C'est la caution histoire et patrimoine du dispositif de France Télévisions. Franck Ferrand a fait l'objet, ce vendredi 14 juillet 2023, d'une enquête de "Libération", intitulée : "Qui est vraiment Franck Ferrand, l'historien controversé du Tour qui embarrasse France TV ?". Dans cette enquête étayée, le journal passe au crible les déclarations passées de Franck Ferrand, qualifié d''admirateur d'Éric Zemmour' et de "relais de thèses complotistes".
Le journal épluche ainsi le CV médiatique de l'historien, dont "l'image a évolué", estime-t-il. "Au départ, Franck Ferrand était perçu comme un Lorànt Deutsch ou un Stéphane Bern, ces personnalités mondaines fascinées par les grands hommes qui racontent de belles histoires sur un pays royaliste et chrétien", résume "Libération".
"Depuis janvier 2021, sa tribune dans le média d'extrême droite 'Valeurs actuelles', qu'il a rejoint en même temps que CNews – une chaîne 'très clairement d'extrême droite', a récemment commenté le ministre de l'Éducation nationale, Pap Ndiaye –, dévoile une facette supplémentaire de l'animateur", écrit "Libération". Dans l'entre-deux-tours de la présidentielle 2022, Franck Ferrand a estimé "qu'en dehors d'Éric Zemmour, l'automne dernier, personne n'a su placer le débat public au niveau requis".
Série d'exemples à l'appui, le journal affirme, par ailleurs, pour décrire l'idéologie de Franck Ferrand, que la "vision réactionnaire de l'histoire et les relais de thèses complotistes de cet admirateur d'Éric Zemmour dérangent le groupe public". France Télévisions aurait, en effet, reporté puis annulé le rendez-vous de Franck Ferrand avec "Libération". Le groupe aurait également refusé tout échange téléphonique "pour protéger Franck Ferrand".
"On est très satisfait de ce qu'il fait", se défend pour autant Pascal Golomer, directeur délégué aux sports du groupe public, qui rappelle la méthode de travail de l'historien sur le Tour de France. "Il s'appuie sur les notices établies chez ASO (Amaury sport organisation, organisateur du Tour de France, ndlr) à partir du réalisateur Anthony Forestier et de ses repérages, des renseignements recueillis auprès des collectivités, des informations glanées auprès des personnalités locales et de l'aide aux commentaires réalisée, pour la partie géologique, par Patrick de Wever, du Muséum national d'histoire naturelle".
Quant aux collaborations de Franck Ferrand avec "Valeurs actuelles" et CNews ? Elles "ne me dérange(nt) pas si à l'antenne on n'est pas sur des positions qui ne correspondraient ni à nos valeurs ni aux engagements qu'on peut prendre. On ne va pas faire la police de la pensée", conclut Pascal Golomer.
À ce propos, le lien de cause à effet établi par "Libération" entre l'arrivée de Franck Ferrand à CNews et "Valeurs actuelles" et la dégradation de son image a fait sauter au plafond Gauthier Le Bret, ce samedi 15 juillet 2023. "Je me dis que nous deux, CNews, 'Valeurs actuelles', notre image de sympathie est écornée visiblement", a ironisé le journaliste politique de CNews, aux commandes de la déclinaison estivale de "L'heure des pros", en apostrophant Jules Torres, son homologue de "Valeurs actuelles" présent autour de la table.
"Cet article est un modèle du genre", a repris Jules Torres. "On met tous les mots, tous les poncifs : extrême droite, complotiste... Mais quand on lit bien entre les lignes de cet article, on lui reproche quoi en fait à Franck Ferrand ? On lui reproche d'être populaire. Le journaliste (de 'Libération') fait parler des historiens jaloux. Franck Ferrand n'est pas historien, il est vulgarisateur d'histoires (...) On lui reproche quelques petits mots mais il n'y a rien de concret", s'est-il indigné.
Plus globalement, l'enquête de "Libération" a provoqué une levée de boucliers au sein de la famille des éditorialistes réguliers de CNews. À titre d'exemple, Mathieu Bock-Côté a ainsi accusé "les commissaires politiques de 'Libé'" de faire "tout ce qu'ils peuvent et utilisent tous les mots-clefs disponibles pour transformer en paria un historien brillant et un essayiste remarquable" et s'est indigné de la satisfaction de Sonia Devillers, incarnation de France Inter, qui a applaudi des deux mains l'enquête de "Libération".
Si "Franck Ferrand n'est pas historien", dixit Jules Torres, il a été nommé, le mois dernier, à la direction éditoriale d''Historia', une revue que vient d'acquérir LVMH. Une nomination "publiquement contestée dans une lettre ouverte signée du comité éditorial du mensuel de vulgarisation historique", relate "Libération". "Des questions se posent quant à ses chroniques dans 'Valeurs actuelles' qu'il a rejoint il y a deux ans (...) Certaines de ses approches historiques suscitent la controverse dans la sphère académique", a jugé par ailleurs le comité éditorial de la revue.
"Le vulgarisateur contribue à propager l'idée, fausse, selon laquelle le site d'Alésia, qui opposa les Gaulois et les Romains lors de la conquête des Gaules, se trouve dans le Jura, à Syam et à Chaux-des-Crotenay, et non en Bourgogne, dans la commune d'Alise-Sainte-Reine, comme le documentent pourtant les historiens et les archéologues depuis le XIXe siècle", cite, par exemple, "Libération".