Nouvelle marque dans la galaxie "Quotidien". Ce mercredi 8 septembre à 21h05, un membre du talk à succès de TMC, Julien Bellver, présentera sa première émission, "21h Médias", une déclinaison grandeur nature de sa rubrique quotidienne "19h30 médias". Le trentenaire, ancien journaliste et rédacteur en chef de puremedias.com, passé par Canal+ et par France 5, fait partie depuis la rentrée 2017 de l'équipe de Yann Barthès. Pour ce numéro inaugural, cette production Bangumi s'attardera sur la journée historique du 11 septembre 2001 du point de vue de son traitement médiatique à la fois en France et à l'étranger. puremedias.com a rencontré Julien Bellver pour évoquer cette nouveauté, mais aussi son regard sur la sphère médiatique.
Propos recueillis par Christophe Gazzano
En quittant Pure Médias en 2017, imaginiez-vous vous retrouver à la tête d'un prime time sur TMC quatre ans plus tard ?
Non (sourire). Je n'ai jamais pensé à cela. Mais ce prime est une suite logique du "19h30 médias" qu'on a lancé vraiment en septembre de l'année dernière après l'avoir testé en fin de saison précédente. On a gardé le même nom, "21h Médias" puisque cela va être un "19h30" XXL pendant 90 minutes autour d'un sujet, le 11 septembre. Il y a tellement de ressources et d'images qui existent qu'il y avait largement de quoi faire un doc de 90 minutes. Nous avons interrogé des journalistes présents à l'époque comme Elise Lucet, David Pujadas, Michel Moutot, journaliste de l'AFP qui a écrit la première dépêche sur le sujet ; Thomas Legrand, à l'époque grand reporter pour RTL, qui a été le premier à annoncer la nouvelle à l'antenne, six minutes après l'impact et Laurence Haïm, qui était sur place pour Canal+ et iTélé. Mais nous n'avons pas pu récupérer ses images de Canal+, car elles n'existent plus.
Il n'y a pas d'explication concernant cette disparition ?
Non. Elles ont été détruites ou alors il n'y a pas eu d'archivage. C'est dingue.
Comment est né ce prime time ?
Cela faisait longtemps qu'on se disait qu'il fallait faire un prime, mais nous n'avions pas trouvé la bonne formule. Laurent Bon, le producteur, a pensé qu'aborder un seul événement, c'était la bonne idée. Très vite, nous avons pensé au 11 septembre, avec les 20 ans. On en avait déjà parlé un peu en milieu d'année dernière, puis l'idée était un peu partie. Et fin juin, TF1 nous a suggéré un prime sur le 11 septembre qui s'inscrirait dans la semaine spéciale programmée par le groupe. J'ai donc un peu retardé mon départ en vacances et nous avons bossé une bonne partie du mois de juillet ainsi qu'à mon retour au mois d'août pour que tout soit prêt à temps.
Ce "21h Médias" sera-t-il un tout en images ?
C'est vraiment très proche de "19h30 Médias" avec 95% d'images et des plateaux pour lancer et chapitrer le prime. Mais on est seulement sur la journée du 11 septembre - avec quelques mots sur le 12 - avec le début des éditions spéciales et leur fin vers 0h. Cela se présente sous une forme documentaire très chronologique : le 11 septembre vu par les médias. Entre chaque chapitre, je suis présent en plateau pour raconter le chapitre à venir. Il y en a sept en tout. Il y a des zooms sur des moments particuliers de la journée, sur des documents tels que celui de Mark LaGanga, journaliste à CBS à l'époque, qui a tourné pendant 25 minutes au pied des tours. On a un autre document de Mark Heath, qui n'est pas journaliste mais anesthésiste à Columbia, qui avait une passion, celle de filmer les tours jumelles. Quand il a vu ce qu'il se passait, il y est allé.
Y a-t-il encore des choses à apprendre sur le traitement médiatique de cet événement d'ampleur mondiale dont on parle chaque année depuis 20 ans ?
Oui. La plupart des gens ont en tête les images qu'on connaît tous : des avions qui s'écrasent ou celles des tours qui s'effondrent, mais peu de personnes ont suivi les médias américains ce jour-là avec des éditions spéciales qui ont duré des jours et des jours. Ce sont les plus impressionnantes, tout comme les commentaires de ce que vivent les journalistes américains. On n'a jamais vu ça.
"C'est vraiment à flux tendu"
Quand avez-vous mis le point final à l'émission ?
Nous avons terminé les dernières modifications vendredi. Et on tourne les plateaux ce soir (lundi, ndlr) avant une dernière modification mardi et l'envoi à TF1 mercredi pour une diffusion le soir-même. C'est vraiment à flux tendu.
En tant que spécialiste des audiences télé, vous devez penser au couperet de jeudi matin à 9h, lorsque les audiences de votre prime time sur TMC seront publiées par Médiamétrie. A partir de quel score vous estimerez-vous satisfait ?
Il faudrait faire plus de 600.000 téléspectateurs. En-dessous, nous serons déçus. C'est un peu l'étiage des prime info chez nous, entre 600.000 et un million. A part Etienne (Carbonnier, ndlr) qui, lui, fait presque deux millions (rires). Le problème c'est qu'il va faire très chaud mercredi et que les gens auront peut-être des envies de terrasse...
Un dispositif spécial est-il prévu dans "Quotidien" mercredi ?
Oui. Nous aurons Elise Lucet et David Pujadas en plateau. Et peut-être un duplex avec Laurence Haïm. L'idée est de donner envie aux gens de regarder le prime sans tout raconter en amont.
"Le premier gros breaking news de l'histoire"
Quel souvenir gardez-vous de la journée du 11 septembre 2001, sur un plan personnel et sur un plan médiatique ?
J'ai un souvenir hyper précis. J'étais en cours à Montpellier, j'avais 20 ans. En début d'après-midi, on apprend qu'il se passe un truc énorme à New York. Mais à l'époque, nous n'avions pas les portables qui nous envoient des pushs toutes les 2 minutes 30. Personne ne comprend vraiment. Dans l'école, il y a une télé. On voit ces images assez dingues. Ce jour-là, j'ai fini les cours très tôt, aux alentours de 15h. Je prends ma voiture tout en écoutant franceinfo. Je rentre chez moi vers 15h30 et je reste scotché devant ma télé jusqu'à minuit comme beaucoup de Français ce jour-là. Je zappais entre TF1, France 2 et France 3. Il n'y avait que deux chaînes info : LCI et iTélé, qui n'existaient que depuis deux ans et qui n'étaient pas au point sur les breaking news. Donc on suivait principalement les grandes chaînes.
Cela a été le premier gros breaking news de l'histoire et ça a changé quelque chose médiatiquement : depuis ce jour-là, les chaînes ne traitent plus du tout de la même façon ce type d'événement. Elles ont changé leur façon de travailler. C'est ce que Elise Lucet nous raconte dans le doc : ils sont alors à la ramasse sur France Télé avec des experts plateau qui arrivent un peu tard et très peu de connexions internationales et donc peu d'images qui arrivent en régie... Donc, depuis ce jour-là, ils ont mis en place tout un tas de procédures pour traiter les breaking news de manière hyper professionnelle et structurée. Dans l'esprit des journalistes et dans celui de la fabrication de l'info, je pense que le 11 septembre a vraiment changé une façon de travailler dans l'urgence qu'on n'avait pas forcément avant.
LCI, qui était la plus vieille chaîne info, avait cette culture du breaking news et heureusement, David Pujadas, qui vient tout juste de rejoindre France 2 en 2001, venait de là-bas et savait le faire. C'est pour cette raison que la spéciale de France 2 est assez bluffante, quand on repense aux moyens de l'époque.
D'autres numéros de "21h Médias" sont-ils prévus en cours de saison ?
Oui. Mais nous n'avons pas fixé de nombre : deux ou trois par an, ce serait pas mal. Reste la question du sujet, mais pour l'instant, nous n'avons pas de sujet qui s'impose.
"Ne pas être acteurs de la présidentielle, mais observateurs"
Vous abordez donc votre cinquième saison dans "Quotidien" et la première sous le signe de l'élection présidentielle. Dans quel état d'esprit êtes-vous ?
Une présidentielle, quand on est journaliste, c'est une année attendue. Je pense que ça va être dur, violent et compliqué. On le voit déjà depuis une semaine. Mais nous, notre job à "Quotidien", c'est de décrypter tout ça, de ne pas être acteurs de la présidentielle, mais d'être observateurs. C'est génial de décrypter les discours des politiques, de dérusher les meetings, de raconter la communication des candidats. Nous le faisons régulièrement dans "19h30" et nous allons continuer à le faire. Yann (Barthès, ndlr) le fait toujours, Paul Gasnier aussi dans son nouveau rendez-vous... C'est une super matière pour "Quotidien".
Quitte à créer une page spéciale présidentielle dans "19h30 médias" ?
On le fait déjà un peu. Mais il ne faut pas en mettre trop non plus. Notre obsession pour 2022 n'est pas l'obsession des gens qui nous regardent ou des Français. Je pense que 2022, c'est loin pour eux. Restons calmes.
"Ma journée est réglée comme du papier à musique"
A quoi ressemble la journée type de Julien Bellver avec "Quotidien" ?
Elle est réglée comme du papier à musique (rires). Toutes les journées se ressemblent. J'arrive au bureau vers 8h30, je prépare ma réunion de rédaction qui a lieu vers 9h15. C'est là que je propose mes sujets pour le soir-même. A la fin de la réunion vers 10h30, j'en parle avec mon équipe. On est trois en tout. Et là, c'est parti pour un marathon qui dure jusqu'à 17h à la rédaction et qui consiste à rapatrier et monter les images. A 17h, j'ai un visio avec le rédacteur en chef, Théodore Bourdeau, qui lit mon texte et regarde les images. On fait des petites ou de grosses modifs. Une fois qu'elles sont faites, je pars en plateau vers 18h, j'ai une répétition vers 18h10 en présence de Théodore et du producteur, Laurent (Bon, ndlr). Yann n'est pas là. Il connaît les sujets mais il ne sait donc pas à quoi cela va ressembler. Il y a d'ultimes modifications faites à distance et à 19h15, place au direct. Généralement, je sors du plateau vers 20h45.
Dans vos chroniques, vous avez tendance à "savonner" parfois, autrement dit à bafouiller ou à buter sur un mot, ce qui vous vaut d'être taquiné par Yann Barthès, comme c'est le cas également pour votre accent du sud. Est-ce-que ce sont des points que vous essayez de corriger à l'antenne ?
"Savonner", ça m'arrive, mais je pense que ça arrive à peu près à tout le monde. Vu que tout est extrêmement produit et écrit chez nous, il n'y a pas d'improvisation. Donc ça peut nous arriver d'écorcher un mot comme lorsqu'on lit un texte. Mais nous sommes quasiment en direct, donc pas question de refaire. Et puis Yann qui se moque de ça ou de mon accent, cela ne m'a jamais gêné, on aime bien se taquiner.
Vous aviez lancé un format numérique baptisé "La lucarne". Est-ce-qu'une deuxième saison est prévue ?
Oui. C'est même une troisième saison puisque nous avions commencé en moitié de saison l'année dernière.
Pourquoi avoir implusé ce nouveau format ?
L'idée, c'est de développer des formats alternatifs à "Quotidien" avec les codes de l'émission pour traiter de l'innovation dans les médias. Ce sont des sujets parfois un peu pointus et difficiles à vulgariser à 19h, c'est la raison pour laquelle nous avons créé cet espace.
"Je ne fais pas partie de ces gens qui travaillent à la télé mais ne la regardent pas"
Quel sorte de téléspectateur êtes-vous ?
Je suis un consommateur de télé. Je ne fais pas partie de ces gens qui travaillent à la télé mais ne la regardent pas. Je consomme beaucoup les infos et les plateformes, un peu moins de divertissement. Je trouve que cela fait longtemps que nous n'avons pas eu de bons gros divertissements en prime. Toutes les marques sont un peu vieilles aujourd'hui à la télé.
En parlant d'info, que vous inspire la guerre entre les chaînes info, en particulier entre BFMTV et CNews ?
Il y en a beaucoup en France puisqu'il y en a quatre. C'est énorme. Donc forcément pour exister, il faut un peu se radicaliser. C'est le choix qu'a fait CNews, même s'ils s'en défendent. Il suffit de regarder la chaîne pour s'en faire une idée. Après, il y a BFMTV qui est leader dans ce paysage-là et qui essaie de rester une chaîne d'information très grand public. C'est compliqué face à une chaîne qui pousse très fort pour gratter des parts de marché. Concernant LCI, je pense que c'est une chaîne qui veut exister par sa normalité, mais c'est très difficile quand il y a quatre chaînes info. Et franceinfo...
Une chaîne peut-être trop normale ?
franceinfo veut se placer en-dehors de l'hystérie des chaînes info. C'est aussi une ligne, mais on voit qu'elle n'est pas hyper payante en termes d'audience. Je ne sais pas combien de temps encore va durer ce paysage à quatre chaînes info. C'est compliqué en terme de rentabilité et de fragmentation de l'audience. Je ne pense pas que cela puisse durer très longtemps.
"BFMTV qui parle en boucle de Zemmour, c'est un spot de pub permanent pour sa quotidienne sur CNews"
Dans la sphère médiatique actuelle, y a-t-il quelque chose qui vous fascine ou qui vous inquiète ?
(il hésite). Ce qui m'inquiète un peu, c'est l'emballement médiatique autour d'Eric Zemmour. Il n'est pas encore candidat, mais c'est probablement celui dont on parle le plus. Ce week-end sur les chaînes infos, c'était du délire ! Et ce n'est qu'un début puisque son livre sort la semaine prochaine. Il est maintenant à 8% dans les sondages et les médias ont déjà une part de responsabilité. Mais méfions-nous aussi des intentions de vote. Pour les régionales, on nous avait annoncé une explosion du RN et on a vu le résultat. Si finalement il ne se présente pas, les médias auront malgré tout contribué à la bonne santé de sa petite entreprise, avec ses livres et son émission de télé : BFMTV qui parle en boucle de Zemmour, c'est un spot de pub permanent pour sa quotidienne sur CNews.