Le bras de fer entre l'Etat français et l'entreprise de Jack Dorsey s'intensifie. Fleur Pellerin, ministre de l'Economie Numérique, a martelé "l'intérêt" qu'avait le réseau social à s'adapter aux cultures des pays dans lesquels il s'implante comme la France dans une interview diffusée hier sur LCI. Alors que le nombre d'utilisateurs de Twitter en France a atteint 5,5 millions, une antenne de la société doit ouvrir dans le pays ce printemps.
"Je pense [que les responsables de Twitter] ont tout intérêt à s'adapter aux cultures juridiques et philosophiques et éthiques des pays dans lesquels ils souhaitent se développer", a-t-elle expliqué, tout en précisant que le gouvernement français était "en discussions assez permanentes" avec les responsables du site de micro-blogging et que ces derniers étaient tout à fait "réceptifs". "Ils savent qu'ils doivent s'adapter aussi à différentes cultures, juridiques et d'appréciation aussi des libertés fondamentales dans les pays où ils opèrent et je pense qu'ils sont ouverts à la discussion", a insisté la ministre.
Rappelez-vous : l'Union des Etudiants Juifs de France (UEJF) et l'association "J'accuse - action internationale pour la justice" avaient assigné Twitter en justice suite à la vague de tweets antisémites reprenant les hashtags #unbonjuif et #unjuifmort. Et c'est hors-la-loi, en France tout du moins. La société, américaine, s'était réfugiée derrière la loi de son pays d'origine afin de ne pas communiquer les données permettant d'identifier les instigateurs de ces "bonnes blagues". La législation américaine est bien plus permissive en matière de liberté d'expression.
Fleur Pellerin le reconnaît : le gouvernement peut difficilement légiférer face à "une entreprise qui a son siège aux Etats-Unis et où la conception de la liberté d'expression est peut-être plus extensive". Pas de guerre ouverte pour le moment, la ministre joue l'apaisement, indiquant qu'il s'agit "de négocier avec Twitter le fait de pouvoir retirer les contenus, les hashtags qui sont litigieux et également d'obtenir de leur part qu'ils donnent l'identité des personnes qui, de manière répétitive, font des post de cette nature".
Déjà engagé dans de lourdes tensions avec Google, le gouvernement ne semble pas vouloir déterrer la hache de guerre avec l'ensemble des géants du numérique américains. "Tout cela s'inscrit dans une négociation davantage que dans un combat juridique", a ainsi insisté la ministre.
Interrogé à ce sujet dans le Parisien d'aujourd'hui, le spécialiste des réseaux sociaux Guy Birenbaum, relativise la polémique : "#sijetaisnazi, c'est au maximum 1500 tweets... Rien en comparaison des 500 millions de messages envoyés chaque jour". Et d'ajouter "Tout filtrage qualitatif, tout contrôle est illusoire. Comment un algorithme (...) pourrait distinguer le premier du second degré, trier ce qui relève de la blague et du racisme pur et dur ? (...) La seule parade, c'est l'éducation, pas la censure".