La série "HPI" revient sur TF1 ce jeudi 16 mai pour une quatrième saison. Une saison notamment marquée par la grossesse surprise du personnage d'Audrey Fleurot, la consultante HPI, Morgane Alvaro. Alice Chegaray-Breugnot et Julien Anscutter, scénaristes de la fiction, mais également directeurs de collection et directeurs artistiques, évoquent cette nouvelle saison de "HPI" pour puremedias.com.
Propos recueillis par Laura Bruneau
puremedias.com : Est-ce que vous pouvez revenir sur la genèse de "HPI" ?
Alice Chegaray-Breugnot : "HPI" est né avant moi. C'était en 2017 ou 2018, Nicolas Jean et Stéphane Carrié avaient un projet de comédie policière avec un consultante HPI de type Asperger. Il y avait des difficultés dans le développement de la série, avec un personnage plutôt froid, très intérieur, leur référence c'était Lisbeth Salander (l'héroïne de la série de romans policiers Millénium). TF1 s'intéressait au projet, mais ils avaient envie d'une femme, mère de famille, avec des enfants. Le personnage ne fonctionnait pas très bien. Anthony Lancret et Pierre Laugier chez Itinéraire Productions m'ont appelée car j'avais un projet de mon côté avec une enquêtrice HPI mais ado, donc ils savaient qu'il y avait un match possible. J'ai donc repris le projet. J'avais un autre éclairage sur le sujet car mon père était HPI et il était très sociable, très lumineux, un peu foutraque. Évidemment, en créant ce personnage très haut en couleurs, la comédie est venue naturellement dans l'écriture. Le projet est passé plus d'une série polar, d'enquête, à une série de comédie policière. J'ai proposé ce traitement à la chaîne. Ils étaient désarçonnés car le côté comédie policière ce n'est pas ce qu'ils avaient acheté au départ. Mais finalement en lisant la V1 dialoguée du pilote, ils ont trouvé que c'était pour eux. On a démarré une convention d'écriture sur 6 épisodes puis finalement ils ont eu envie d'en faire 8.
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"Évidemment, en créant ce personnage très haut en couleurs, la comédie est venue naturellement dans l'écriture".
C'est déjà la saison 4. Comment faites-vous pour que le téléspectateur ne se lasse pas au fil des saisons, pour toujours apporter des nouveautés ?
Alice Chegaray-Breugnot : On essaie de ne jamais s'ennuyer en écrivant, c'est la première des choses. On essaie de changer les interactions des personnages, faire intervenir un nouveau personnage qui amène toujours des nouveaux rapports de force dans l'équilibre. On aime bien avec Julien travailler sur les genres. Là par exemple on a un épisode c'est une sorte de Columbo. L'idée ce n'est pas de copier Columbo mais c'est de mettre Columbo à la sauce HPI et ça donne toujours des choses intéressantes pour se renouveler.
Julien Anscutter : Sur les personnages, à chaque saison, on essaie de trouver des endroits où on ne les a pas déjà emmené et où ça nous amuse, en termes de comédie ou sur un plan plus dramatique, de les amener, sur des terrains qu'on a pas encore explorés.
Est-ce que le succès de HPI vous a permis d'augmenter le nombre d'auteurs que vous êtes pour écrire la série ?
Alice Chegaray-Breugnot : Non, on n'a pas changé de méthode de travail depuis le départ. Le nombre ça peut être plus difficile à gérer parce que c'est des gens qu'on forme, qu'on guide dans l'écriture. Faire accoucher des textes, c'est un travail qui prend du temps. Avoir plein d'auteurs n'est pas forcément une bonne chose. On préfère avoir des auteurs de confiance, avec qui on aime travailler, qui nous apportent plein de fraîcheur. Multiplier les auteurs, sur une table avec plein de scénaristes, pour le brainstorming, c'est n'est pas forcément plus simple. On préfère travailler en plus petit comité, de façon plus posée, plus profonde, chaque saison.
Julien Anscutter : Cette saison on l'a écrite avec 10 autres scénaristes. En général, les scénaristes travaillent par binôme. On aime que ce soit vraiment leur épisode : ils ne travaillent pas sur l'ensemble de la saison, mais sur un épisode dont ils peuvent s'emparer, qui devient leur épisode, dans lequel ils apportent leurs idées, leurs envies, leur univers.
Pour créer ses démos, en général, c'est de la culture générale associée à de l'observation et de la déduction.
Morgane est HPI. Écrire des répliques pour ce personnage, avec sa réflexion, ça demande plus de travail de recherche en amont ?
Alice Chegaray-Breugnot : Oui ! Surtout pour les démonstrations de Morgane, où il faut qu'elle associe plein de savoirs différents, mais aussi de l'astuce. Pour créer ses démos, en général, c'est de la culture générale associée à de l'observation et de la déduction. C'est compliqué à écrire, ça demande pas mal de recherches. On est toujours à l'affût de fun facts, de choses comme ça qui vont nourrir ces moments de fulgurance de Morgane. Dans les dialogues, c'est difficile parce qu'il faut que ce soit clair, tout en étant complexe. C'est aussi dur en structure d'épisode parce qu'elle fait des raccourcis tout le temps. Par rapport à une série polar où on mettrait 3 ou 5 scènes à découvrir quelque chose, elle fait des progrès dans l'enquête en une scène, ce qui nous oblige à twister l'enquête en permanence pour ne pas arriver trop vite à la conclusion.
Julien Anscutter : On est obligé de trouver des enquêtes qui soient à sa hauteur pour que ça ait vraiment du sens. Ces scènes des démos où elle fait des avancées, ce sont des scènes qu'on cherche à renouveler régulièrement, dans le contenu et dans la forme. On travaille énormément ces scènes pour que ça reste bluffant à chaque saison.
Quelle est la part d'improvisation d'Audrey Fleurot ?
Alice Chegaray-Breugnot : Dans ce genre de scène à chaque fois, elle cherche à surprendre, en proposant quelque chose de différent au jeu. Il y a un peu d'impro sur les textes, mais elle est quand même très rigoureuse parce que les démonstrations ça ne permet pas l'à peu près. Elle amène des punchlines mais aussi beaucoup dans la façon de mettre en scène physiquement le personnage, elle s'en empare de façon très physique. Elle invente toujours plein de choses dans la gestuelle, dans les mimiques. C'est une incarnation très forte.
"Audrey Fleurot amène des punchlines mais aussi beaucoup dans la façon de mettre en scène physiquement le personnage, elle s'en empare de façon très physique".
Qu'est-ce qui a changé dans l'écriture entre la saison 1 et la 4 ?
Alice Chegaray-Breugnot : La série a beaucoup évolué, ça tient du fait qu'on allait sur un genre, la comédie policière, dans la case du jeudi, la case polar, et on a avancé un peu à tâtons. Autant la chaîne que nous auteurs, on ne savait pas jusqu'où on pouvait pousser la comédie, sans perdre le polar, sans perdre le fil de l'enquête. La saison 1 a été un laboratoire, on a expérimenté et on a appris comment faire pour que la comédie ne parasite pas le polar. C'est un savoir-faire qui nous a permis de monter en comédie. Chaque saison on teste et on essaie, c'est la difficulté de "HPI", de faire une enquête polar suffisamment complexe et intéressante, en réduisant le nombre de séquences par épisodes qui y sont consacrées chaque année pour avoir de la place pour les arches et pour la comédie du personnage.
Julien Anscutter : On a pris confiance dans l'équilibre de la série entre comédie et polar. On a aussi osé aller sur des terrains sur lesquels on ne serait pas allé forcément, par exemple en faisant des enquêtes un peu plus sombres, parce qu'on sait qu'on va pouvoir maintenir un équilibre comédie / polar, même en allant sur des sujets plus noirs, ou à l'inverse pousser des curseurs en comédie un peu plus loin.
La saison 4 tourne autour de la grossesse de Morgane. Le téléspectateur ne connaîtra l'identité du père que dans la deuxième moitié de la saison à la rentrée. Pourquoi ce choix ?
Julien Anscutter : Sur la grossesse de Morgane, on a assez vite décidé qu'on voulait en faire l'intrigue de saison. D'un côté de profiter de Morgane qui est enceinte, comme seule Morgane Alvaro peut l'être, avec les tenues qui vont avec, sa manière d'envisager la grossesse. Plus que la question de qui est le père, la question que doit se poser Morgane, c'est comment elle se projette avec cet enfant. Elle a fini la saison précédente en blessant Karadec au moment où ils étaient en train d'entamer une relation. Elle a, au fond, ce fantasme si c'était Karadec le père, que cette grossesse pourrait être une façon facile de réparer les choses et de renouer. Évidemment on s'est attelé à ce que ce ne soit pas une solution facile, et ça oblige Morgane à se demander ce dont elle a vraiment envie. L'arche de la saison c'est que Morgane a 3 pères potentiels, mais il n'y en a aucun qui est partant pour élever cet enfant avec elle et ça l'oblige à réfléchir sur sa relation avec les autres et comment elle s'est retrouvée dans cette situation.
Alice Chegaray-Breugnot : C'est aussi une saison sur le retour de karma, cette grossesse avec 3 pères et finalement zéro père, est la conséquence de ce qu'elle a fait de sa vie très rock'n'roll et parfois un peu égoïste dans les saisons passées.
"Sur la grossesse de Morgane, on a assez vite décidé qu'on voulait en faire l'intrigue de saison".
Parmi les pères potentiels, il y a le personnage de Timothée. Pourquoi est-il alors absent des premiers épisodes de la saison ?
Alice Chegaray-Breugnot : "HPI" c'est très chorale, il y a beaucoup de personnages, on ne peut pas tous les nourrir à chaque épisode. C'est impossible. Il vaut mieux faire venir un personnage, lui donner à jouer une vraie intrigue, pour quelques épisodes, que de l'avoir partout et que ce soit un peu perdu. Timothée est très présent dans la saison, mais pas au début, aussi parce qu'on voulait marquer la solitude de Morgane avec cet enfant et que Timothée est un personnage que quand il est là, on aime qu'il soit beaucoup là. On l'a fait venir plus tard, mais c'est un choix narratif.