Les médias publics au coeur de la crise en Algérie. Dimanche soir, sur la chaîne publique Canal Algérie, la journaliste Nadia Madassi a lu en direct des extraits de la lettre adressée par le président Abdelaziz Bouteflika à ses concitoyens. Dans celle-ci, le dirigeant de 82 ans confirmait son intention de prétendre à un cinquième mandat, malgré la contestation massive déclenchée dans le pays par sa candidature. Illustration du malaise actuel, Nadia Madassi vient de démissionner de la présentation du journal de Canal Algérie.
Selon un de ses collègues, cité par l'AFP, Nadia Madassi a "été mise mal à l'aise" par le fait de devoir lire cette lettre qui lui a été remis "à la dernière minute". "Elle a très mal vécu cet épisode, elle a décidé de ne plus présenter le JT et de rejoindre la rédaction. C'est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Depuis le début des manifestations, on ne nous laisse pas travailler", explique ce collègue. Nadia Madassi était une figure de l'audiovisuel public algérien où elle présentait le journal télévisé de 19 heures - équivalent du "20 Heures" - depuis quinze années.
Ce retrait intervient dans un contexte de malaise dans les médias publics d'Algérie. Samedi dernier, Meriem Abdou, rédactrice en chef de l'antenne francophone de la radio nationale, la Chaîne 3, a démissionné après que les manifestations de la veille contre le nouveau mandat du président Bouteflika ont été passées sous silence. "En tant que journaliste, je n'accepte pas cela et je ne souhaite plus faire partie de l'encadrement de cette chaîne", avait-elle expliqué ce week-end à l'AFP. Le lendemain, les journalistes des radios publiques adressaient une lettre collective à leur directeur, clamant : "La radio algérienne appartient à tous les Algériens. Notre devoir est de tous les informer". Evoquant d'"extrêmes tensions au sein des rédactions", ils appelaient le directeur général de la radio nationale, Chabane Lounakel, à travailler avec eux "dans le seul intérêt d'informer en toute objectivité" les Algériens.
Le même jour, Adel Salakdji, directeur de l'information de la chaîne de télévision publique ENTV, a été démis de ses fonctions pour des raisons qui n'ont pas été communiquées. Jeudi, à Alger, une dizaine de journalistes algériens qui participaient à un rassemblement contre la censure imposée par leur hiérarchie avaient été arrêtés avant d'être relâchés. Pour rappel, affaibli par ses problèmes de santé, le président Bouteflika s'est engagé, s'il est réélu le 18 avril prochain, à ne pas terminer son mandat et à céder la main à l'issue d'une présidentielle anticipée, organisée après une conférence nationale devant réformer le régime actuel. Des engagements qui ne sont pas parvenus à calmer la mobilisation des opposants au cinquième mandat.