Nouvelle émission de débat pour France 5. A partir de ce soir à 22h30, Karim Rissouli prendra les commandes de "C ce soir, le débat", un nouveau programme produit par Together Media et diffusé du lundi au jeudi, en lieu et place de la traditionnelle rediffusion de "C dans l'air". L'animateur de "C politique" sera entouré pour l'occasion d'une bande de chroniqueurs inédite composée de Laure Adler, Camille Diao, Jean Birnbaum et Maxime Darquier. Objectif : remettre le débat d'idées apaisé au centre du jeu.
Pour le premier numéro ce soir, Karim Rissouli recevra en fil rouge l'historienne Michelle Perrot. Puis, l'équipe de "C ce soir" accueillera Vanessa Springora pour revenir sur les conséquences de la parution de "Le consentement", il y a un an. Enfin, le présentateur organisera un débat sur la prescription avec Muriel Salmona et Caroline Mecary.
Propos recueillis par Benjamin Meffre.
Début janvier, Stéphane Sitbon, le directeur des programmes de France Télévisions, a expliqué qu'avec "C ce soir", son groupe allait renouer avec la tradition du débat d'idées le soir à la télévision. En quoi "C ce soir" différera-t-elle des émissions du même genre proposées précédemment, du "Cercle de minuit" à "Ce soir ou jamais" ?
Karim Rissouli : J'assume totalement la filiation avec des émissions comme "Le cercle de minuit" ou "Ce soir ou jamais" car elles étaient très belles et nobles. "C ce soir" sera cependant différente, notamment parce que je serai accompagné par une bande de chroniqueurs. Nous serons davantage dans la filiation de "C politique" dans la scénographie et le déroulé. Nous avons pour ambition de ne pas être seulement une émission de débat mais aussi de produire de l'info et d'éclairer l'actualité. "C ce soir" sera une émission très produite, avec des chroniques et des magnétos.
"C ce soir" sera-t-elle une simple déclinaison quotidienne et nocturne de "C politique" ?
Nous assumons la filiation. Stéphane Sitbon a d'ailleurs eu l'idée de l'émission en pensant à "C politique". Nous avons cependant imaginé une autre émission, avec une autre bande, mais qui reste dans le même esprit.
Avec un invité fil rouge chaque soir ?
Oui, l'émission va durer environ une heure avec un invité fil rouge. Cela pourra être un intellectuel, un artiste, un romancier, un réalisateur ou même un acteur ayant un regard sur la société.
Vous n'inviterez pas de responsable politique ?
Non, nous n'inviterons pas de responsable politique. Nous débuterons l'émission avec cet invité fil rouge en commençant par expliquer en quoi son oeuvre et sa vie éclairent l'époque. Nous enchaînerons ensuite avec "Le débat du jour" pour lequel nous ferons venir d'autres invités. Nous pourrions par exemple très bien organiser lundi un débat sur la mémoire, suite à la remise du rapport de Benjamin Stora à Emmanuel Macron (sur la réconciliation des mémoires de la guerre d'Algérie, ndlr), car ce dernier a été en partie éclipsé par l'investiture de Joe Biden. Plus largement, notre volonté est d'avoir des débatteurs qui ne soient pas uniquement des experts. Nous voulons mélanger les horizons, le monde de la culture et la société civile. Nous terminerons "C ce soir" avec un autre invité qui sera davantage dans le registre du témoignage. Cela pourra être par exemple un chanteur comme Gaël Faye qui viendrait nous livrer son regard sur la société. L'idée est de provoquer la rencontre avec l'invité fil rouge. C'est vraiment une émission qui voudra mélanger débats d'idées, témoignages et production d'infos sur l'actualité.
"Nous sommes dans le règne du clash et des polémiques gratuites à la télévision"
Vous voulez aussi contribuer à faire émerger de nouveaux visages ?
Oui, un peu comme Frédéric Taddeï a révélé beaucoup de nouveaux visages dans "Ce soir ou jamais". Nous avons la même ambition.
Pourquoi avoir choisi cette équipe de chroniqueurs ?
Je suis très heureux et fier de cette bande. Je la trouve vraiment intelligente, variée, complémentaire. Maxime Darquier sera un peu l'enquêteur de la bande. C'est lui qui va aller chercher l'info là où d'autres ne vont pas. Camille Diao est la journaliste qui m'accompagnera tous les soirs et m'aidera à faire de la pédagogie sur l'actualité, à présenter les invités et les évènements. Le troisième siège, c'est entre guillemets celui de l'intello de la bande. Nous aurons Jean Birnbaum et Laure Adler en alternance. Jean, c'est un mec qui peut citer dans la même phrase Michel Foucault et Booba. Il a beaucoup d'humour et de second degré. Et il y aura Laure Adler, que je ne présente pas, que nous avons réussi à convaincre de revenir en télévision. J'en suis hyper-content.
L'émission sera enregistrée. Ne pensez-vous pas que cela lui fera perdre en force ?
Nous pourrons la faire en direct en cas de besoin. Nous nous sommes organisés pour cela. "C ce soir" sera de toute façon toujours tournée dans les conditions du direct et il n'y aura pas de montage. Nous ne sommes cependant pas une émission de hard news et nous voulons bien nous distinguer de "C dans l'air", l'émission des experts, et de "C à vous", qui se doit de recevoir chaque soir tous les grands acteurs de l'actualité du jour. Nous, nous pourrons traiter de sujets un peu plus froids, à J+1 ou J+2, car nous allons tenter d'apporter un regard un peu différent.
Où sera tournée l'émission ?
Nous avons investi un loft sur les grands boulevards à Paris, avec une grande verrière.
"'C ce soir' est une émission qui n'est pas trop dans l'air du temps vu qu'elle vise à mettre les idées en vedette" a décrit Stéphane Sitbon lors de sa présentation. Qu'entendait-il par là ?
Le débat est dans l'air du temps. Beaucoup d'émissions se présentant comme "de débat" sont à l'antenne un peu partout. J'ai cependant le sentiment que le mot débat est un peu galvaudé et ne veut plus dire grand chose aujourd'hui. Pour moi, débattre ne veut pas forcément dire mettre des gants de boxe. Débattre, c'est échanger, essayer d'être plus intelligent à la fin qu'au début de la discussion, sans être pour autant bisounours. Nous voulons montrer que le débat peut être constructif, qu'il peut y avoir de la passion mais sans invective. Nous voulons essayer de construire des plateaux avec des gens qui s'écoutent. De ce point de vue là, l'émission n'est pas dans l'air du temps, bien qu'il y ait des débats intelligents ailleurs à la télévision. Mais nous sommes quand même en ce moment dans le règne du clash et des polémiques gratuites.
"L'une de nos missions est de montrer qu'on peut débattre sans se battre"
Les médias doivent-ils réparer le débat public selon vous ?
Oui, l'une de nos missions est de montrer qu'on peut débattre sans se battre. En tant que journaliste, nous avons tous une responsabilité dans ce domaine. Souvent, on peut se dire que si une émission ne fait pas de clashs ou de buzzs, elle ne marchera pas. Mais je ne crois pas à cela. Des émissions comme "C politique" ou "28 minutes" ont du succès en s'adressant à l'intelligence des téléspectateurs. Des émissions anti-clash peuvent s'installer à la télévision.
"Débattre, c'est argumenter pour ne pas se battre", annonce le communiqué de présentation de "C ce soir". Pensez-vous que nous soyons en France, comme aux Etats-Unis, à l'aube d'une possible bagarre générale ?
Oui, vraiment. La société, le pays, a besoin plus que jamais d'émissions de débat apaisées. Des émissions qui décryptent les fake news, analysent le monde, permettent d'échanger. Ce qu'il s'est récemment passé aux Etats-Unis montre que la démocratie est fragile, et pas uniquement aux Etats-Unis. Si nous pouvons, à notre niveau, contribuer à rendre le débat plus intelligible, je serais le plus heureux des journalistes et des citoyens.
Quel jour de la semaine ne travaillerez-vous pas ?
Le samedi ! Plus sérieusement, je suis très très bien entouré pour faire "C ce soir" et "C politique". Je n'avais pas prévu d'être cumulard. Au départ, je m'étais même dit que si je faisais "C ce soir", j'arrêterais "C politique". Mais Stéphane Sitbon m'a convaincu de continuer. Et comme je voulais bien montrer la filiation entre les deux émissions, je me suis dit que ce n'était pas le moment d'arrêter "C politique", un programme que j'aime et qui est en train de s'installer sur la durée.