Une diète médiatique forcée ? Samedi 2 avril, Emmanuel Macron tiendra son premier - et sans doute seul - grand meeting avant le premier tour de la présidentielle 2022 prévu le 10 avril prochain. S'il a mené jusque-là une campagne mezzo voce, le favori des sondages entend bien cette fois marquer le coup et faire de cette réunion publique l'acte fondateur de sa campagne pour un second mandat. Ses troupes ont donc vu grand, très grand, en réservant la Défense Arena, la plus vaste salle d'Europe, où elles attendent près de 30.000 personnes.
Pour décupler encore la résonance de ce meeting géant, les troupes d'Emmanuel Macron misaient aussi sur les chaînes d'information en continu. C'était sans compter sur l'entrée en vigueur cette semaine de la période dite "de stricte égalité des temps de paroles". Celle-ci oblige désormais toutes les chaînes de télévision et de radio à donner la même exposition à chacun des 12 prétendants à l'Elysée, et ce dans les mêmes conditions de programmation. Un véritable casse-tête pour les états-majors des chaînes, qui songent sérieusement à ne pas retransmettre en direct le meeting de samedi.
"Si on fait 1h ou 1h30 de Macron samedi après-midi, cela veut dire qu'il faut faire aussi 1h ou 1h30 pour chacun des 11 autres candidats, et dans la même tranche horaire en plus ! Ce n'est pas tenable !", résume, un brin dépité, un journaliste de LCI préférant garder l'anonymat. Et d'ajouter : "On peut faire des duplex avec les autres candidats pour essayer de compenser, mais pas pendant une heure et demi ! Il faut quand même une antenne qui ressemble à quelque chose".
"Nous ne pourrons pas diffuser le meeting d'Emmanuel Macron sur l'antenne de BFMTV samedi", tranche d'ores et déjà Marc-Olivier Fogiel. Pour faire vivre l'évènement malgré tout, le directeur général de BFMTV compte miser sur le numérique, en proposant un dispositif éditorial similaire à celui déployé jusque-là en linéaire. "Nous délocaliserons notamment un plateau de journalistes sur place. Tous les meetings avec un flux disponible et organisés d'ici le premier tour bénéficieront du même dispositif", détaille-t-il.
"Cela paraît extrêmement compliqué de diffuser le meeting de samedi", glisse-t-on également dans les couloirs de LCI, où on se donne jusqu'à jeudi pour officialiser une décision. "A ce stade, impossible de diffuser le meeting dans son intégralité", estime aussi la direction de l'information de France Télévisions, au sujet de franceinfo:. Du côté de CNews, on prévoit de se décider au dernier moment, en fonction de la comptabilité interne des temps de parole.
Garante du bon respect des règles, l'ARCOM* est, elle, droite dans ses bottes, malgré les réclamations des chaînes. Joint par puremedias.com, le régulateur de l'audiovisuel estime que les règles sont connues depuis longtemps et laissent une liberté éditoriale suffisante aux médias pour s'organiser. "Depuis quelques jours, la part du journalisme est réduite à zéro !", s'étrangle au contraire un journaliste de chaîne info. "On fait de la comptabilité et ce sont les temps de parole qui dictent le contenu à l'antenne", révèle-t-il. Et de décrire des réunions internes un brin ubuesque durant lesquelles les services juridiques réclament "trois minutes d'Arthaud entre 9h et 18h" ou "2 minutes trente de Lassalle entre 18h et minuit".
Emmanuel Macron avait-il anticipé ce blocage et son impact sur le retentissement cathodique de son premier meeting ? Non, à en croire tous ceux que nous avons pu interroger. Les équipes de campagne du président comptaient bien sur les chaînes info pour relayer la sortie de leur champion auprès du plus grand nombre. "Son entourage pensait initialement qu'il ferait plusieurs meetings. La forte actualité autour de la guerre en Ukraine a bouleversé leurs plans et il ne reste plus que celui-ci", croit ainsi savoir un cadre de la rédaction de BFMTV.
L'équipe de campagne du candidat, elle, assume de ne pas s'être calée sur "le calendrier de l'ARCOM" pour fixer la date du meeting d'Emmanuel Macron. "Ce n'est pas véritablement un sujet pour nous. Le meeting sera retransmis sur le numérique par plusieurs chaînes de télévision et des extraits seront diffusés sur leur antenne linéaire respective. Il sera aussi retransmis sur les réseaux sociaux d'Avec vous (la campagne d'Emmanuel Macron, ndlr) et l'ensemble des canaux de la majorité", se rassure l'entourage du prétendant à l'Elysée.
* Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, ex-CSA