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Il y a trois ans, Disney était sorti frustré des négociations relatives à la chronologie des médias. Le groupe américain affichait, ce mercredi 29 janvier 2025, un tout autre visage. Sa plateforme de streaming, Disney+, est en effet la gagnante du nouvel accord qui régit le calendrier d'exploitation en ligne et à la télévision des films après leur sortie au cinéma.
Elle va pouvoir diffuser ses films et des productions françaises 9 mois après leur sortie en salles, contre 17 actuellement, en échange d'investissements dans le cinéma tricolore, ont annoncé les concernés ce mercredi. Disney+ dispose ainsi d'une meilleure position dans la chronologie que Netflix, qui doit patienter 15 mois en échange, en investissant 4% de son chiffre d’affaires dans le cinéma français. "Cela va nous permettre, dès le mois d'avril (le 25, ndlr), d'avoir 'Deadpool & Wolverine', qui a été un des gros succès de l'année dernière en salles en France", s'est réjouie auprès de l'AFP Hélène Etzi, la présidente France de Disney.
En échange de cet avantage, "Disney+ s'engage à investir 25% de son chiffre d'affaires net annuel généré en France pour financer des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles, européennes et françaises", contre 20% jusqu'alors (le minimum imposé par la loi depuis 2021), ont annoncé la plateforme et les organisations professionnelles du cinéma (BLIC, BLOC et ARP) dans un communiqué commun. "Disney+ s'engage sur un investissement sur trois ans, en achat et en préachat, dans la création cinématographique, et à financer un minimum de 70 films sur cette période en assurant une diversité de genres, et de budgets", est-il ajouté, sans montant précisé.
Les 25% annoncés mercredi seront ainsi répartis à parts égales (12,5%) la première année entre le cinéma et l'audiovisuel. La dernière année, 14% iront au cinéma, 11% à l'audiovisuel. Les représentants de l'audiovisuel (AnimFrance, SATEV, SEDPA, SPI, USPA), ont pris acte dans un communiqué de "la volonté du groupe Disney de faire évoluer sa plateforme vers un modèle qui fasse une plus large place au cinéma". Jusqu'ici, la répartition était plus favorable à l'audiovisuel, qui bénéficiait des trois quarts des 20% de chiffre d'affaires consacrés par Disney+ à la création française, le reste étant pour le cinéma.
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Si Disney est ravi, Canal+, qui avait décroché il y a trois ans le droit de diffuser les œuvres 6 mois seulement après leur sortie au cinéma, voit d'un très mauvais œil la meilleure fenêtre de diffusion accordée à son ancien partenaire.
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Quelques heures avant l'annonce de Disney, Canal+ a menacé de baisser ses investissements annuels dans le cinéma, aujourd'hui de 220 millions d'euros. Ce montant "baissera nécessairement, la question c'est de combien", a déclaré le président du groupe audiovisuel, Maxime Saada, auditionné au Sénat.
D'après lui, la somme proposée par Disney+ s'élève à "115 millions d'euros" sur trois ans pour le cinéma, soit "38 (millions) par an en moyenne". "C'est là où on a un petit sujet : si Disney est à 9 mois pour 35 millions d'euros, pour Canal+, il y a un sujet des 220 millions d'euros à 6 mois", a expliqué le dirigeant. "La question pour les organisations du cinéma (...) c'est : 'Est-ce qu'elles préfèrent un modèle dans lequel Canal+ contribue largement', quitte à dépendre de lui, "ou est-ce qu'elles veulent se libérer de cette dépendance, mais prendre le risque de perdre 150 ou 200 millions d'investissements du groupe Canal ?", a-t-il lancé. Initialement, Canal+ était "prêt à signer" afin de reconduire pour cinq ans l'accord à 220 millions d'euros, mais "les organisations du cinéma" ne l'ont "pas souhaité", a affirmé Maxime Saada.
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La fenêtre de diffusion des chaînes en clair (TF1, France Télévisions, Arte, M6), elle, ne devrait pas évoluer. Elles peuvent diffuser les films 22 mois après leur sortie en salles. Dans un entretien à Puremédias publié le 15 janvier 2025, Stéphane Sitbon-Gomez, directeur des antennes et des programmes de France Télévisions, avait son avis sur la question. "Les chaînes en clair ne peuvent pas être les dindons de la farce d'un accord entre les plateformes payantes. Il y a un besoin d'une exposition gratuite du cinéma pour financer les œuvres et renforcer la cinéphilie des Français. Il est donc important qu'il y ait des fenêtres de diffusion qui ne soient pas captées par des plateformes de streaming. Je crois que nous pouvons tous nous dire que nous sommes tardifs dans la chronologie. Dans un monde où tout s'accélère, c'est un problème pour les œuvres."
La chronologie des médias 2025-2028 (en attente de la signature)
DVD/Blu-ray/VOD) : 4 mois
Canal+ / OCS : 6 mois
Disney+ : 9 mois
Netflix : 15 mois
Amazon Prime Video / Paramount+ / Max : 17 mois
TF1, M6, France Télévisions, Arte : 22 mois
Plateformes VOD : 36 mois
La chronologie des médias 2022-2025
DVD/Blu-ray/VOD : 4 mois (3 mois si le film a fait moins de 100.000 entrées)
Canal+ / OCS : 6 mois
Netflix : 15 mois
Disney+, Amazon Prime Video, Apple TV+... : 17 mois (exclusivité de cinq mois en cas de vente du film à des chaînes gratuites)
TF1, M6, France Télévisions, Arte : 22 mois, et exclusivité de diffusion jusqu'à 36 mois