Les dirigeants de Canal+ ont-ils menti devant les sénateurs ? Auditionnés hier, Vincent Bolloré, président du conseil de surveillance du groupe audiovisuel, et Maxime Saada, directeur général, ont assuré qu'il n'y avait eu aucune censure concernant un documentaire sur le Crédit Mutuel commandé par Canal+ et finalement déprogrammé en mai 2015, avant d'être diffusé par France 3 en octobre.
"Je n'ai pas le pouvoir physique ou moral d'aller demander à qui que ce soit d'aller retirer quoi que ce soit. Je suis obligé de passer par la voie hiérarchique. Je ne peux pas me présenter dans une régie en disant : supprimer tout ceci. Tout cela sont des blagues pour éviter la diète", a expliqué Vincent Bolloré hier devant les sénateurs à ce sujet. "Il n'y a jamais eu la moindre intervention, quelle qu'elle soit, de la part de Jean-Christophe (Thiery, président du directoire de Canal+, ndlr), de Vincent Bolloré, du directoire de Vivendi, sur un programme dans la galaxie des chaînes Canal+, que ce soit les chaînes d'information, les chaînes payantes ou les chaînes gratuites. Ca c'est très clair !", a pour sa part ajouté Maxime Saada.
Et de livrer publiquement sa version des faits sur l'affaire, près d'un an après les faits : "On avait validé le Crédit Mutuel. J'ai été appelé par la société qui produisait le doc pour me dire que nous ne serions pas livré dans les temps de ce documentaire. Entre-temps, le documentaire qui était co-produit par la société qui s'appelait KM à l'époque et Médiapart, a été révélé par Médiapart", a-t-il raconté.
"J'attendais la diffusion de ce programme qui ne m'était pas livré et un moment, j'ai jugé tout seul que je n'étais plus intéressé par ce documentaire que nous avions financé, parce que les informations étaient sorties. Ce qui intéresse nos abonnés, c'est quand il y a des révélations. Quand ces révélations sont sorties, ça ne nous intéresse plus", a expliqué Maxime Saada, soulignant un peu plus tard que si France Télévisions a finalement diffusé le doc, c'est parce que "nous l'y avons autorisé".
Faux et archi-faux selon Nicolas Vescovacci, coréalisateur du documentaire. "Vincent Bolloré lui-même, le 25 septembre, a reconnu devant une centaine de journalistes d'iTELE que Michel Lucas (le patron du Crédit Mutuel, ndlr) l'avait appelé en direct pour lui signaler ce reportage qu'il jugeait partial, et qu'il avait transmis le dossier à Rodolphe Belmer" (alors directeur général de Canal+, ndlr)", a déclaré le réalisateur à l'AFP. Et d'ajouter : "C'est lui qui a censuré ce film, et M. Saada est complice de cette censure".
"Il est tout aussi faux que Canal ait autorisé France Télévisions à diffuser ce film", a poursuivi le réalisateur. "Ils ont au contraire tout fait pour empêcher sa diffusion", rapporte Nicolas Vescovacci. Ce dernier conteste aussi l'affirmation de Maxime Saada selon laquelle Canal+ aurait déprogrammé le film car il ne l'intéressait plus puisque "les informations étaient sorties dans Mediapart". "Ils ont changé de version, car ils avaient d'abord nié la déprogrammation. Et la chronologie leur donne tort car le documentaire donnait bien plus d'informations que celles parues dans Mediapart", a-t-il expliqué.
Le collectif "Informer n'est pas un délit", dont fait partie Nicolas Vescovacci, s'est dit pour sa part "estomaqué de ces mensonges répétés". "Nous avons les preuves de cette censure sur le Crédit Mutuel. Il est intolérable qu'un grand patron de chaîne puisse mentir ouvertement aux institutions sur ce sujet grave du droit à l'information", a-t-il estimé.