Un personnage haut en couleur. A l'occasion de "La Grande soirée" de L'Equipe hier soir, à laquelle puremedias.com a assisté en coulisses, le journaliste Yoann Riou s'est confié sur l'exercice de commentateur de match à la télévision sans la diffusion des images. L'entretien s'est déroulé dans sa cabine ce mercredi à l'issue du match entre le Paris-Saint-Germain et le Bayern Munich, qui s'est conclu par une victoire parisienne de 3 buts à 0.
Propos recueillis par Florian Guadalupe.
"Je suis trempé parce que je me donne à fond !"
puremedias.com : Alors, épuisé ?
Yoann Riou : Épuisé, mais heureux ! Avec cette formule, on donne tout ce qu'on a. C'est de l'ultra-sincérité. L'avantage qu'on a est qu'on ne voit pas les caméras. Je suis trempé parce que je me donne à fond ! On vit le match comme s'il y avait une caméra sur un spectateur qui est au stade. Pendant le match, on essaye de donner plein d'anecdotes, des histoires ! De manière très humble et modeste, on essaye d'apporter des statistiques et des chiffres.
Il faut combien de temps pour préparer les matchs ?
C'est fou ! Pour le premier match de Ligue des champions de Paris contre le Celtic Glasgow, quelques jours avant, j'ai pris deux jours de repos pour partir en Ecosse. Je suis allé voir un match du championnat écossais pour rencontrer des joueurs, des dirigeants. J'étais allé dans le vestiaire. J'aime bien me déplacer avant les matchs. L'an passé, avec Candice (Rolland), on commentait Borussia Dortmund-Monaco. Je lui ai proposé de prendre la bagnole et d'aller en Allemagne. On est allé voir un match, on avait pris un billet au milieu du peuple, dans le fameux "mur jaune "de Dortmund. On y était pour le plaisir, et en même temps, quand une semaine plus tard, il y avait Dortmund-Monaco, on pouvait dire aux gens ce qu'est le mur jaune, ce qu'est la ville de Dortmund, ce qu'est le club. On veut faire du commentaire reportage !
"On ne va pas arriver un quart d'heure avant le match, en commentant : 'A passe à B, B passe à D'"
Qu'apportez-vous de plus que les chaînes payantes ?
On n'est en concurrence avec personne, les gens regardent Canal+ et beIN Sports. Si les gens n'ont pas Canal+ et beIN Sports et si on peut être une alternative sympa et gratuite, on se donne à fond ! On ne va pas arriver un quart d'heure avant le match, en commentant : "A passe à B, B passe à D". Puis, surtout, c'est la bonne ambiance. On s'entend super bien dans la vie. Il n'y a pas de chiqué. On vit tous un rêve ! Quelqu'un m'a dit hier sur Twitter : "Yoann, t'es pas au stade !". Mais nous, ça va nous manquer un jour si on est au stade ! Parce qu'on a transformé cette cabine en stade ! On aime tellement le foot qu'on n'a pas besoin d'être au Parc des Princes.
Quelles sont les plus grandes difficultés de cet exercice ?
Je n'en vois pas. J'aime tellement le job. Il faut juste bosser avant. Hier, on faisait Porto. J'ai travaillé comme un taré ! J'ai regardé deux matchs de Porto. En amont, tant qu'on travaillera énormément, tant qu'on ne sera pas des touristes, tant qu'on ne sera pas des escrocs... Mon boulot, je ne peux pas le juger ! Quand on arrive là avec Candice, on est blindé. On a 100.000 fiches, on appelle les gens ! Quand arrive le match, ce n'est que du plaisir. Pendant 38 ans, mon père m'a transmis le foot, des joueurs me l'ont transmis, des commentateurs extraordinaires aussi. Un copain m'a dit l'autre jour : "Maintenant, c'est toi, tu vas avoir l'honneur éventuellement de transmettre le football à des jeunes qui nous regardent".
"Je croise juste les doigts pour que les téléspectateurs ne nous lâchent pas."
Comment expliquez-vous le succès de ce format ?
C'est incroyable... Nous-mêmes, on ne se rend pas compte. Je vis les plus beaux mois de ma vie. Je sais que ma carrière ensuite ne pourra pas être aussi belle. J'ai vraiment pleinement conscience de ça. Depuis mars 2016, je vis un bonheur. Je ne retrouverai jamais ça nulle part. Je suis persuadé que jamais je ne revivrai ça dans ma vie. Je croise juste les doigts pour que les téléspectateurs ne nous lâchent pas. Mais je ne retrouverai jamais cet état de grâce. C'est notre bébé à nous. On a tous conscience de vivre un truc original, avec peu de moyens. On est dans une petite cabine, mais on s'en fiche ! Qu'il n'y ait pas les images, je m'en fiche ! Je ne vis pas d'autres plaisirs authentiques. On est juste heureux. Demain, évidemment, je regarderai les audiences pour savoir si les gens ont adhéré. S'il n'y a personne, c'est con.
Vous évoluez en fonction de l'audience ?
Non. Je t'assure que je ne mens pas. On a la même ligne conductrice depuis le premier jour. Peut-être que l'année dernière, pendant octobre-novembre, on était un peu plus foufou. On se laissait aller, on se lâchait. Il y avait de l'euphorie. Je pense que depuis janvier 2017, on essaye d'être béton ! Aujourd'hui, sur 1h30, on a rigolé cinq minutes.
"Avant j'étais avec mon père dans un canapé à regarder le match, aujourd'hui je suis avec Candice dans une cabine."
D'où vous vient cette énergie hors du commun ?
Je ne sais pas. J'ai 39 ans, mais je suis un gosse. Quand j'étais petit, je regardais les matchs avec mon père. Je me dis que c'est comme il y a 15 ans. Avant, j'étais avec mon père dans un canapé à regarder le match, aujourd'hui je suis avec Candice dans une cabine. L'esprit est le même. Juste, aujourd'hui, j'ai un honneur de commenter. Je remercierai à vie la chaîne, mes patrons, mes collègues. J'ai vécu 7 ans en Italie. Un jour, le journal m'a envoyé à San Siro, à Turin. J'ai vu le grand Milan de Carlo Ancelotti. J'étais de 2005 à 2012 au pays du football ! Puis, je suis parti vivre à Newcastle, c'est la ville du foot. C'est une ville qui ne vit que par le foot ! Pendant huit mois, je me suis ruiné parce que je suis parti tous les week-ends voir des matchs de foot. Donc, heureusement que j'ai cette énergie. Si je ne l'avais pas, ce serait honteux. Ce ne serait pas respectueux pour les téléspectateurs. Ils ont la gentillesse de mettre la 21 sur leur zapette. Encore heureux qu'on essaye de leur donner de la bonne humeur.
Vous vous rendez compte que vous devenez un personnage culte par vos mises en scène et vos envolées lyriques ?
Je suis très humble. J'adore la réaction des gens. Ils sont adorables. Parfois dans la rue, ils nous arrêtent. On sent qu'il y a une affection des gens. C'est impossible de prendre la grosse tête ou de se prendre pour un autre. Je trouve que l'affection des gens, c'est de l'amour. C'est une vague sentimentale magnifique. Je ne veux pas les trahir en pétant les plombs. On ne veut pas piquer la place aux autres. Canal+ et beIN Sports font super bien leur truc, nous on vient en complément. Dans notre coin, on est tranquille. On est les petits, on est personne, on est challenger. En fait, on est Guingamp !
"Je ne les regarde jamais ces feuilles. Regarde ! C'est le bordel !"
Qu'écrivez-vous sur ces feuilles où il y a des ratures partout, des mots surlignés dans tous les sens ?
(Il prend ses feuilles) C'est plein de chiffres, de statistiques. Je raconte des histoires. Je suis un laborieux. Il me faut du temps. Pour Ribéry, je raconte ce qui s'est passé avec Anderlecht ! Lors du premier match, il a été remplacé par Ancelotti, il a jeté son maillot en sortant. Ces feuilles sont un pense-bête, si j'oublie quelque chose. Mais je ne les regarde jamais ces feuilles. Regarde ! C'est le bordel ! Mais elles sont là au cas où !
Lors de votre passage dans "Quotidien", vous aviez dit qu'après chaque match, vous mangiez un kebab. Vous y retournez ce soir ?
Je suis au régime, ça y est, c'est fini ! J'ai perdu 14 kilos en deux mois. Ça devenait grave. Je suis stressé, je me mets beaucoup de pression. Je compensais beaucoup en bouffant, avant, après. L'an passé, j'avais instauré d'aller dans un kebab fantastique à Boulogne. J'étais vraiment obèse, j'étais à 110 kilos. C'était catastrophique. Maintenant, je suis au régime grave. Je fais du sport en pagaille ! Je me suis inscrit au marathon de New-York 2018. Aujourd'hui, je n'ai pas mangé une seule fois et ce soir, je vais juste me faire un petit plat de pâtes.
Ce lundi 2 octobre, à 20H45 sur L'Equipe, dans le cadre de "L'Equipe Vintage", Yoann Riou et Candice Rolland revivront dans les conditions du direct le match maudit France - Bulgarie de 1993.