson estime que la taxe négociée l'année dernière par le CNC (Centre national du cinéma et de l'image animée, ndlr) - qui impose à Netflix et consorts de reverser 2% de leurs revenus sur le territoire au CNC - est "ridiculement faible". "Le système est inéquitable. TF1 et M6 contribuent à hauteur de 70 millions et 46 millions d'euros au financement du CNC. (...) La taxe sur les GAFA s'élèverait à seulement 2,5 millions d'euros pour YouTube et moins de 2 millions pour Netflix. Il y a une évidente distorsion de concurrence", grince le patron de TF1.
"Cette taxe YouTube n'est que le cache-sexe de nos grosses taxes", abonde Nicolas de Tavernost qui qualifie le CNC de "Monsieur plus de taxes et Monsieur moins d'aides à l'audiovisuel français". "Depuis 2010, le rendement des sommes acquittées par M6 au profit du CNC a augmenté plus vite que nos recettes publicitaires", poursuit le patron de M6 qui déplore n'avoir "aucun retour à due concurrence", constatant que "l'argent du CNC finance majoritairement les productions du service public". "Certains documentaires de France 3 ou France 2 reçoivent une aide automatique quand les nôtres, sur des sujets comparables, sont retoqués. Cela m'exaspère", s'agace Nicolas de Tavernost. De son côté, Gilles Pélisson réclame à ce que le CNC soit "plus en soutien de la production audiovisuelle française".
Concernant le récent et très commenté rapport Bergé, Nicolas de Tavernost estime qu'il faut profiter du "consensus" existant autour de ce rapport pour "remettre à plat l'ensemble des règles du secteur". Mais, contrairement à ce que préconise le rapport, le patron de M6 plaide pour l'ouverture de la publicité télé aux annonceurs de la grande distribution, du cinéma et de l'édition. "Chez M6 et avec RTL, nous sommes très bien placés pour savoir que le premier assouplissement intervenu en faveur de la publicité télé pour la grande distribution n'a pas eu d'effet négatif sur les recettes de la radio", argue-t-il alors que l'argument de la protection de la radio est avancée dans le rapport pour justifier un maintien de l'interdiction de la pub télé pour la grande distribution.
"Il faut aller plus loin et l'ouvrir complètement", préconise Nicolas de Tavernost. Le patron de M6 réclame également une suppression de la taxe Copé, également dite "taxe telco", dont les recettes ne seront désormais plus reversées à France Télévisions. Par ailleurs, et alors que le rapport Bergé se prononce pour ce point, Gilles Pélisson réclame l'autorisation et l'introduction "rapide" de la publicité ciblée en télévision. "Franck Riester connaît parfaitement notre secteur et nos enjeux. Nous espérons que nos futurs échanges permettrons d'avancer rapidement car il n'est pas nécessaire d'attendre la révision de la loi audiovisuelle. Il y a urgence à agir", déclare, à ce sujet, le patron de TF1.
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