L'information est tombée hier, tard dans la nuit. Impossible alors pour les quotidiens français de la relayer à temps dans leurs éditions du jour. Ils se rattrapent ce matin : beaucoup placent le départ de Steve Jobs à leur Une : "Apple va-t-il planter ?" s'interroge La Tribune avec un Jobs à la mine déconfite, "Le départ du magicien Jobs" écrit Libération, "Le départ du génie de la révolution numérique" note Le Figaro, "Apple sans Steve Jobs" choisit sobrement Les Echos. Un véritable hommage, comme si Steve Jobs n'était plus.
Tous, sans exception, font l'éloge de ce PDG, revenu chez Apple en 1997 pour redresser une marque au bord du gouffre, en mal d'innovation. Il a révolutionné depuis nos usages numériques, simplifié considérablement l'utilisation de l'informatique grand public. Avec de beaux produits, chers, mais au design soigné. L'iMac, L'iPod, l'iPhone, l'iPad : autant d'innovations majeures qui ont bousculé le marché et lui valent aujourd'hui un concert de louanges.
"L'incroyable magnétisme d'un dirigeant sur le cours de bourse de son groupe, révolutionnaire dans les secteurs où on ne l'attendait pas, un patron atypique, génial et visionnaire" s'enthousiasme La Tribune ; "Un vrai-faux Vinci de l'ère numérique" écrit Libé qui n'hésite pas à parler du "prophète" Steve Jobs, de la "religion" Apple, d'un "gourou d'une techno-secte", d'un "quasi-Chef d'Etat" ! Rien que ça. L'immense infographie sur une pleine page des Echos suffit à comprendre la déflagration provoquée par ce départ. En 1990, Apple réalisait 5 milliards de chiffre d'affaires. En 2011, vingt ans plus tard : plus de 100 milliards de dollars. La firme, en parfaite santé financière malgré la crise est, selon les jours, la première ou seconde valorisation mondiale. Rarement un patron avait fait de son entreprise en si peu de temps une telle machine à cash. Et à fantasmes.
En cherchant bien, on trouve quelques critiques, principalement sur le caractère de Steve Jobs, décrit comme "colérique", prêt à "intimider salariés, fournisseurs et clients pour préserver le culte du secret de la marque". Comprenez les défauts de ses qualités. Les Echos rappelle "une petite poignée d'échecs dans un parcours hors norme" : L'Apple III, Le Lisa, Next ou encore Le Mac Cube. Mais qui s'en souvient, au juste ? On ne retient d'Apple que ses succès, preuve de l'incroyable aura de la marque.
Toute la presse ce matin s'accorde sur l'après Steve Jobs : toujours président de la firme, la pomme n'est pas menacée à moyen terme. Mais que deviendra Apple le jour où son "génie" partira ? Aucun ne le sait et n'ose l'imaginer. La presse, qui croit beaucoup dans les usages développés par Jobs comme l'iPad pour sauver sa peau, n'ose prédire ce que pourrait être la firme sans Jobs. Un monde sans Apple. "Au revoir et merci, Steve Jobs" écrit Le Monde dans un édito à paraître cet après-midi. Le brillant gestionnaire Tim Cook, son successeur, sera-t-il aussi un brillant inventeur ? La réponse se trouvera dans les futurs produits de la marque.