Hugo Clément de retour sur France 2. Quatre ans après avoir quitté la chaîne publique pour rejoindre Yann Barthès dans "Le Petit Journal" sur Canal+ puis "Quotidien" sur TMC, et après un passage à Konbini, le journaliste fait son retour sur la Deux. Ce soir, il prendra les commandes de "Sur le front", un nouveau magazine qu'il produit via sa société Winter Productions, et s'intéressera pour cette première aux océans, sans oublier une déclinaison spéciale déjà lancée sur France TV Slash. puremedias.com a rencontré Hugo Clément pour évoquer avec lui ces nouveaux projets.
Propos recueillis par Kevin Boucher.
puremedias.com : Vous lancez "Sur le front" ce mardi, une collection de quatre numéros sur l'écologie. Pourquoi commencer par les océans ?
Hugo Clément : C'est difficile de faire une hiérarchie entre toutes les urgences sur le thème environnemental mais s'il faut en faire une, ce sont peut-être les océans qui sont le plus urgemment menacés. Les stocks de poissons sont en train de s'effondrer, le réchauffement de la température de l'eau menace vraiment de manière imminente les écosystèmes comme les récifs coralliens et, tout simplement, nous avons besoin des océans pour vivre. Si les océans meurent, nous mourons. Et ce n'est pas simplement une formule en l'air. On dit souvent que l'Amazonie est le poumon de la planète mais c'est son poumon vert. Son vrai poumon, en termes de production d'oxygène, ce sont les océans puisqu'ils produisent environ 50% de l'oxygène que nous respirons. Si les écosystèmes marins disparaissent, la planète ne sera plus habitable pour les êtres humains. C'est un enjeu primordial, fondamental. Et ce qui est en train de se passer, c'est maintenant.
Pour vous, quelle doit être la réaction des téléspectateurs après avoir vu ce premier numéro ?
Nous aimerions que les téléspectateurs se rappellent à quel point notre planète est incroyable, avec des écosystèmes magnifiques, qu'ils aient aussi appris des choses et découvert des images inédits, des espèces qu'ils ne connaissaient pas et des lieux exceptionnels. Nous souhaiterions aussi qu'ils s'aperçoivent qu'il y avait un grave problème dont nous devons prendre conscience. Enfin, nous avons envie que les gens aient envie de se battre aussi pour l'environnement, comme nous le montrons. Nous voulons à tout prix éviter le catastrophisme. C'est pour cela que, dans chaque séquence, il y a de l'espoir, des solutions, des opposants...
"Nous avons travaillé pendant six mois, dont deux mois de tournages, pour ce premier numéro"
Sur la forme, quelle est la touche Hugo Clément ?
Nous assumons certaines inspirations, notamment envers "Ushuaïa Nature" de Nicolas Hulot avec toutes les séquences de plongée. Il y a de l'investigation, nous mettons le pied dans la porte là où les gens ne veulent pas de nous. Et ma marque de fabrique depuis un petit moment maintenant : le reportage incarné où l'idée n'est pas d'aller faire un plateau et de partir mais de rester plusieurs semaines, tisser des liens avec les locaux...
De combien de temps avez-vous besoin pour préparer un numéro de "Sur le front" ?
Nous avons travaillé pendant six mois, dont deux mois de tournages, pour ce premier numéro. Il y a beaucoup d'enquêtes, beaucoup de préparation... Les séquences avec les cartels, nous ne pouvons pas les obtenir en un claquement de doigts par exemple. Et il y a aussi un gros travail de montage.
Vous consacrez quelques minutes dans l'émission à votre arrestation pendant le tournage en Australie. Etait-ce nécessaire de le montrer ?
Oui, pour plusieurs raisons. Déjà, toute la presse en a parlé donc cela aurait été bizarre de ne pas le diffuser. Ensuite, et surtout, cela dit quelque chose de la tension là-bas, autour du sujet du charbon, que les autorités ne veulent pas que la presse internationale s'intéresse à ce sujet. Enfin, cela conditionne totalement notre enquête, puisque nous ne pouvions plus nous approcher des sites miniers et nous devions alors trouver des moyens détournés pour montrer et découvrir. Sans l'arrestation, on ne peut pas comprendre pourquoi nous n'y allons pas simplement.
Ne craignez-vous pas que l'arrestation soit la séquence principale qui ressorte de l'émission ?
En l'occurence, les reprises autour de l'arrestation ont déjà eu lieu, au moment où elle a s'est produite. Il y avait déjà eu des images. Après, nous ne maîtrisons pas ce que la presse reprenne. Et ce n'est pas mon objectif. Ce qui m'intéresse, c'est que les téléspectateurs regardent l'émission, trouvent cela intéressant et se posent des questions sur les actions à faire pour améliorer les choses.
"Nous avons tout fait pour réduire notre bilan carbone"
Ces enquêtes nécessitent beaucoup de voyages. On peut s'interroger sur le bilan carbone de l'émission.
Les émissions de télévision polluent, c'est un constat. Soit nous acceptons de prendre notre part de bilan carbone et nous faisons une émission sur l'environnement, soit nous décidons de ne pas avoir de bilan carbone et de ne pas faire d'émission sur l'environnement. Nous avons tout fait pour réduire notre bilan, en ne partant qu'à quatre : deux cameramens, le réalisateur et moi. Nous ne pouvons pas faire moins.
En décembre 2017, alors que vous quittiez "Quotidien" sur TMC pour Konbini, vous disiez sur France Inter avoir envie de vous adresser à un public jeune, qui délaissait de plus en plus la télévision. Est-ce toujours le cas ?
Bien sûr. C'est pour cela que "Sur le front" a deux bras : le linéaire en prime time sur France 2 qui vise un grand public avec une large audience et le numérique avec un contenu exclusif chaque semaine sur Facebook, Instagram et France TV Slash, qui vise un public plus jeune. Pour moi, c'était indispensable et essentiel. C'est la situation idéale. Et il est hors de question d'arrêter le numérique pour ne faire que de la télévision classique. Potentiellement, nous pouvons ainsi toucher 100% de la population.
"Evidemment qu'un prime time documentaire sur France 2 est moins regardé par les jeunes"
Parler aux jeunes sur France TV Slash et les réseaux sociaux, cela est compréhensible. Mais sur France 2, cela est une mission compliquée voire impossible. La moyenne d'âge le mardi en prime time est de 58,4 ans. Pour sa part, "L'émission pour la terre" affichait une moyenne de 59,8 ans, avec seulement 11,2% du public de moins de 35 ans, soit 273.000 personnes.
C'est déjà pas mal, non ? Cela fait déjà 3 ou 4 Stades de France ! (Sourire)
Mais c'est moitié-moins que "Quotidien", "Touche pas à mon poste" ou "Les Marseillais", et même trois fois moins que "N'oubliez pas les paroles".
Evidemment qu'un prime time documentaire sur France 2 est moins regardé par les jeunes. Mais l'objectif est de les intéresser, tout en parlant à un public plus âgé auquel je ne m'adresse pas forcément habituellement. Et le public jeune sera principalement visé via France TV Slash et les réseaux sociaux.
Depuis quelques semaines, vous avez justement lancé une déclinaison de "Sur le front" sur Slash et les réseaux sociaux. Qu'est-ce qui fonctionne le plus : la plate-forme France Télévisions ou vos réseaux sociaux ?
Je pense que nous n'avons pas les mêmes publics, et c'est ce qui est intéressant. Slash a considérablement augmenté son nombre d'abonnés depuis notre lancement fin août. Et l'idée est que les personnes qui me suivent s'intéressent aussi aux contenus de France Télévisions. Mais l'ensemble est une seule et même marque : "Sur le front", avec une même ligne éditoriale, que ce soit en prime time sur France 2, sur mes réseaux sociaux ou sur Slash.
Slash vous permet-il aussi de diffuser des sujets qui ne pourraient pas l'être sans une signalétique forte à la télévision ? Les sujets sur les dauphins ou les porcelets étaient particulièrement difficiles à regarder.
C'est une bonne question. Après, sur les réseaux sociaux, vous avez désormais les "voiles noirs" où vous devez cliquer sur l'image, où l'on vous prévient qu'il s'agit d'un contenu potentiellement choquant. Je trouve que la question se pose encore plus puisqu'à mon sens, l'impact est encore plus fort que la signalétique télévisée. Après, pour les deux sujets que vous évoquez, ils ont toujours été pensés pour Slash.
"Cela ne me dérange pas du tout de changer régulièrement d'employeur"
L'aventure Konbini a duré un an et demi. Cela a pu donner l'impression d'une parenthèse plus que d'une nouvelle aventure.
Non, ce n'était pas une parenthèse. Cela m'a apporté beaucoup de compétences pour faire de l'information sur les réseaux sociaux, de quoi faire un contenu plus créatif. J'ai aussi rencontré plein de personnes qui travaillent toujours avec moi. Quand France 2 m'a fait cette proposition, avec du numérique et de la télévision, sur la thématique qui me tient le plus à coeur, elle était parfaite pour moi. Et je pense qu'il y a quelque chose de très générationnel. Cela ne me dérange pas du tout de changer régulièrement d'employeur. Les gens de mon âge n'ont plus du tout la vision de passer 50 ou 60 ans dans une même boîte, en gravissant petit à petit les échelons.
Vous n'avez donc pas du tout hésité à revenir à la télévision que vous aviez quitté un an et demi plus tôt ?
Pas du tout puisque j'ai toujours dit que j'étais très attaché à la télévision et qu'elle avait de l'avenir. Je voulais mettre le paquet sur les réseaux sociaux, et c'est pourquoi j'ai quitté "Quotidien". Maintenant que je peux conjuguer cela avec la télévision, c'est parfait.
Vous avez créé votre boîte de production, Winter Productions, avec Régis Lamanna-Rodat. Pour le moment, vous vous consacrez à 100% à "Sur le front" ou vous envisagez de produire d'autres programmes ?
Me concernant, c'est 100% "Sur le front" pour l'instant, de par mon exclusivité avec France 2. Mais la société peut développer d'autres projets pour d'autres diffuseurs, peu importe le support. Certains sont déjà en cours.
Vous pourriez présenter une autre émission que "Sur le front" cette saison sur France 2 ?
En théorie, c'est possible. Mais ce n'est pas d'actualité puisque "Sur le front" me prend 100% de mon temps, entre les quatre primes et les sujets hebdomadaires.
"Je n'ai jamais appelé à voter pour un parti et je ne le ferai jamais tant que je serai journaliste"
Lors des élections européennes, vous vous êtes félicité des résultats écologistes. En tant que journaliste, peut-on se féliciter du score d'un parti politique ?
Je n'ai pas félicité les Verts. J'ai dit, globalement, qu'en Europe, les partis écologistes au sens large recueillant de plus en plus de suffrages était une bonne nouvelle car cela montrait un éveil des consciences, y compris d'un point de vue politique. Je voulais souligner l'ambition écologique avant tout. Je n'ai jamais appelé à voter pour les Verts, je n'ai jamais appelé à voter pour un parti et je ne le ferai jamais tant que je serai journaliste. Ce n'est pas mon rôle. Par ailleurs, d'autres médias très traditionnels prennent souvent position, notamment via des éditos, comme "Le Monde", "Libération" et d'autres.
Pourrait-on vous voir dans un événement écologiste organisé par un parti politique ?
Je ne fais pas ce genre de choses. Si on m'invite pour parler d'un sujet dans des universités, comme je le fais parfois, j'accepte avec plaisir. Mais je n'ai pas envie de servir des ambitions personnelles et politiques.
"Le journalisme politique est une page qui est tournée"
Vous pourriez revenir au journalisme politique ?
Non, c'est une page qui est tournée. Faire les meetings, les déplacements, interroger les candidats, cela ne m'intéresse plus. J'en ai beaucoup fait, c'était passionnant. Et je suis un peu fatigué de ce microcosme politique. Même si aujourd'hui tout est un peu politique, y compris l'écologie.
Quand on tape votre nom sur Google, on retrouve un grand nombre de papiers concernant votre vie privée. Ne craignez-vous pas que cela puisse éclipser en partie le côté journaliste engagé ?
Non. Je ne mets pas plus en avant ma vie privée qu'une autre personne de mon âge sur les réseaux sociaux. Je me comporte comme n'importe quel jeune de 30 ans, bien dans son couple, amoureux de sa copine et qui attend un enfant. Pour moi, cela ne nuit en rien à la qualité de mon travail, au sérieux de l'investigation. Au contraire même. Je suis quelqu'un de normal, avec une vie normale et, quand je vois une jolie photo de paysage ou de ma femme, j'ai envie de la partager. Et visiblement, cela fait aussi plaisir à mes abonnés.
Ce truc de dire que les journalistes ne doivent être que des machines dépourvues de sentiments, je trouve cela nul. Nous sommes des gens normaux. Et j'ai aussi remarqué que, lorsque vous essayez de cacher quelque chose, c'est là que la presse people vous suit et essaye d'avoir des informations, quitte à raconter n'importe quoi. Avec Alexandra (Rosenfeld, ndlr), nous n'avons rien à cacher. Et en publiant comme nous le faisons, en faisant attention, personne ne nous embête.
C'est aussi pour cette raison que vous avez accordé plusieurs pages avec des photos posées à "Gala" il y a quelques mois ?
C'était de la promotion pour la sortie du livre. Et nous en parlions dans l'article. Après, ce sont les journalistes qui posent des questions sur la vie privée. Moi, je réponds car je ne vais pas faire de la langue de bois comme les politiques. Surtout qu'il n'y a aucune honte, aucun tabou. Cela fait partie de la vie, c'est tout. Et je pense que ce sont des problèmes de journalistes, vraiment. Aucun de mes abonnés ne m'a jamais dit qu'il ne voulait pas voir ma vie privée.
Pour terminer, la radio est-elle un média qui vous intéresse ? Selon nos informations, vous avez enregistré un pilote pour NRJ il y a quelques mois.
J'ai fait plein de trucs avec plein de monde, avant de m'engager avec France Télévisions. Mais je ne vous dirai pas qui. (Rires) Mais encore une fois, c'est de la curiosité. Je ne me repose jamais sur mes acquis. Je vais toujours chercher ce que je pourrais faire d'autre, ce que je pourrais apprendre.