Coup de fatigue pour "On n'est pas couché" ? Cette année, la onzième saison du talk-show animé par Laurent Ruquier sur France 2 affiche un bilan clairement décevant. En moyenne et en audiences veille, le programme perd plus de 200.000 personnes et 3 points de PDA sur un an. Un recul significatif pour une émission qui fait les belles heures du samedi soir de France 2 depuis 2006. Afin de dresser avec elle le bilan de la saison d'"On n'est pas couché", puremedias.com s'est entretenu avec Catherine Barma, patronne de Tout sur l'écran et productrice du programme.
Propos recueillis par Pierre Dezeraud.
puremedias.com : "On n'est pas couché" enregistre sa pire saison historique en audience depuis sa création. Sur un an, l'émission perd plus de 3 points de parts d'audience. Comment l'expliquez-vous ?
Catherine Barma : Je suis désolée de vous le dire mais vos chiffres sont faux. Pourquoi ? Parce qu'on ne consomme plus la télévision comme on le faisait il y a dix ans. À l'audience totale que vous avez calculée, il faut rajouter 120.000 personnes qui regardent le replay de chaque émission. Par ailleurs, les extraits qui sont mis en ligne par France 2 sur YouTube et Dailymotion génèrent plus d'un million de vues en moyenne chaque semaine. Je ne nie pas qu'il y a une baisse effective de trois points mais je dis juste qu'elle est inéluctable, que ce soit pour nous ou pour les autres programmes. Donc, si dire que c'est la pire saison revient à dire que ça devient de plus en plus dur de faire de la télévision, la réponse est oui ! Et ça ne va pas aller en s'arrangeant.
"Les modes de consommation ont changé"
Mais le replay et les vidéos en ligne existaient déjà l'année dernière...
Vous savez quelle était la part d'audience du tout premier numéro d'"On n'est pas couché" ? Plus de 40%. Voilà, ça n'arrivera plus jamais. C'est une évolution normale. Pour ce qui est du samedi soir, il ne faut pas oublier qu'en face de nous, nous avons les programmes de TF1 qui durent de plus en plus longtemps. Les séries américaines ne marchaient pas très bien face à nous, ils ont trouvé la parade. Maintenant, ils donnent les résultats de "The Voice" et "Danse avec les stars" dans une deuxième émission. La configuration a changé sur France 3 aussi. Avant, il y avait un journal, maintenant ce sont des fictions. Tout ce que je constate, c'est que nous sommes toujours leader.
Donc, pour vous, ce sont des paramètres exogènes qui expliquent la forte baisse d'"On n'est pas couché" cette saison ?
Encore une fois, les modes de consommation ne sont plus les mêmes. Comparons ce qui est comparable. Vous imaginez les scores que font les vidéos en ligne ? Nous avons une séquence entre Yann Moix et Nathalie Kosciusko-Morizet qui cumule 5,7 millions de vues. Vous vous rendez compte ? Évidemment que les gens nous regardent moins à la télévision !
"On serait à 11 ou 12% de parts d'audience, je vous dirais qu'il faut arrêter"
Si je résume, "tout va très bien, Madame la Marquise". Pour vous, "On n'est pas couché" est un format en bonne santé ?
Oui, clairement ! Avec les chiffres que je viens de vous donner, qui dirait le contraire ? On serait à 11 ou 12% de parts d'audience, je vous dirais qu'il faut qu'on s'arrête. Mais c'est encore loin d'être le cas. Et encore, dans mon bilan de la saison, je ne tiens pas compte des quatre derniers numéros. On a fait moins, je le savais, je l'avais dit à France 2. Il y a eu la finale de "The Voice", nous n'avions plus d'invités politiques et sans politique, nous ne pouvons pas lutter.
Vous dites que les modes de consommation ont changé mais des émissions comme "Quotidien" sur TMC ou "Salut les Terriens !" sur C8 ne sont pas en déperdition d'audience.
Dieu sait que j'aime Yann Barthès et que je trouve que "Quotidien" est la meilleure émission du genre actuellement. Ça n'empêche pas que, quand on lui fait faire des talk en deuxième partie de soirée sur TF1, il fait 600.000 ou 700.000. Quant à Thierry, je ne connais pas ses scores sur internet.
Pour le coup, "Quotidien" en deuxième partie de soirée, ce n'est pas la même chaîne et ce n'est surtout pas du tout le même contenu que le "Quotidien" d'access.
Alors mettons que le "Quotidien" classique soit en deuxième partie de soirée. Je ne pense pas qu'il ferait plus que nous, ce serait la même chose. J'imagine qu'il est un peu moins fort sur internet. Vous pourriez aussi très bien me parler d'Hanouna qui fait de très bons chiffres.
"Quotidien" ne ringardise pas "On n'est pas couché"
Sociologiquement, on peut penser que "Quotidien" et "On n'est pas couché" ont des publics relativement similaires. Est-ce que cette émission ne vous a pas un peu ringardisé cette saison ?
J'attendais que vous me le disiez. Mais ça, c'est ce que vous pensez ! Écrivez que je m'élève fermement contre ces propos. Je ne suis pas du tout d'accord avec ce que vous dites, vous ne pouvez pas comparer, ce n'est pas la même heure. Puis, on fait des interviews extrêmement longues. Demain, on serait en access, on ne ferait pas parler un politique pendant une heure comme on le fait en deuxième partie de soirée.
"Quotidien" est une nouveauté qui a créé l'événement cette saison. "On n'est pas couché" est installé depuis dix ans, avec toujours le même plateau, le même générique. Je vous repose la question : Est-ce que vous ne souffrez pas de la comparaison ?
Mais pourquoi je changerais le générique ? Vous croyez que si je le change, les gens vont venir ?
L'esthétique, ça compte pour renouveler une émission et lui permettre de durer.
Je reprends votre exemple. Regardez "Quotidien". J'adore cette émission mais c'est strictement la même chose que "Le petit journal". Yann Barthès ne fait pas autre chose sur TMC, c'est d'ailleurs ça qui est formidable. Mais ne me parlez pas de renouvellement. Ce qui compte, c'est le concept et la personne qui l'incarne.
"Je ne vois pas pourquoi on changerait le décor"
Vous ne toucherez donc pas non plus au décor la saison prochaine ?
Non, je le trouve très bien. Je ne vois pas pourquoi France 2 dépenserait de l'argent là-dedans. On peut changer la forme des rubriques, rajouter de nouveaux éléments mais changer le décor, je vous assure que ça nous ne ramènerait pas un point de part d'audience !
En parlant d'audience, votre meilleure performance de la saison remonte au mois d'avril, quand vous avez reçu vos anciens polémistes. Vous envisagez de le refaire ponctuellement ?
Non, c'était juste un coup, il n'y a pas de raison de le refaire. Si je les mettais tous les soirs, on retomberait au même niveau que les autres. En plus, cette émission a été programmée en pleine période politique, à une semaine de l'élection présidentielle. Et ils représentaient tous les avis, de Zemmour à Caron, vous avez tout l'éventail ! D'une droite extrême à une gauche très radicale... Je vais vous dire, c'était une idée géniale de Laurent Ruquier. Vous savez, ce ne sont que des caractères ces gens-là.
Ça a aussi prouvé qu'"On n'est pas couché" pouvait toujours créer l'événement...
Bien sûr qu'on le peut mais pour rester à ce niveau, il faudrait faire un coup chaque semaine. Ce n'est pas possible, nous ne sommes pas assez forts et je ne suis pas prête à faire n'importe quoi pour l'audience.
"Il n'y a aucune raison d'arrêter de travailler avec Vanessa Burggraf"
Depuis le début de la saison, Vanessa Burggraf fait l'objet d'un procès en incompétence. À aucun moment, vous n'avez envisagé de vous séparer d'elle?
Non, sûrement pas. Elle a eu du mal à prendre ses marques, c'est vrai. Parfois, elle s'est un peu précipitée. Je vais vous donner un exemple, on l'accuse d'avoir relayé une fake news face à Najat Vallaud-Belkacem. Ce n'est pas vrai. Elle s'est juste emballée en faisant un mauvais énoncé par rapport à la réforme de l'orthographe. Depuis, elle a pris de l'aisance. Il faut aussi rappeler qu'elle succède à Léa Salamé, ce n'est pas ce qu'il y a plus facile. Pour nous, il n'y a donc pas de raison réelle d'arrêter de travailler avec Vanessa. Et ce n'est pas le bashing qui pourrait me faire penser le contraire. La seule chose qui pourrait le justifier, c'est qu'elle n'y ait aucune complicité entre elle et Yann. Ce n'est pas le cas.
Vous ne vous êtes pas séparée de Natacha Polony quand elle ne s'entendait plus avec Aymeric Caron.
C'était la dernière année de leur duo et Natacha Polony s'est arrêtée d'elle-même.
Donc à partir du moment où Vanessa Burggraf s'entend bien avec Yann Moix et Laurent Ruquier, il n'y a pas de raison qu'elle s'arrête ?
Non.
Sa personnalité et ses compétences ne sont pas primordiales ?
Des compétences, elle en a. Elle s'apprête à faire des grands entretiens sur la politique extérieure pour France 24. Il ne faut pas oublier que c'est une journaliste à la base. Polémiste, ce n'est pas son métier.
"Pendant le fou rire de Vanessa Burggraf face à Philippe Poutou, nous étions tous écroulés en régie !"
Vous avez évoqué la séquence avec Najat Vallaud-Belkacem mais celle avec Philippe Poutou a également suscité de nombreuses réactions indignées.
Tout le monde peut avoir un fou rire ! On aurait pu le couper au montage, vous savez. Philippe Poutou, c'est un sacré filou ! Il s'est tellement servi de cette séquence. Vous voulez la vérité ? Après l'émission, je suis allé le voir dans sa loge pour lui dire que je lui avais accordé cinq minutes de temps de parole supplémentaires. Je pensais que c'était réglé et le lendemain, il nous en fout plein la gueule ! Mais soyons sérieux ! Il ne venait pas nous annoncer que quelqu'un était mort. C'était pas le plateau du lendemain des attentats. C'était juste une discussion politique, il y a eu un fou rire, ça arrive. Tout le monde en veut à Vanessa mais Laurent riait et en régie, nous étions écroulés ! Mais vous, les bien-pensants, vous écrirez que c'est un scandale.
Je constate juste que cette séquence a suscité des réactions et a contribué à cristalliser les critiques à l'encontre de Vanessa Burggraf...
Mais comme à une époque, Natacha Polony s'était fait "basher" après ses propos sur un défilé de John Galliano. Tout le monde lui était tombé dessus. Après, à la différence de Vanessa, Natacha, qui a un caractère beaucoup plus dur, peut appeler son journal, faire une tribune et rentrer dans tout le monde.
Polony, Zemmour, Naulleau, Caron... Ils suscitaient des réactions par opinions tranchées. Or, Vanessa Burggraf n'est pas dans l'idéologie. Ce n'était pas ce que vous cherchiez à la base ?
Léa n'était pas plus dans l'idéologie que Vanessa. Elles n'ont pas voulu être dans ce registre, ce n'est pas leur métier. Oui, au départ, c'était ce que nous cherchions mais heureusement, on ne fait pas tout le temps les mêmes choses.
Le clivage idéologique ne vous intéresse plus ?
Il n'y en a plus. Vous le voyez bien avec Macron. On s'inscrit dans ce mouvement-là.
Laurent Ruquier a récemment évoqué des changements mécaniques. Quelles évolutions prévoyez-vous pour la saison prochaine ?
Laurent fait toujours des améliorations. On va se voir très vite pour en parler. Il n'y aura pas de révolution. Vous voulez faire évoluer quoi d'autre ? Que les gens n'aillent plus dans le fauteuil pour faire l'interview ?
Nicole Ferroni a été testée à Cannes. Vous prévoyez d'en faire l'humoriste attitrée de l'émission à la rentrée ?
Ce n'était pas un test. On la connait, on ne pouvait pas être déçu. Elle a été géniale. Elle a fait 120.000 vues. Nicole, c'est un personnage. Elle continue à faire de la radio. Je n'ai pas plus insisté. En gros, c'est comme Nicolas Bedos, elle vient quand elle veut.
"Vincent Dedienne est le seul humoriste que je rêve d'avoir"
Vous n'aurez donc pas d'humoriste récurent à la rentrée ?
Non, on n'a pas trouvé. Il n'y en a qu'un que je rêve d' avoir - et c'est impossible -, c'est Vincent Dedienne.
Vous préparez une émission d'humour animée par Stéphane Bern pour le dimanche après-midi de France 2. Où en êtes-vous ?
Ce sera une émission d'humour co-écrite par Olivier de Benoist qui s'appellera "Code promo". L'idée, c'est d'apprendre à nos invités à faire de la promo, à travers des sketchs. Vous voyez le sketch "Break the Internet" que Nicolas Hulot a publié avec trois humoristes avant la Cop21 ? C'est exactement le même principe.
Caroline Got a rejeté le format "Face Off" que vous prépariez pour France 2. Vous avez essayé de vendre le format à une autre chaîne ?
Non, c'était trop tard. La direction précédente avait validé le format, nous avions déjà tourné quand on nous a dit que ce ne serait pas possible. Ca nous a filé un coup et une énorme frustration. J'espère qu'un jour, on pourra le relancer. C'était vraiment un talent show de service public. C'est dommage mais Caroline Got a envie de faire de l'humour.
C'est peut-être l'occasion de faire revenir "On ne demande qu'à en rire" ?
Vous savez, chaque fois qu'un nouveau patron arrive, il veut imprimer sa marque. Il veut des programmes qu'il a lui-même impulsés. Donc, on s'adapte et c'est ce que l'on fait avec l'émission d'humour de Stéphane Bern et Olivier de Benoist. Après, si vous me demandez si je regrette de ne pas faire "Face Off", la réponse est oui, énormément. De la même manière que je regrette beaucoup que mon projet d'émission culturelle animée par Christophe Ono-dit-Biot ne voie pas le jour. Un format où les artistes décryptent la société aurait pourtant sa place sur le service public. Quand vous lisez Zola ou Victor Hugo, que font-ils à part décrypter leur époque ? Je ne désespère pas que cela se fasse un jour sur France 3, France 4 ou France 5.
Vous avez d'autres projets pour la saison prochaine ?
Oui, un documentaire sur Florence Foresti qui sera bientôt diffusé sur C8. L'idée, c'est de proposer une soirée d'anthologie des sketchs de Florence dans "On a tout essayé" et "On n'est pas couché".
Cyril Hanouna a émis à de multiples reprises des critiques très féroces à votre encontre, estimant que vos productions étaient poussiéreuses. Que lui répondez-vous ?
No comment.