Si le succès de l'information de France 2 s'est jusqu'ici manifesté dans les audiences, les internautes ont largement plébiscité les rendez-vous et les visages de la rédaction de la chaîne publique dans les "TV Notes 2012". Entretien croisé avec les deux présentateurs titulaires du 20H de la chaîne, quelques jours après la décision de Laurent Delahousse de rester sur le service public.
Propos recueillis par Julien Lalande
L'opération TV Notes organisée par puremedias.com, 20 Minutes et RTL a enregistré près de 350.000 votes. L'information de France 2 est plébiscitée, aussi bien dans ses émissions que dans ses visages. Cette récompense du public, c'est la cerise sur le gâteau après les audiences enregistrées par les différents rendez-vous de l'info ?
David Pujadas : Oui c'est un beau cadeau pour Thierry Thuillier (le directeur de l'information de France Télévisions, NDLR) et pour nous tous. Cela a été une saison forte et intense. Une saison marquante. Nous la devons à l'énergie et au talent des équipes de reportage qui sont engagées à fond dans les journaux et les émissions.
Dans les années 90 et même au tout début des années 2000, l'info de France 2 était en crise avec une valse de ses visages et de ses dirigeants. La clef du succès, c'est l'innovation... et aussi la stabilité ?
David Pujadas : L'instabilité est effectivement incompréhensible pour le téléspectateur. La pérennité rassure. Mais l'innovation est beaucoup plus importante. Attention: l'innovation c'est d'abord le fond. La modernisation du journal que nous avons impulsée (changement de rythme, tableaux, expertises, déclinaisons) ne fonctionne que parce qu'elle a été au service d'un parti pris éditorial : moins d'anecdotique, plus de pédagogie et de débat d'idées. Les nouvelles écritures graphiques nous ont permis, par exemple, d'expliquer les enjeux économiques. Vous allez voir dans les mois qui viennent qu'on ne va pas s'arrêter là.
Laurent Delahousse : La clé du succès est toujours dans le bon équilibre. Etre réactif sur le news, et décrypter, donner du sens aux informations dans le coeur du journal. Le journal de 20H se doit d'apporter une plus-value par rapport aux autres sources d'informations (chaînes d'info en continu, internet, etc.) Cela passe par la richesse de nos correspondants, et la qualité de nos reporters. Innover oui, bien sûr, mais tout en affirmant notre rigueur, toujours s'interroger, donner du sens... C'est avec ces clés-là que nous avons tissé un lien avec les téléspectateurs. Ils sont exigeants et très lucides sur notre travail. Tout cela est très fragile, il ne faut pas les décevoir.
Quel regard portez-vous sur les difficultés de l'info de TF1 ? Est-ce que France 2 a su mieux construire ce fameux lien de confiance avec les téléspectateurs ?
David Pujadas : Je me garderais de porter un jugement sur les confrères. Chacun essaie de faire du mieux qu'il peut et TF1 a des ressources. A commencer par Gilles Bouleau qui est un très bon.
Laurence Ferrari disait il y a quelques jours que le 20H était un rendez-vous très codifié. C'est votre sentiment ?
David Pujadas : Oui le 20 Heures est codifié et heureusement. Il doit rester une marque de sérieux et de crédibilité, ce qui n'empêche pas le sourire. Mais les codes ne sont pas intangibles : chacun y met les priorités dont il a envie. D'ailleurs les différences sont nettes entre les éditions.
Laurent Delahousse : C'est effectivement un rendez vous très codifié, qui répond à une histoire, mais le risque aurait été de s'autocensurer, de s'interdire d'en casser les codes. Le journal de 20H reste le plus beau terrain de créativité en matière d'information en France. C'est la raison pour laquelle j'ai voulu mettre en place ces 5 dernières années de nouveaux rendez-vous qui brisent le rythme, le ton, le style. Des rubriques qui sont devenues des rendez-vous (Grand Format, Question conso, 3 questions à, Le Témoignage, L'enquête...). Un coming-next qui apporte une promesse aux téléspectateurs au milieu du journal. Et puis les nouveaux magazines "13H15" le samedi et le dimanche, le dimanche à "20h30" le talk politique avec des rencontres insolites et cette saison la mise en place du feuilleton "L'Elysée Matignon Solferino".
David, en mai, votre 20H a affiché le plus faible écart avec le JT concurrent, avec moins d'un million de téléspectateurs de différence. Le dépasser, c'est une ambition pour vous et la rédaction ?
David Pujadas : Cela surprend toujours mais on n'a jamais raisonné comme ça. Les performances de ces derniers mois font chaud au coeur. Pour autant, il faut d'abord creuser son sillon. Compte tenu de l'environnement, si on parvient à stabiliser les choses la saison prochaine, ce sera déjà une victoire.
Laurent, vous aussi votre JT a progressé : en cinq ans, vous avez gagné 145.000 téléspectateurs quand le 20H concurrent en a perdu 1,9 million. Est-ce que vous réfléchissez à de nouvelles évolutions ?
Laurent Delahousse : Nous réfléchissons avec Thierry Thuillier et Eric Monier (la direction de l'information, NDLR) à de nouvelles pistes. Le week-end a ces dernières années toujours été un laboratoire. Il le sera encore la saison prochaine. J'avais proposé une nouvelle tranche d'information le dimanche soir de 19h à 20h30, ce n'était peut-être pas encore le bon moment mais cela participait à cette boîte à idées qu'il ne faut cesser d'alimenter, au final c'est la direction de l'info qui tranche. Nous serons audacieux mais toujours respectueux aussi du public qui nous suit.
David, votre journal a beaucoup évolué ces derniers mois, notamment dans la forme avec certains marqueurs qu'on retrouve sur les chaînes d'info en continu. Est-ce qu'il vous reste des idées que vous n'avez pas mises à l'antenne ?
David Pujadas : Ces marqueurs sont aussi ceux des chaînes anglaises qui nous ont pas mal inspirés. Oui il y a d'autres idées. Sans idées nouvelles on s'étiole. Mais attention une fois encore : c'est le contenu qui commande. Pas de gadget.
Votre rendez-vous "Des paroles et des actes" a été confortablement élu "magazine politique" préféré dans ces TV Notes. La saison prochaine, plus d'élections. L'émission sera-t-elle tout de même de retour ?
David Pujadas : Bien sûr. Une période passionnante s'ouvre à nous, avec de nouveaux acteurs aux commandes. DPDA sera de retour dès la rentrée.
Laurent, vous avez décidé de rester sur le service public. Vous avez été élu "Présentateur préféré du JT" mais les TV Notes confirment aussi l'attachement des téléspectateurs à votre émission "Un jour, un destin". De nouvelles émissions sont-elles prévues ? Pouvez-vous nous dévoiler quelques personnalités qui auront droit à un numéro ?
Laurent Delahousse : J'aime le documentaire, réfléchir à de nouvelles écritures en la matière, utiliser les codes de la fiction et raconter ces histoires, qu'elles soient historiques comme cette année avec "La traque de Klaus Barbie" ou dans la collection "Un jour, un destin". Il faut huit mois pour un format, ils seront terminés à la fin du mois de juillet, pour une programmation à la rentrée. Nous proposerons donc une dizaine de documents inédits. Parmi eux, vous découvrirez notamment des portraits de Bernard Giraudeau, Bernadette Chirac, ou encore Yves Mourousi.
Vous allez animer des prime times la saison prochaine. Quelle est votre envie en la matière ? Prolonger votre travail entrepris dans "13h15" et "20h30 le dimanche" avec de nouvelles écritures et des entretiens avec des personnalités ou réflechissez-vous à un format totalement inédit ?
Laurent Delahousse : Je réfléchis à plusieurs pistes. Ils seront événementiels et tournés vers l'international. Il s'agira soit effectivement d'un prolongement du travail accompli avec les équipes de "13h15", soit d'un format totalement inédit.