C'est une surprenante affaire que révèle cette semaine Médiapart. Dans un article paru mardi, le site d'Edwy Plenel affirme que l'actuel PDG d'Orange, Stéphane Richard, aurait demandé à la fin 2013 à sa filiale cinéma, Orange Studio, de ne pas financer le projet de biopic sur Yves Saint Laurent du réalisateur Bertrand Bonello. Raison invoquée par la direction selon notre confrère : ce projet déplairait à l'homme d'affaires Pierre Bergé, personnellement associé à un autre projet de film sur le sujet réalisé par Jalil Lespert et porté par Pierre Niney.
La directrice de la filiale cinéma d'Orange, Frédérique Dumas, a refusé de céder à la demande de Stéphane Richard, elle a été remerciée le 7 février 2014. Le site d'information rappelle que Stéphane Richard était à l'époque "au coeur d'une tempête judiciaire et médiatique". Le nom de l'ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde au ministère de l'Economie était en effet régulièrement cité par la presse dans l'affaire de l'arbitrage rendu en 2008 en faveur de Bernard Tapie. Et le site d'information de rappeler les nombreuses révélations faites par "Le Monde" dans cette affaire politico-financière.
"En un mois, une trentaine de papiers relatant les évolutions de l'enquête judiciaire en cours évoquent les responsabilités de celui qui est entretemps devenu P-DG d'Orange", explique ainsi Médiapart. Selon le site d'information, la demande faite par Stéphane Richard à Frédérique Dumas de ne pas produire le film de Bertrand Bonnello aurait ainsi eu pour objectif de "satisfaire Pierre Bergé" et ainsi d'obtenir de ce dernier qu'il tempère les articles du Monde le concernant.
Pour justifier ses accusations, Médiapart produit un message vocal laissé par Xavier Couture, conseiller spécial de Stéphane Richard, sur le téléphone de Frédérique Dumas. On peut notamment entendre l'ancien cadre de TF1 déclarer à la directrice de la filiale cinéma d'Orange : "J'essaie de convaincre les journalistes du Monde d'être un peu plus gentils avec Stéphane, et pas de faire un feuilleton avec une histoire qu'on aimerait bien voir retomber. Je pense qu'il serait utile de réfléchir à deux fois avant de financer le film sur Yves Saint Laurent qui est très contesté par Pierre Bergé comme tu le sais".
Interrogé par Médiapart, Xavier Couture s'est défendu de toute tentative d'influencer la ligne éditoriale du "Monde". "C'est ridicule (...) Vous imaginez la rédaction du Monde et les journalistes qui suivent ces dossiers en recevant un appel de Pierre Bergé sur le thème 'Calmez-vous' ? Ça n'existe pas", a-t-il protesté. Xavier Couture a cependant confirmé que Pierre Bergé l'avait contacté dans cette affaire.
Mais il minimise cette affaire : "Ça me paraît assez bénin. Si on peut s'éviter de se mettre Pierre à dos, c'est aussi bien. Stéphane n'était peut-être pas favorable à ce qu'on mette Pierre Bergé de mauvaise humeur. On est tous copains avec lui. La belle affaire". En guise de bonne foi, Xavier Couture a notamment tenu à rappeler qu'Orange avait finalement financé le film de Bertrand Bonello. "Il y a zéro problème", a-t-il conclu.
De son côté, Pierre Bergé avait déjà réfuté par le passé toute tentative de censure du film de Bonello. Invité de Maïtena Biraben dans "Le Supplément" le 12 janvier dernier, l'homme d'affaires avait ainsi déclaré : "Je ne ferai rien contre Bonello. Bonello est venu me voir et la première chose que je lui ai dite c'est : 'Il y a une chose que je ne vous pardonnerais pas, c'est de me faire passer pour un censeur, moi qui suis contre toutes les censures."