Un sein indésirable. Pour son prochain film "Madres Paralelas" (mères parallèles, ndlr.) Pedro Almodóvar a confié la conception de son affiche au graphiste Javier Jean. Célèbre artiste espagnol ayant déjà réalisé des couvertures pour le "New York Times" ou le "Washington Post", c'est à l'issue d'un rapide visionnage d'une ébauche du film que Javier Jean trouve l'idée de son affiche. Le long-métrage retrace l'histoire de deux femmes au destin parallèle qui vivent une grossesse non désirée. L'affiche, en noir et blanc sur fond rouge, représente un téton de femme duquel s'échappe une goutte de lait, mais la forme l'entourant simule un oeil et une larme. Une image symbolique qu'Instagram a immédiatement censuré sur le profil du graphiste.
Les conditions d'utilisation du réseau social stipulent que la nudité n'y est pas autorisée, à quelques exceptions près comme "les images illustrant l'allaitement, les moments pendant et après l'accouchement ou des interventions dans le domaine médical". Malgré cela l'image a été supprimée... aléatoirement. En effet, si le graphiste a vu son post être retiré, ceux des actrices principales du film Pénélope Cruz et Aitana Sánchez-Gijón n'ont pas été impactés.
"Comme prévu, Instagram a retiré l'affiche que nous avions réalisée", a déclaré le graphiste après avoir publié une seconde fois son oeuvre. Javier Jean s'est également confié à "El Diario.es" : "Ils ont supprimé la publication et aujourd'hui (le 10 août, ndlr.), j'ai reçu une alerte indiquant que mon compte pourrait être suspendu. Et le plus grave, c'est qu'il n'y a pas de téléphone, de compte mail, nulle part où aller quand cela arrive pour pouvoir en parler avec un être humain." Dans une autre entrevue donnée le 10 août au média espagnol "El País", le graphiste "trouve cela un peu triste". "Je n'ai toujours pas compris ce qu'il y avait de si controversé. Qui devrions-nous protéger de cette image ?", s'est-il interrogé.
Un porte-parole de Facebook, qui a racheté Instagram en 2012, s'est justifié auprès d'"El Diario.es" : "Nous avons initialement supprimé plusieurs publications de cette image pour avoir enfreint nos règles contre la nudité. Toutefois, nous faisons des exceptions pour autoriser la nudité dans certaines circonstances, par exemple lorsqu'il existe un contexte artistique clair. Nous avons donc rétabli les posts qui partageaient l'affiche du film d'Almodovar sur Instagram. Nous sommes vraiment désolés pour la confusion causée." Les différents posts Instagram censurés ont donc été de nouveau rendus visibles et accessibles par la plateforme.
Une censure qui agace de plus en plus. Toujours dans son interview pour "El País", le graphiste Javier Jean s'interroge : "Peut-être pensons-nous qu'il n'est pas très normal qu'une entreprise privée, totalement opaque, décide de ce qui est moral et légal. Ce que nous pouvons voir et ce que nous ne pouvons pas voir. Ce qui est bien et ce qui est mal. C'est étrange et il est temps d'en débattre." Il poursuit : "nous devons commencer à examiner qui décide de ce qui est bien et de ce qui est mal et, surtout, dans quel intérêt ils le font. Ces politiques sont inacceptables." Les utilisateurs aussi se lèvent contre ces censures abusives, tout d'abord avec le #FreeTheNipple (#LibérezLeTéton, ndlr), mouvement qui a été suivi par des stars comme Miley Cyrus ou Rihanna. Différentes femmes ont également remplacé dans des posts Instagram leurs poitrines par des bustes d'homme qui eux sont très rarement blâmés.
"Madres Paralelas" sortira le 10 septembre dans les salles espagnoles et ouvrira la 78e édition de la Mostra de Venise dans laquelle il sera en lice du 1er au 11 septembre. Le film sortira en France le 1er décembre prochain.